Une belle réflexion de Carême des Bénédictins de Saint-Benoît de Brignoles sur le pardon :
Peu de choses sont plus faciles à recevoir et plus difficiles à donner que le pardon. En fait, nous pouvons être assez égoïstes sur ce point, le demandant pour nous-mêmes tout en étant très parcimonieux lorsqu’il s’agit de le donner à autrui.
Et pourtant, l’Evangile nous enseigne encore et encore que, si nous ne pardonnons pas nos frères « du fond du cœur » (Mt 18, 35), nous serons jugés très sévèrement. Le Notre-Père lui-même nous fait prier d’être pardonnés selon la mesure avec laquelle nous pardonnons à ceux qui ont péché contre nous.
Qu’est-ce que cela veut dire de pardonner ou d’être pardonné ? Fondamentalement, cela veut dire que l’offense est mise de côté et excusée par le parti offensé, sans autre forme de procès. Si je suis pardonné ou si je pardonne à quelqu’un, et que la vengeance est alors recherchée, on peut légitimement mettre en question la sincérité du pardon. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas justement réparer les dommages causés, mais que l’indignation ou la colère du parti offensé doit se calmer et faire place à la miséricorde.
Par rapport au péché, le pardon veut dire que les péchés commis après le baptême pour lesquels on s’est dûment repenti et pour lequel on accepte de justes restitutions et pénitences sont « effacés » (Is 44, 22) ; ils sont « absous », littéralement ôtés. La rupture causée en nous dans notre baptême est réparée et nous sommes restaurés dans la grâce de Dieu. C’est une question si importante que son administration, par la propre institution du Seigneur, est affaire des successeurs des Apôtres et de ceux qu’ils délèguent à cette tâche (les prêtres). Le pardon mutuel peut et doit être donné entre individus privés, mais là où un péché grave est impliqué, la médiation du prêtre de l’Eglise est nécessaire pour l’absolution.
L’Eglise enseigne que tout péché pour lequel on se repend et accepte de faire amende honorable peut être pardonné. Dans le christianisme, il n’y a pas de place pour le désespoir.
Ou du moins, il ne devrait pas en avoir. Chaque époque, semble-t-il, a sa liste de péché particulièrement honni pour lequel il ne semble pas y avoir de pardon. Aujourd’hui, nous ferions du fils prodigue un paria si sa liste de péchés impliquait l’un de ceux-ci. Son humble repentance ne compterait pour rien devant la tolérance zéro et selon toute probabilité, par désespoir, il retournerait vers une vie de péché.
Mais ce n’est pas ce que dit la parabole comme la raconta Notre-Seigneur. Nous ferions bien de nous en souvenir. St Benoit insiste que l’abbé punisse les méfaits et qu’il demande réparation, c’est vrai. Mais il doit être aussi attentionné envers le malfaiteur, de peur « de se laisser absorber par l’excès de la tristesse » (Règle, 27). La réparation doit être corrective.
Oui, le péché provoque la justice de Dieu et une juste pénitence est requise. Cependant, l’Evangile nous fait tempérer cela par la miséricorde, le tout avec prudence : un escroc repenti ne doit pas plus s’occuper d’une banque qu’un alcoolique en voie de rétablissement ne doit travailler dans une distillerie. Mais l’Evangile requiert que le pardon soit disponible pour quelque pardon que ce soit : un pardon généreux, plein d’amour qui restaure les pécheurs dans la vie dans le Christ et qui célèbre (et par-là même, consolide) leur retour, sans malaise ni peur. Nous péchons tous. Nous avons tous recours à la grâce de Dieu pour l’avenir. Il n’y a pas de place pour la création de parias dans le christianisme ; leurs pailles sont souvent bien plus petites que nos propres poutres (Mt 7, 3).
Nous avons un urgent besoin de l’Evangile du péché et du pardon. Cela ne veut pas dire qu’il faut promouvoir la « grâce facile », où le péché est pardonné d’une manière qui ne tient pas sérieusement compte de sa mortelle réalité. Cela veut plutôt dire que nous devons revenir aux enseignements traditionnels sur la réalité du péché et du pardon, et à la nécessité qui les accompagne d’une vraie repentance et d’une pénitence proportionnée (pas seulement une confession superficielle suivie d’une poignée de prières rapides).
Les péchés les plus graves demanderaient peut-être que l’on restaure une forme de pénitence formelle ou même publique qui, si elle est accomplie fidèlement et avec
une vraie humilité, mènerait à l’absolution du péché et à la restitution publique dans la famille de l’Eglise. Thomas Merton fait part dans son autobiographie du spectacle étonnant d’un vieux prêtre servant la Messe matinale d’un jeune moine nouvellement ordonné, qui faisait partie de la pénitence canonique qu’il accomplissait au monastère. Avons-nous le courage et la foi d’appeler les prêtres ayant péché à une telle pénitence ? Avons-nous les monastères où ils pourraient l’accomplir ? Le péché, certainement, n’est pas en petite quantité.
De même, il est temps que nous qui prions le NotrePère chaque jour (un moine le prie liturgiquement au moins de neuf fois par jour) prenions son enseignement au sérieux : nous devons pardonner autrui si nous-mêmes voulons être pardonnés. C’est un fait. Un fait divinement révélé, pas moins.
Si nous progressons sur ce point durant ce Carême, nous aurons déjà fait beaucoup. Car sans le pardon des péchés, il n’est point de salut ; un autre fait divinement révélé.
DIXIT «Peu de choses sont plus faciles à recevoir et plus difficiles à donner que le pardon»
Il y a aussi selon un curé qui disait : dans bien des cas, les gens pardonnent aux autres mais ne se pardonnent eux-mêmes…
Une belle contradiction sans vouloir amoindrir son commentaire qui est très bon d’ailleurs !
Point de vue
PENSÉE DU JOUR : saint Augustin nous dit : “Tandis que tu sois adversaire de toi même, la Parole de Dieu sera ton adversaire. Deviens ami de toi même et tu te seras réconcilié avec elle”.
Autrement dit sans chercher à fausser sa conscience & parfois on a besoin d’aide aussi. C’est le rôle de ceux qui sont le plus près de Dieu… Il faut apprendre à se pardonner dans un regret sincère pour un total pardon envers les autres…