Christophe Geffroy, directeur du Journal La Nef, a interrogé l’abbé Andrzej Komorowski, Supérieur Général de la Fraternité Saint-Pierre (La Nef n°327, Juillet et Août 2020).
Agé de 45 ans polonais d’origine, l’abbé Komorowski a été élu Supérieur Général en juillet 2018. Fondée en 1988, la Fraternité Saint-Pierre compte aujourd’hui 320 prêtres et 160 séminaristes qui étudient dans deux séminaires : séminaire Our Lady of Guadalupe (USA) et séminaire Saint-Pierre (Allemagne). En France, la Fraternité Saint-Pierre est présente dans environ 40 diocèses français et ses prêtres desservent près de 60 églises ou chapelles en France.
Quelle est la situation actuelle de la FSSP, notamment en France, vous développez-vous comme vous le souhaitez ou rencontrez-vous encore des obstacles ?
La progression est constante et régulière dans le monde : cet été, nous aurons la joie de compter quatorze nouveaux prêtres et, à la rentrée, nous ouvrirons plusieurs apostolats. Cette progression se vérifie aussi en France, où les demandes sont même supérieures aux capacités de la FSSP. Le Motu Proprio de 2007 a été décisif : les demandes des fidèles n’ont pas cessé de croître depuis ce moment. Certes, la non-célébration par nos prêtres de la forme ordinaire pourrait être considérée comme un obstacle à notre développement. Il y a effectivement de moins en moins de prêtres dans les diocèses et certains évêques regrettent que nous ne célébrions pas selon le missel de Paul VI. Mais nous sommes convaincus de la dimension missionnaire de la liturgie traditionnelle, laquelle n’est pas réservée à ceux qui la connaissent déjà mais peut attirer à Jésus-Christ les âmes les plus éloignées. Si nous célébrions la forme ordinaire pour « toucher plus de monde » cela signifierait, en creux, que nous reconnaissons que la forme extraordinaire n’est pas adaptée pour l’évangélisation d’aujourd’hui et doit rester réservée aux « initiés ». Il est vrai que c’est souvent un point d’incompréhension. Néanmoins, en France, une quarantaine d’évêques nous ont confié une mission dans leur diocèse. C’est également un évêque français, Mgr Renauld de Dinechin, qui ordonnera à la fin de ce mois de juin dans sa cathédrale de Laon, trois nouveaux prêtres pour la Fraternité.Vous dites que le refus de la concélébration peut être un obstacle à votre développement : en quoi le fait de concélébrer avec l’Ordinaire remettrait-il en cause le fait que l’Église reconnaît la légitimité de votre attachement à la forme extraordinaire ?
Cette question de la concélébration se pose différemment selon les pays. En France cela a pris une très grande importance, au point d’éclipser les autres signes de communion, au premier rang desquels se place la communion eucharistique elle-même. Il est vrai que les prêtres de la FSSP ne concélèbrent pas car ils ont fait le choix de la forme extraordinaire. Le fait d’avoir un caractère propre, reconnu par l’Église, dont le cœur est l’observance fidèle des traditions liturgiques latines, est un talent à cultiver, une condition de fécondité, et non une entrave quelconque. Notre fondation, avec les caractéristiques qui sont les nôtres, a été approuvée par le Saint-Siège en 1988. Nous sommes fidèles à nos actes fondateurs. La concélébration par ailleurs ne revêt aucun caractère obligatoire d’après le Code de Droit canonique, comme cela nous a été rappelé il y a quelques années par la Commission Ecclesia Dei. Elle ne peut pas être une condition en vue d’une mission dans un diocèse. J’observe d’ailleurs que nous ne manquons pas d’apostolats, au contraire ! Enfin, notre choix est certes dû à un attachement à cette forme liturgique mais rappelle aussi les insuffisances de la forme ordinaire. C’est la raison pour laquelle, étant donné que nous n’y sommes pas obligés, nous ne souhaitons pas la célébrer ni la concélébrer.
Le sermon de Mgr de Dinechin à Laon fin juin était selon des témoins un appel au biritualisme de la FSSP. J’ai demandé aux instances de cette fraternité le texte de l’homélie en question. Nous ne l’avons pas m’a t-il été répondu. Il y a à Evron (Mayenne) la Communauté Saint Martin. Ils se tiennent au nouvel ordo, mais le simple fait de porter la soutane et d’avoir une attitude traditionnelle leur ferme les portes des églises mayennaises qui préfèrent faire appel au clergé africain. Il n’y a pas que le refus de la forme ordinaire qui pose problème.