Dans une tribune publiée dans Le Figaro, l’évêque de Blois répond à Michel Onfray qui, dans Le Figaro , avait exprimé son attachement au «patrimoine liturgique» de la messe en latin. La tradition doit être vivante plutôt que figée, explique le prélat.
L’éloignement de Michel Onfray par rapport à la foi catholique de son enfance ne saurait excuser l’erreur qu’il commet en confondant la messe dite de Paul VI, issue du concile Vatican II, avec l’abandon du latin et du chant grégorien, qui seraient du même coup l’apanage de la messe dite de saint Pie V issue du concile de Trente. Cette confusion l’a conduit à écrire (NDLR: nos éditions du 19 juillet) que le pape François vient « d’abroger la décision prise par Benoît XVI de permettre la messe en latin, dite messe tridentine, pour ceux qui le souhaitent » .
Étant à peu près contemporain de Michel Onfray, j’ai été témoin comme lui de la période transitoire (entre 1965 et 1969) au cours de laquelle la messe de saint Pie V a continué à être célébrée, mais en français: les textes n’avaient pas changé, mais le latin était déjà abandonné. À partir de décembre 1969, on a célébré ce que le jargon liturgique appelle l’ordo de Paul VI, et il faut souligner que l’édition de référence de ce nouveau missel a été et demeure rédigée en latin. Aujourd’hui encore, si l’on assiste à la messe à l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes par exemple (un haut lieu du chant grégorien), on verra que la liturgie est toujours en latin, à la seule exception des lectures bibliques. Et il s’agit bien de l’ordo de Paul VI, et non de l’ordo antérieur au concile.
Le débat n’est donc pas entre le latin et le français, mais entre la tradition vivante et une conception figée de cette même tradition. La liturgie n’a cessé d’évoluer au cours des siècles, et elle a toujours puisé dans le trésor des périodes passées pour s’adapter à des situations nouvelles. Jamais elle n’a fait comme si le temps s’était arrêté. En veut-on un exemple? Les communautés les plus arc-boutées à l’ordo de saint Pie V se mettent elles-mêmes dans l’impossibilité de célébrer les saints qui ont été canonisés par Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI et François. Pourquoi? Parce que ces communautés s’en tiennent obstinément au calendrier d’avant le concile, qui ne mentionne évidemment pas ces saints. On touche le fond de l’absurdité et, disons-le, de la bêtise.
On peut évidemment déplorer que l’abandon du latin ait été si radical dans l’après-concile, et que tout un patrimoine de chants liturgiques soit ainsi tombé dans l’oubli. Mais il faut bien voir que cela s’inscrit dans un naufrage général des études littéraires et que ce phénomène affligeant va bien au-delà de la liturgie. Il faut aussi se garder d’oublier que le passage au latin, dans l’Antiquité tardive, découlait de la volonté d’être compris par des fidèles qui ne comprenaient pas… le grec. Car c’est le grec, et non le latin, qui a été la première langue liturgique de l’Église.
«Dans la liturgie terrestre nous participons par un avant-goût à (la) liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem à laquelle nous tendons comme des voyageurs, où le Christ siège à la droite de Dieu.» Quel concile antédiluvien a donné cette définition? Ce n’est autre que le concile Vatican II dans son admirable texte sur la liturgie. En lisant ces paroles, on a du mal à comprendre ce qu’affirme Michel Onfray: «Ce qui se joue dans cette affaire, c’est la suite de Vatican II, autrement dit l’abolition du sacré et de la transcendance.»
A part l’abbaye de Solesmes, cette “tarte à la crème” de la messe Paul VI en latin, Mgr Batut a-t-il d’autres lieux à nous proposer pour assister à la messe Paul VI latine et grégorienne ? A l’abbaye de Flavigny peut-être ? Où, rappelons-le, les prêtres célèbrent chaque matin la messe Tridentine puis assistent à la messe conventuelle selon le nouveau missel, sans concélébrer… Quant à la communauté Saint-Martin (qui a déménagé son séminaire, auparavant dans le diocèse de Blois), ses prêtres ne célèbrent pas en latin lorsqu’ils se retrouvent en paroisse.
Mais la plus grosse bêtise qu’écrit Mgr Batut est ici :
Les communautés les plus arc-boutées à l’ordo de saint Pie V se mettent elles-mêmes dans l’impossibilité de célébrer les saints qui ont été canonisés par Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI et François. Pourquoi? Parce que ces communautés s’en tiennent obstinément au calendrier d’avant le concile, qui ne mentionne évidemment pas ces saints. On touche le fond de l’absurdité et, disons-le, de la bêtise.
Si Mgr Batut s’était un peu renseigné, il saurait que le pape François, a confirmé deux décrets le 22 février 2020 :
- l’un ajoutant sept préfaces au missel de 1962
- l’autre permettant de célébrer la Messe de tout Saint inscrit au catalogue des Saints après le 26 juillet 1960, au jour où il est prévu que l’Église universelle fête sa mémoire liturgique.
A force d’être arc-bouté sur l’ordo de Paul VI, on en vient à raconter n’importe quoi.