Jean-Pierre Maugendre revient sur la disparation du RP Bernard Lecareux, fondateur et longtemps supérieur de la Fraternité de la Transfiguration (Mérigny) qui a accompagné pendant de nombreuses années Renaissance Catholique. Il rend un hommage appuyé au RP Lecareux qui a traversé la période de l’après-Concile si troublée et qui a fondé cette fraternité vouée à la prière pour le retour dans l’église catholique des orthodoxes.
Le dernier témoin
Il était le dernier, ou presque. L’ultime témoin d’un monde irrémédiablement disparu : celui de l’Eglise d’avant Vatican II. Ordonné prêtre en 1963 pour le diocèse de Paris le père Bernard Lecareux fut aussi, et surtout, un religieux et un fondateur d’ordre. Il a rejoint, devant l’histoire et devant Dieu, les quelques religieux et religieuses qui dans la tourmente post-conciliaire maintinrent intactes les exigences de la vie religieuse dans la fidélité aux constitutions de leurs ordres et à la messe de la Tradition de l’Eglise. Citons le capucin Eugène de Villeurbanne, le bénédictin Gérard Calvet, les dominicaines Hélène Jamet (Brignoles) et Anne-Marie Simoulin (Fanjeaux), la carmélite Marie-Christiane Lefebvre, etc. qui tous, à un moment ou à un autre de leur vie, croisèrent la route de Mgr Marcel Lefebvre.
Après plusieurs années comme vicaire dans une paroisse de Suresnes celui qui n’était encore que l’abbé Bernard Lecareux fonde en 1970, dans le Berry la Fraternité de la Transfiguration. Cette communauté est dédiée à la prière pour le retour à l’unité catholique des chrétiens orthodoxes à l’école de Mgr Ghika, prélat roumain converti de l’orthodoxie et décédé en prison en mai 1954, et à l’apostolat en milieu rural. L’abbé Lecareux répond ainsi à la demande de l’abbaye bénédictine Notre-Dame de Fontgombault qui souhaite avoir comme curé du village un prêtre qui ne dira pas le contraire de ce qui sera prêché à l’abbaye. Le noyau originel de la communauté est constitué par d’anciens scouts de Suresnes qui ont suivi leur aumônier au pays des étangs et des sorciers. La communauté se développe, desservant ensuite également les paroisses d’Ingrandes, Mérigny et Sauzelles. Cependant l’orage gronde. En 1974 l’abbaye de Fontgombault, la mort dans l’âme, adopte la nouvelle messe. Le père Lecareux est d’une autre trempe. Il refuse d’abandonner de célébrer une messe qui selon le pape Benoît XVI n’avait jamais été interdite. Le père Jean-Marie, actuel supérieur de la Fraternité de la Transfiguration, rappellera ce fait dans l’homélie de la messe d’enterrement. L’argument théologique est imparable : « Je n’ai pas été ordonné au cirque Amar pour changer de programme tous les six mois ». S’ensuivent, bien sûr, les condamnations par l’archevêque de Bourges, l’abandon des cures, des paroisses, l’installation dans une ferme sur la commune de Mérigny : au Bois, le rapprochement avec la Fraternité Saint Pie X afin d’assurer les ordinations des futurs prêtres. Héritier de l’école française de spiritualité de Saint-Sulpice le père Lecareux était un don Camillo berrichon. A la différence près que le Berry est depuis longtemps un pays de mission, et non une terre de chrétienté. Haut en couleur, direct, convivial, d’une intarissable faconde, excellent prédicateur, enflammé de zèle pour le salut des âmes et la gloire de la « mère Eglise », le père Lecareux fut la tête et l’âme d’une communauté qui compte aujourd’hui 10 prêtres, 5 frères et 10 sœurs. Dans la « vigne ravagée » des années de plomb de l’Eglise de France Mérigny devint un point de rencontre, à l’hospitalité toujours discrète et généreuse, à l’ambiance familiale pour les âmes en quête de paix et de vérité.
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Signalons à nos lecteurs que Jean-Pierre Maugendre, comme directeur de publication du site internet de Renaissance Catohlique, a été mis en examen il y a quelques semaines pour provocation à la discrimination (lire le communiqué de Renaissance Catholique) pour avoir défendu la doctrine de l’Eglise.
Rendons Grâce à Dieu de nous avoir donné tous ces bons et saints prêtres qui dans le naufrage de Vatican II et de ses réformes révolutionnaires restèrent fidèles à la foi catholique et à la sainte messe de toujours. L’Abbé Lecareux en faisait partie et fit énormément pour la Tradition mais je pense aussi à Mgr Ducaud-Bourget, l’Abbé Coache, le Père André, le Père Marziac (qui est le seul survivant), le Père Calmel, l’abbé Dulac, l’Abbé Mouraux et bien d’autres que je ne peux tous nommer.
Tous ces prêtres ont eu un mérite extraordinaire car ils subirent de violentes persécutions et des sanctions aussi injustes qu’invalides des évêques modernistes. La messe était parfois célébrée dans des granges comme au temps de la révolution de 1789. Avec la révolution diabolique de Vatican II c’était la chasse aux prêtres fidèles et à la messe de toujours comme sous la terreur mais cette fois les persécutions venaient des hommes d’Eglise qui trahissaient Jésus Christ.
Tous ces valeureux prêtres préparèrent le terrain à la Fraternité St Pie X qui dans les années 70 en était à ses débuts.
Que ces saints prêtres soient maintenant nos intercesseurs et protecteurs.
Bien que pouvant faire mienne pour l’essentiel, la contribution de TD, je souhaite apporter un éclairage personnel sur l’intuition fondatrice de l’oeuvre du R.P. LECAREUX.
Lors de ma participation en 1970 au pèlerinage à Rome du tout jeune S.I.J.E.L., le Service Interdiocesain des Jeunes Équipes Liturgiques (cf. Les servants de messe, exclusivement des garçons à l’époque !), j’ai eu l’opportunité de rencontrer et d’échanger avec l’abbé LECAREUX, alors encore vicaire à Suresnes (92) et accompagnant les enfants de choeur de sa paroisse, au sujet de son projet de fondation.
Étant moi-même de rite byzantin, c’est à dire “orthodoxe”, car d’une paroisse russe-catholique (cf. La T.S.T., Rue François-Gérard, à Paris), je lui avais alors fait part de ma satisfaction pour son intérêt en vue d’un retour à l’unité visible de “l’Eglise Une et (alors) lndivise du premier millénaire” chrétien. Par la même occasion, je notais que choisir le vocable de TRANSFIGURATION, une des “Douze Grandes Fêtes” du calendrier orthodoxe me semblait pertinent.
Toutefois, je n’ai pu m’empêcher de remarquer qu’il serait chimérique d’imaginer qu’une future union avec les Églises orthodoxes puisse se réaliser au sein de la latinité romaine, comme il semblait alors le croire. Au reste, une telle option ne signifierait-elle pas la négation de toutes les Églises orientales unies à Rome, qui, pour beaucoup, partagent (encore / déjà) : les mêmes “Divines Liturgies” avec leurs calendriers liturgiques propres, les mêmes spiritualités, et parfois les mêmes formulations théologiques que leurs anciennes “Églises-mères” orthodoxes ou bien “orthodoxes-orientales” dont elles sont issues ?
Faut-il rappeler que le “Credo de Nicée-Constantinople”, la référence de la Foi chrétienne, proclame que l’Eglise est :《une, sainte, catholique et apostolique》et qu’il ne dit pas :《une, sainte, latine (ou bien romaine) et apostolique》! Aussi assimiler catholique et romain relève d’une confusion verbale regrettable qui empêche de voir que la séparation entre ce qu’un Saint Jean-Paul II appelait “les deux poumons de l’Eglise : l’occidental et l’oriental”, n’a jamais été sanctionné par aucun concile !
Saint Vincent de Lérins rappelait opportunément qu’est catholique : 《… ce qui est cru depuis toujours et partout》. En ce sens, les Églises orthodoxes se considèrent pleinement catholiques ! N’est-il pas significatif que ce soit exclusivement au sein de l’Église de Constantinople qu’aient été convoqués (par l’Empereur) et que se soient tenus tous les conciles oecuméniques durant le premier millénaire chrétien et jamais en présence du Pape de Rome, mais d’un légat ?
Fait ce 14 mars, dimanche du “Triomphe de l’Orthodoxie” (cf. Célébrant le rétablissement du culte des icônes par le deuxième concile de Nicée) et dimanche du “Pardon”, veille du début du Grand Carême de Pâques, selon Saint-calendrier orthodoxe.