Sur le site de L’Homme Nouveau, Odon de Cacqueray pointe les incohérences de l’archevêque de Dijon :
[…] La décision de Mgr Minnerath à quelques mois de son départ est surprenante. Il ne sera pas présent lors de la prochaine messe chrismale, pourquoi ne pas laisser son successeur aviser ? Il y a un an, la convention donnant la jouissance de l’église natale de saint Bernard à la FSSP a été rompue par l’évêque. Mgr Minnerath annonçait alors l’installation de la communauté Aïn Karem, qui n’a finalement pas eu lieu. Pourquoi l’évêque n’a-t-il pas signé une nouvelle convention ? En plaçant la FSSP dans une situation d’instabilité – l’absence de lettre de mission en témoigne -, l’évêque de Dijon semblait déjà mûrir cette éviction.
L’attachement des fidèles (« un petit groupe » dit le communiqué, 150 fidèles réguliers, 300 en comptant les occasionnels) à leurs prêtres est pointé du doigt par l’évêque ainsi que l’exclusivité de la messe en forme extraordinaire. « Une partie des fidèles va facilement d’un rite à l’autre. Une autre partie n’admet pas la messe ordinaire et rejette ce qu’ils appellent “l’Église conciliaire” ». Visiblement il n’existerait pas de troisième voie : la possibilité d’assister exclusivement à la forme extraordinaire sans rejeter la forme ordinaire. Sur quelle base est donc assise cette assertion ? Quelques commentaires Facebook ? Lesquels ? Sont-ils issus de paroissiens dijonnais ? Le communiqué n’apporte pas de précisions.
Alors que l’évêque remerciait les prêtres pour leurs bons services dans le premier communiqué, le ton change dans son deuxième mot : « Le blocage vient de l’attitude de la FSSP qui a exclu que ses prêtres célèbrent dans le rite ordinaire. Les fidèles ne comprennent pas ce blocage et se disent victimes de cet endurcissement. » Un appel téléphonique à l’abbé Paul-Joseph aurait évité d’écrire cette erreur grossière. Quand Mgr Minnerath se plaint de l’envoi de deux prêtres au lieu d’un seul, le communiqué de la FSSP cite l’évêque en 2017 : « Je ne peux qu’approuver votre décision [l’envoi d’un prêtre supplémentaire] et me réjouir de voir, à la rentrée de septembre 2017, un autre prêtre venir renforcer la présence sacerdotale dans notre diocèse ».
La conclusion intitulée « Proposition » n’en est pas vraiment une : « Si les prêtres de la Fraternité avaient accepté, comme leur prédécesseur, de marquer leur unité avec nous au moins dans quelques concélébrations et s’ils ne considéraient pas leur groupe de fidèles comme leur domaine exclusif, nous nous serions réjouis de leur contribution. » L’ouverture est plus franche dans l’article du Bien Public, Mgr Minnerath ayant affirmé au journaliste « je pourrais revenir sur cette décision si la Fraternité Saint-Pierre accepte de concélébrer de nouveau »(20 juin).
Mgr Minnerath semble très à cheval sur la liturgie, la messe en forme ordinaire et l’application du Concile. Pourtant, où était le grégorien demandé par Sacrosanctum Concilium (« L’Église reconnaît dans le chant grégorien le chant propre de la liturgie romaine ; c’est donc lui qui, dans les actions liturgiques, toutes choses égales d’ailleurs, doit occuper la première place. » SC 116) lors de la messe chrismale diffusée sur Youtube l’année dernière ? Est-il aussi sévère avec les prêtres de son diocèse qui ne respectent pas les rubriques à la lettre ? Les prêtres de la FSSP étaient présents lors des précédentes messe chrismale, pourquoi les brusquer dans leur choix en conscience qu’ils sont libres de poser ? Pourquoi au lieu d’un communiqué lapidaire et factuellement erroné l’évêque n’a-t-il pas accédé rapidement à la requête de dialogue apaisé de la FSSP ?
Le discours de Mgr Minnerath à quelques mois de son départ semble se durcir. En témoigne le bref échange qu’il a eu le 16 juin avec des fidèles sur le parking de la maison diocésaine. Il avait alors lancé que sa décision n’était pas une lubie avant d’affirmer qu’ils sont plusieurs « à avoir le même discernement sur la question » pour finir par affirmer « cela va être universel, vous allez voir ! ». Affirmation réitérée lors de la manifestation des fidèles le 26 juin devant l’archevêché. À cette occasion Mgr Minnerath a lancé : « J’anticipe ce qui sera demandé partout dans le monde. Le pape va bientôt s’exprimer ! » alors qu’un fidèle lui répondait que « personne ne sait ce qu’il va dire » l’évêque a aussitôt rétorqué « mais moi je sais ce qu’il va dire ! ». Une référence explicite au texte attendu du pape qui devrait venir réformer le motu proprio de Benoit XVI Summorum Pontificum, publié en 2007. Mgr Minnerath étant membre, depuis 2015, de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, il aurait pu avoir accès au document. À l’époque de la parution du texte de Benoit XVI, Mgr Minnerath écrivait pourtant : « Nous avons appris à respecter les sensibilités de chacun. Qu’entre le plus grand nombre qui continuera à célébrer selon la liturgie rénovée d’après le Concile et ceux qui célèbreront d’après la forme antérieure, règnent l’acceptation mutuelle, l’unité et “par-dessus tout la charité” » (cf. 1 Co 13,13).
Cet acte isolé pourrait être simplement perçu comme un acte autoritaire d’un évêque sur le départ. Pourtant le contexte actuel soulève d’autres questions. Alors qu’une Synthèse des résultats de la Consultation sur l’application du Motu proprio Summorum Pontificum demandée par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi en avril 2020 a été rendue en ce début d’année par la Conférence des Evêques de France et fait montre d’une mauvaise foi singulière ainsi qu’un manquement à la requête même de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Alors qu’est attendu un document qui devrait venir limiter ce motu proprio qui oeuvre pour la paix liturgique. Nous pouvons nous interroger : qui souhaite rouvrir la guerre liturgique ? Quel est l’objectif de ces brimades à destination des fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain ? Pourquoi un chantage à la concélébration (« ou bien ils concélébrent de temps en temps et ils restent, ou ils refusent et ils partent ») ? Mgr Minnerath l’a dit lors de la manifestation du 26 juin : « Je n’ai demandé que la concélébration, comme signe de communion ». Pourquoi ne pas en demander un autre ? Peut-être aura-t-il changé d’avis en fin de semaine puisqu’il a accédé, suite à une troisième demande, de rencontrer les prêtres de la FSSP.