Après la décision du Conseil d’État, l’évêque de Nanterre, Mgr Rougé, plaide pour le rétablissement, aussi vite que possible, de la liberté du culte public. Il déclare au Figaro :
Le Conseil d’État a commencé par rappeler le caractère fondamental de la liberté de culte, c’est-à-dire notamment la liberté de se rassembler pour célébrer et nourrir sa foi. Il a surtout insisté sur la gravité de la situation sanitaire pour affirmer que les restrictions actuelles ne seraient pas à son estime disproportionnées. Il a enfin mentionné certaines insuffisances dans le respect des consignes sanitaires. Il me semble que, dans leur immense majorité, les communautés catholiques sont particulièrement vigilantes et rigoureuses dans ce domaine, alors même que les préconisations publiques ne sont pas toujours parfaitement claires. Les autorités reconnaissent d’ailleurs que les messes n’ont pas été des foyers de contamination. Que les mesures de sécurité sanitaire soient donc précisées et appliquées avec un soin renforcé.
Le juge administratif a aussi exigé une nouvelle concertation entre les autorités religieuses et le gouvernement. Avez-vous bon espoir que les messes puissent reprendre d’ici à une semaine, moyennant un protocole plus strict encore?
J’ai confiance en la fécondité du dialogue en vérité, sans faiblesse ni crispations, avec le gouvernement qui fait face évidemment à une situation particulièrement grave et difficile. Le recours au Conseil d’État n’est pas un acte de défiance mais un appel à la fonction régulatrice et pacifiante du droit dans notre société démocratique. Ce dialogue, nous le menons en concertation avec les autres cultes. Il ne s’agit pas pour l’Église de revendiquer un privilège catégoriel mais de travailler au bien commun, par le service des plus fragiles et des plus éprouvés – les personnes âgées isolées et les familles en deuil en particulier – et en maintenant ouverts et vivants ses lieux de prière, de paix et d’espérance.
Comment les fidèles ont-ils vécu ce nouveau dimanche sans messe?
La grande majorité des fidèles vit l’interruption provisoire du culte public avec tristesse mais aussi de façon dynamique et responsable en se réinvestissant dans la prière personnelle et familiale ainsi que dans l’attention aux plus fragiles. Les communautés paroissiales et les mouvements, le scoutisme par exemple, se montrent particulièrement créatifs pour les y aider. Ici et là, certains peuvent se montrer ou bien trop impatients ou bien pas assez et se laissent aller à critiquer vertement ceux qui ne partagent pas exactement leur approche. Dans la logique chrétienne, rien d’authentique ne se construit en dehors de la charité et de la paix. Notre manière d’exprimer, légitimement, notre attachement vital à la célébration de la foi doit être cohérente avec son contenu essentiel: la miséricorde et la communion qui jaillissent de la mort et de la résurrection du Christ.
Vous êtes au nombre de ceux qui ont voulu voir dans cette épidémie un signe – «une apocalypse», écrivez-vous dans un essai tout juste paru, dont le titre est résolument optimiste: Un sursaut d’espérance. Que voulez-vous dire? Et qu’est-ce qui vous pousse à écrire que «nous n’avons pas attendu le Covid-19 pour être une société malade»?
Au sens strict, le mot «apocalypse» ne signifie pas «cataclysme final» mais «révélation». Dans ce qu’elle a d’hyperbolique, la crise sanitaire que nous traversons met en lumière des pathologies de notre société, plus anciennes et plus profondes que le coronavirus, ainsi que des attentes et des besoins urgents de transformations, de conversions, qui sont accessibles. Nous n’avons pas attendu le Covid-19 pour marginaliser les personnes fragiles ou âgées, pour nier la perspective de la mort, pour sacrifier la véritable liberté au conformisme obligé ou à l’affrontement, pour nous détourner des enjeux spirituels qui donnent son sens ultime à la vie. Le virus ne fait que souligner ces maladies de l’âme et de la société et l’urgence de travailler à en sortir. C’est le déconfinement par excellence auquel nous avons à nous atteler durablement. […]