Dans sa dernière lettre (7 juillet, n° 752), Paix Liturgique nous propose de découvrir le Monastère Saint-Benoit de La Garde-Freinet dans le diocèse de Fréjus-Toulon. Cette petite fondation bénédictine atypique a été lancé en 2011. Elle est un des nombreux fruits de la pastorale de Mgr Rey qui veut un diocèse riche par la diversité des charismes présents mais unis derrière son pasteur.
Dom Alcuin Reid, prieur fondateur du Monastère Saint-Benoît à La Garde-Freinet, est un personnage marquant au sein du groupe des liturgistes qui s’était formé autour du cardinal Ratzinger, puis pape Benoît XVI, et du cardinal Ranjith, et aujourd’hui du cardinal Robert Sarah.
Il s’est notamment fait connaître par un ouvrage sur The Organic Development of the Liturgy (Saint Michael’s Abbey Press, Londres, 2004, Ignatius Press, 2005), issu d’une thèse de doctorat sur « Nature du mouvement liturgique et principes de la réforme liturgique », ouvrage qui a été préfacé par le cardinal Ratzinger, lequel avait pris la peine d’en faire lui-même une longue recension dans le mensuel 30Giorni de décembre 2004.
Avec son ami le P. Uwe Michael Lang, membre de l’oratoire Saint-Philippe-Néri de Londres, Dom Alcuin Reid est l’organiseur des colloques internationaux « Sacra liturgia », qui se sont tenus à Rome, Milan, New York. C’est lors du colloque de juillet 2016, à Londres, qu’en présence de Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon, le cardinal Sarah, Préfet de la Congrégation du Culte divin, avait prononcé ce qu’il avait qualifié lui-même en souriant d’« appel de Londres », par lequel il invitait tous les prêtres de rite romain à pratiquer la célébration de la messe vers Seigneur (voir nos Lettes 554 à 559).
Dom Alcuin Reid a donc fondé en 2011 le monastère Saint-Benoît, dans le diocèse de Fréjus-Toulon, érigé comme tel par Mgr Dominique Rey, dont les moines sont attachés aux usages liturgiques traditionnels. Paix Liturgique ayant décidé de vous faire découvrir des communautés traditionnelles en France, nous l’avons interrogé.
Paix Liturgique : Une fondation monastique n’est-elle pas menée par des moines issus d’une abbaye mère ?
Dom Alcuin Reid – Cette question a été posée à plusieurs reprises quand, en 2011, à la demande de l’évêque diocésain, deux d’entre nous ont commencé à vivre la vie monastique ici dans le grand presbytère du village provençal français de La Garde-Freinet.
Les monastères sont parfois, sinon souvent, fondés par d’autres monastères qui envoient quelques moines ‘fondateurs’, bien entendu. Mais pas toujours. Dom Guéranger, un prêtre diocésain, avec des amis, a jeté les bases de la congrégation bénédictine de Solesmes. Dom Gérard, cherchant à vivre comme ermite, se trouve être le fondateur de l’abbaye du Barroux. Dom Cassian, prieur fondateur des bénédictins de Norcia, a commencé à vivre la vie monastique avec une seule autre personne dans un appartement à Rome. Au cours des vingt dernières années, des monastères ont également été établis dans des conditions modestes, avec un ou deux hommes, avec une reconnaissance diocésaine à Villatalla (aujourd’hui Taggia) en Italie, à Tulsa dans l’Oklahoma aux États-Unis (aujourd’hui Silverstream, en Irlande), et plus récemment dans l’archidiocèse de Hobart en Australie par un seul moine de Flavigny.
Notre propre essai de vie monastique n’était donc ni sans précédent ni unique à l’époque moderne. Il était – et il est encore – ambitieux sinon audacieux.
Paix Liturgique : Que pouvez-vous nous dire des premières vocations du monastère ?
Dom Alcuin Reid – Comme le montrent les premières années de notre fondation, toute personne qui frappe avec insistance à la porte du monastère n’est pas forcément « attentif à l’œuvre de Dieu, à l’obéissance et aux humiliations » (Règle de Saint-Benoît, n°58) – ces dernières, bien sûr, étant en abondance dans une petite communauté avec les nombreux défis personnels et pratiques que cela impose à tous. Nos premières années n’étaient certes pas faciles, avec la perte d’un fondateur et les allers et venues de ceux qui recherchaient une maison religieuse, sans forcément avoir la vocation spécifiquement monastique. Bien sûr, il faut permettre aux candidats de tester, d’éprouver leur vocation et il est parfaitement normal que tous les postulants ou novices ne procèdent pas ainsi pour exercer leur profession, mais l’expérience a montré que les véritables vocations monastiques sont un don rare de Dieu, identifié seulement après de nombreuses recherches.
Nous sommes aujourd’hui trois, le Prieur, un profès simple, et un autre moine en ce moment aux Etats-Unis à cause du confinement actuel, tous originaires de continents différents. Nous attendons à la fin du confinement au moins deux nouveaux candidats. Bien que nous apprenions et utilisions le français naturellement, en tant que communauté véritablement internationale, l’anglais est la langue de la maison (notre bulletin d’information est bilingue).