Mgr Pierre d’Ornellas s’est exprimé dans le journal La Croix du 30 juin, au moment du vote définitif de la loi bioéthique à l’Assemblée nationale :
Comment prendre acte de cette loi de bioéthique marquée par une absence de consensus ?
La loi de bioéthique n’est pas une loi comme les autres, elle concerne les aspects les plus fondamentaux de l’être humain. Or, nous sommes devant un blocage, révélé par la décision du Sénat de rejeter le projet de loi sans examen. Il n’y a pas de dialogue possible car s’affrontent deux visions contradictoires sur l’être humain et sa dignité. Il faut réfléchir à cette butée contre laquelle les parlementaires se sont heurtés. D’où vient-elle ? Faut-il voter une loi de bioéthique alors qu’on fait l’expérience d’oppositions irréconciliables sur la conception de la dignité humaine ?
L’absence de consensus est une première dans ce domaine ! Le président de la République en souhaitait un large : il avait raison mais il a échoué. Nous ne pouvons que prendre acte de cette butée et de la nécessité politique grave et urgente pour qu’un dialogue fasse naître un consensus sur la dignité de l’être humain. Il serait dramatique que l’on consacre comme normal le dissensus sur ces questions de fond.
Comment se positionner par rapport à une loi qui consacre des évolutions majeures ?
Une porte est ouverte vers l’absence de référence éthique puisque la PMA a vocation à répondre à un projet parental. Il suffit donc d’avoir un tel projet pour que la technique puisse ou doive y répondre. Or, il y a exactement la même dignité humaine entre l’adulte qui a un projet parental et celui qui va en être issu. Voilà le principe éthique de la fraternité ! Le projet parental doit se soumettre à cette norme éthique : respecte-t-il la dignité humaine de celui qui en sera issu ?
En outre, le risque est grand que s’ouvrent les transactions financières pour se fournir en gamètes car la France va en manquer. Nous risquons d’aller vers la marchandisation de produits du corps humain, ce qui blesse la dignité humaine. Enfin, les embryons chimères constituent une transgression éthique considérable : seule la distinction entre l’animal et l’être humain permet à ce dernier de trouver avec intelligence le juste rapport avec les animaux.
Quelle parole l’Église peut-elle porter aujourd’hui ?
Tous ceux qui réfléchissent à la nature et à la dignité de l’être humain continueront à éclairer les consciences ; qu’ils soient croyants, catholiques, ou chercheurs « de bonne volonté ». Soit nous suivons la voie du « progressisme » consistant à vouloir avoir toujours plus grâce au développement des techniques et à une atmosphère néolibérale marquée, comme le dit le pape, par « le virus de l’individualisme ». Soit nous allons vers une « écologie intégrale ». Une écologie qui respecte la planète et sa biodiversité ne peut pas exister sans respecter l’être humain et sa complexité.
Il n’y a pas de demi-choix. Il ne peut y avoir en même temps une éthique de respect vis-à-vis de la planète et une éthique de la technique et de la possession vis-à-vis de l’humain. Les chrétiens, avec d’autres, sont appelés à éclairer les consciences par le témoignage de leur vie. Je suis frappé de voir tous ceux qui, à cause de l’Évangile, sont empreints de délicatesse dans le respect de la dignité humaine, en accompagnant les plus fragiles, les personnes en fin de vie ou avec un handicap, les femmes qui ont une grossesse difficile…
Il faut aussi éveiller les consciences par l’éducation. Je suis invité dans des lycées et c’est passionnant de réfléchir avec les jeunes sur le fond. Je vois que dans le cœur humain, il y a une petite voix qui clame la grandeur de la dignité humaine. Encore faut-il prendre collectivement le temps de l’écouter !