D’un lecteur:
A. Des prises de position telles que celle qui suit, vous en trouvez plusieurs centaines, dans la pensée et dans les propos des papes néo-catholiques post-conciliaires.
B. “A juste titre, les Pères de l’Eglise voyaient dans les diverses religions comme autant de reflets d’une unique vérité, comme des «semences du Verbe» témoignant que l’aspiration la plus profonde de l’esprit humain est tournée, malgré la diversité des chemins, vers une direction unique, en s’exprimant dans la recherche de Dieu et, en même temps, par l’intermédiaire de la tension vers Dieu, dans la recherche de la dimension totale de l’humanité, c’est-à-dire du sens plénier de la vie humaine.” (Lettre encyclique Redemptor hominis de Jean-Paul II, datée du 4 mars 1979)
C. Or, il est nécessaire de le préciser ou de le rappeler, de telle prises de position sont erronées, sinon mensongères. Elles attribuent à Saint Justin et à Clément d’Alexandrie une appréciation positive, sur les religions non chrétiennes, qui est, en réalité, une appréciation positive sur la philosophie grecque, comme on s’en rend compte ici, grâce à ces paragraphes, écrits par Benoît XVI :
D 1. ” Ces deux œuvres – les deux Apologies et le Dialogue avec le Juif Tryphon – sont les seules qui nous restent de lui. Dans celles-ci, Justin entend illustrer avant tout le projet divin de la création et du salut qui s’accomplit en Jésus Christ, le Logos, c’est-à-dire le Verbe éternel, la raison éternelle, la Raison créatrice. Chaque homme, en tant que créature rationnelle, participe au Logos, porte en lui le “germe” et peut accueillir les lumières de la vérité. Ainsi, le même Logos, qui s’est révélé comme dans une figure prophétique aux juifs dans la Loi antique, s’est manifesté partiellement, comme dans des “germes de vérité”, également dans la philosophie grecque. A présent, conclut Justin, étant donné que le christianisme est la manifestation historique et personnelle du Logos dans sa totalité, il en découle que “tout ce qui a été exprimé de beau par quiconque, nous appartient à nous chrétiens” (2 Apol. 13, 4). De cette façon, Justin, tout en contestant les contradictions de la philosophie grecque, oriente de façon décidée vers le Logos toute vérité philosophique, en justifiant d’un point de vue rationnel la “prétention” de vérité et d’universalité de la religion chrétienne. Si l’Ancien Testament tend au Christ comme la figure oriente vers la réalité signifiée, la philosophie grecque vise elle aussi au Christ et à l’Evangile, comme la partie tend à s’unir au tout. Et il dit que ces deux réalités, l’Ancien Testament et la philosophie grecque, sont comme les deux voies qui mènent au Christ, au Logos. Voilà pourquoi la philosophie grecque ne peut s’opposer à la vérité évangélique, et les chrétiens peuvent y puiser avec confiance, comme à un bien propre. C’est pourquoi mon vénéré prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, définit Justin comme “pionnier d’une rencontre fructueuse avec la pensée philosophique, même marquée par un discernement prudent”, car Justin, “tout en conservant même après sa conversion, une grande estime pour la philosophie grecque, […] affirmait avec force et clarté qu’il avait trouvé dans le christianisme “la seule philosophie sûre et profitable” (Dialogue, 8, 1)” (Fides et ratio, n. 38).
Dans l’ensemble, la figure et l’œuvre de Justin marquent le choix décidé de l’Eglise antique pour la philosophie, la raison, plutôt que pour la religion des païens. Avec la religion païenne en effet, les premiers chrétiens refusèrent absolument tout compromis. Ils estimaient qu’elle était une idolâtrie, au risque d’être taxés d'”impiété” et d'”athéisme”. Justin en particulier, notamment dans sa première Apologie, conduisit une critique implacable à l’égard de la religion païenne et de ses mythes, qu’il considérait comme des “fausses routes” diaboliques sur le chemin de la vérité. La philosophie représenta en revanche le domaine privilégié de la rencontre entre paganisme, judaïsme et christianisme précisément sur le plan de la critique contre la religion païenne et ses faux mythes. “Notre philosophie…” : c’est ainsi, de la manière la plus explicite, qu’un autre apologiste contemporain de Justin, l’Evêque Méliton de Sardes en vint à définir la nouvelle religion (ap. Hist. Eccl. 4, 26, 7).
De fait, la religion païenne ne parcourait pas les voies du Logos mais s’obstinait sur celles du mythe, même si celui-ci était reconnu par la philosophie grecque comme privé de consistance dans la vérité. C’est pourquoi le crépuscule de la religion païenne était inéluctable : il découlait comme une conséquence logique du détachement de la religion – réduite à un ensemble artificiel de cérémonies, de conventions et de coutumes – de la vérité de l’être. Justin, et avec lui les autres apologistes, marquèrent la prise de position nette de la foi chrétienne pour le Dieu des philosophes contre les faux dieux de la religion païenne. C’était le choix pour la vérité de l’être, contre le mythe de la coutume. Quelques décennies après Justin, Tertullien définit le même choix des chrétiens avec la sentence lapidaire et toujours valable: “Dominus noster Christus veritatem se, non con-suetudinem, cognominavit : le Christ a affirmé être la vérité, non la coutume” (De virgin. vle. 1, 1). On notera à ce propos que le terme consuetudo, ici employé par Tertullien en référence à la religion païenne, peut être traduit dans les langues modernes par les expressions “habitude culturelle”, “mode du temps”.
A une époque comme la nôtre, marquée par le relativisme dans le débat sur les valeurs et sur la religion, tout comme dans le dialogue interreligieux, il s’agit là d’une leçon à ne pas oublier. Dans ce but, je vous repropose – et je conclus ainsi – les dernières paroles du mystérieux vieillard rencontré par le philosophe Justin au bord de la mer: “Prie avant tout pour que les portes de la lumière te soient ouvertes, parce que personne ne peut voir et comprendre, si Dieu et son Christ ne lui accordent pas de comprendre” (Dial. 7, 3). ”
( Source : site du Vatican)
D 2. ” Dans son ensemble, la catéchèse clémentine accompagne pas à pas le chemin du catéchumène et du baptisé pour que, avec les deux “ailes” de la foi et de la raison, ils parviennent à une profonde connaissance de la Vérité, qui est Jésus Christ, le Verbe de Dieu. Seule cette connaissance de la personne, qui est la vérité, est la “véritable gnose”, l’expression grecque qui signifie connaissance, intelligence. C’est l’édifice construit par la raison sous l’impulsion d’un principe surnaturel. La foi elle-même édifie la véritable philosophie, c’est-à-dire la véritable conversion dans le chemin à prendre dans la vie. Donc, la “gnose” authentique est un développement de la foi, suscité par Jésus Christ dans l’âme qui est unie à Lui. Clément distingue ensuite deux degrés de la vie chrétienne. Premier degré : les chrétiens croyants, qui vivent la foi de manière commune, mais toujours ouverte aux horizons de la sainteté. Et ensuite, le deuxième degré : les “gnostiques”, c’est-à-dire ceux qui conduisent déjà une vie de perfection spirituelle; dans tous les cas, le chrétien doit partir de la base commune de la foi, à travers un chemin de recherche, il doit se laisser guider par le Christ, et ainsi parvenir à la connaissance de la Vérité et des vérités qui forment le contenu de la foi. Cette connaissance – nous dit Clément – devient dans l’âme une réalité vivante : ce n’est pas seulement une théorie, c’est une force de vie, c’est une union d’amour transformatrice. La connaissance du Christ n’est pas seulement pensée, mais elle est amour qui ouvre les yeux, transforme l’homme et crée la communion avec le Logos, avec le Verbe divin, qui est vérité et vie. Dans cette communion, qui est la parfaite connaissance et qui est amour, le chrétien parfait atteint la contemplation, l’unification avec Dieu.
Clément reprend en fin de compte la doctrine selon laquelle la fin ultime de l’homme est de devenir semblable à Dieu. Nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, mais cela est aussi un défi, un chemin ; en effet, le but de la vie, la destination ultime, est vraiment de devenir semblable à Dieu. Cela est possible grâce à la connaturalité avec Lui, que l’homme a reçue au moment de la création, en vertu de laquelle il est déjà en lui-même – déjà en lui-même – l’image de Dieu. Cette connaturalité permet de connaître les réalités divines, auxquelles l’homme adhère tout d’abord par foi et qui, à travers la foi vécue, la pratique de la vertu, peut croître jusqu’à la contemplation de Dieu. Ainsi, dans le chemin de la perfection, Clément ajoute à l’exigence morale autant d’importance qu’il en attribue à l’exigence intellectuelle. Les deux vont de pair, car on ne peut pas connaître sans vivre et on ne peut pas vivre sans connaître. L’assimilation à Dieu et sa contemplation ne peuvent être atteintes à travers la seule connaissance rationnelle: dans ce but, une vie selon le Logos est nécessaire, une vie selon la vérité. Par conséquent, les bonnes œuvres doivent accompagner la connaissance intellectuelle comme l’ombre suit le corps.
Deux vertus enrichissent en particulier l’âme du “véritable gnostique”. La première est la liberté vis-à-vis des passions (apátheia); l’autre est l’amour, la véritable passion, qui assure l’union intime avec Dieu. L’amour donne la paix parfaite, et met le “véritable gnostique” en mesure d’affronter les plus grands sacrifices, même le sacrifice suprême, à la suite du Christ, et le fait monter degré après degré jusqu’au sommet des vertus. Ainsi, l’idéal éthique de la philosophie antique, c’est-à-dire la libération vis-à-vis des passions, est redéfini et conjugué avec amour par Clément, dans le processus incessant d’assimilation à Dieu.
De cette façon, l’Alexandrin crée la deuxième grande occasion de dialogue entre l’annonce chrétienne et la philosophie grecque. Nous savons que saint Paul à l’Aréopage, à Athènes, où Clément est né, avait effectué la première tentative de dialogue avec la philosophie grecque – qui avait été en grande partie un échec -, mais ils lui avaient dit: “Nous t’écouterons une autre fois”. A présent, Clément reprend ce dialogue et l’ennoblit au plus haut degré dans la tradition philosophique grecque. Comme l’a écrit mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II dans l’Encyclique Fides et ratio, Clément d’Alexandrie parvient à interpréter la philosophie comme “une instruction propédeutique à la foi chrétienne” (n. 38). Et, de fait, Clément est arrivé au point de soutenir que Dieu aurait donné la philosophie aux Grecs “comme un Testament qui leur est propre” (Strom. 6, 8, 67, 1). Pour lui, la tradition philosophique grecque, presque comme la Loi pour les Juifs, est un lieu de “révélation”, ce sont deux courants qui, en définitive, vont vers le Logos lui-même. Ainsi, Clément continue à indiquer avec décision le chemin de celui qui entend “donner raison” de sa propre foi en Jésus Christ. Il peut servir d’exemple aux chrétiens, aux catéchistes, aux théologiens de notre époque, à qui Jean-Paul II, dans la même Encyclique, recommandait de “reprendre et mettre en valeur le mieux possible la dimension métaphysique de la vérité afin d’entrer ainsi dans un dialogue critique et exigeant avec la pensée philosophique contemporaine”.
Nous concluons, en faisant nôtres quelques expressions de la célèbre “prière au Christ Logos”, avec laquelle Clément conclut son Pédagogue. Il supplie ainsi: “Sois propice à tes fils”; “Accorde-nous de vivre dans ta paix, d’être transférés dans ta ville, de traverser sans en être submergés les flux du péché, d’être transportés au calme auprès de l’Esprit Saint et de la Sagesse ineffable: nous qui, nuit et jour, jusqu’au dernier jour, chantons un chant d’action de grâce à l’unique Père,… au Fils pédagogue et maître, avec l’Esprit Saint. Amen!” (Ped. 3, 12, 101). ”
(Source: site du Vatican)
E. Dans cet ordre d’idées, qui essaie d’être au service de la vérité qui dérange, et qui ne réussit pas à être au service du consensus qui arrange, on peut inciter les lecteurs de Riposte catholique à se tourner vers cet ouvrage : “La tradition chrétienne, Tome 1, L’émergence de la tradition catholique“, de Jaroslav Pelikan :
F. Dans cet ouvrage, ils trouveront, dans le chapitre I, intitulé : Praeparatio evangelica, les phrases suivantes, qui figurent à la fin de ce chapitre, à la page 68 :
“Les choses généreuses que les Pères de l’Eglise dirent du paganisme s’appliquaient pour la plupart aux philosophes. LES APOLOGISTES CHRETIENS N’AVAIENT QUE MEPRIS POUR LES RITUELS RELIGIEUX DU PAGANISME GREC ET ROMAIN.”
G. Espérons qu’à la lumière des quelques lignes qui précèdent, les lecteurs de Riposte catholique comprendront davantage quel est le stratagème “dialogal”, ou le subterfuge “pastoral”, peut-être bien intentionné, mais sûrement propice à l’hétérodoxie, qui est à l’oeuvre, non uniquement depuis l’année 2019, mais, au minimum, depuis l’année 1979.
H. Mais où s’arrêtera le “qui ne dit mot consent” de bien des clercs catholiques, face à la pérennisation de ce qui découle de cette soumission de la vérité au consensus, dans le domaine du dialogue interreligieux, et en direction des religions non chrétiennes ? La question ne mérite-t-elle pas d’être posée, encore plus depuis la déclaration d’Abou Dhabi et le synode sur l’Amazonie que depuis l’année 1979, ce qui n’est pas peu dire, compte tenu des allusions, des élusions, des expressions et des omissions très fréquentes qui émanent de très nombreux hommes d’Eglise, depuis l’année 1979 ?
Résumons : les néo-catholiques post-conciliaires prétendent trouver des “semences du Verbe” dans les religions non chrétiennes. Ces assertions justifient à leurs yeux le dialogue interreligieux, qui frise l’hérésie et l’apostasie comme on l’a vu lors du synode sur l’Amazonie. La vraie tradition catholiques des Pères (défendue par… suivez mon regard) condamne toute compromission. Concluez.
Sans être complètement faux, le plaidoyer de l’article ne parait pas totalement précis et juste.
Ne soyons pas naïf, il existe depuis l’Ancien Testament la tentation pour le peuple de Dieu de mélanger la religion du seul vrai Dieu avec des pratiques étrangères d’Egypte (ésotérisme, sorcellerie), d’Assur (plutôt de type indienne et énergétiques semble-t-il) ou autres, et Dieu n’aime pas ça. Depuis l’ancien Testament, Israël est invité à garder une foi pure, comme on garde la fidélité dans le mariage. Ce point est trop peu connu aujourd’hui, et renvoie chaque catholique à un dialogue interreligieux avec lui-même : on rencontre des Traditionnalistes très chics et cultivés qui vous glissent sous le manteau que la Tradition (de René Guénon) va bien au-delà de la seule Bible, ou que l’Energie était auparavant dans le catholicisme mais que maintenant elle est plutôt dans d’autres mouvements… et les gens dont je parle ici fréquentent la FSSPX !!
Ne soyons pas naïfs, il existe aussi dans l’Eglise un ou plusieurs courants malfaisants qui prônent exactement ce que dénonce l’auteur.
Et pourtant il existe aussi dans l’Ancien Testament un regard positif sur ce qu’il peut y avoir conservé de vrai et de sincèrement orienté vers le vrai Dieu dans les autres religions : le sacrifice de Melkisedech témoigne d’une survivance de ce type chez les descendants (non-juifs) de Noé. Les rois mages sont guidés vers Jésus par leur propre système religieux (et ne sont pas juifs). Et dans Michée 1,11, quand le Seigneur dit que de l’Orient à l’Occident on offre à son Nom une oblation pure, c’est pour reprocher à Israël l’abondance de ses sacrifices hypocrites quand Dieu trouve un peu partout en regardant la Terre des païens qui, dans l’obscurité de leurs croyances déformées, offrent des sacrifices sincères.
Et pourtant il existe aussi, au-dessus des religions dans l’échelle du pouvoir terrestre, un athéisme dictatorial qui n’attend qu’une chose : pouvoir dénoncer au monde la violence inhérente des religions, vues comme autant de foyers potentiels d’intolérance et de guerres… de religions. Alors, au nom de la tolérance, ce pouvoir pourra commencer l’élimination systématique de tout ce qui croit. C’est dans ce sens que Jean-Paul II – grand connaisseur des dictatures – a organisé les réunions d’Assise : démontrer que les croyants peuvent prier côte à côte sans s’étriper.
Situation qui demande donc du discernement, sans naïveté ni simplification excessive. Nos pasteurs ne jouent pas une partie facile. Il n’est que temps de prier – ensemble – pour eux.
PS : le terme de post-conciliaire est toujours délicat d’usage : ce n’était pas blanc avant, tout n’est pas noir après, donc c’est un terme trompeur. Le terme de néo-catholicisme en revanche semble beaucoup plus intéressant, et pas seulement limité au clivage tradi/progressiste ou tradi/romain. Il faudrait définir le terme plus précisément, car il y a là un enjeu annoncé par plusieurs mystiques et qui touche gravement au salut des âmes.
Dieu vous garde,
Merci de cette parole forte et vraie, forte donc vraie. Quand nous reprendrons le pouvoir en France des mains de la répoublique maçonnique, nous interdirons ces fausses religions, à commencer par la maçonnerie elle-même, qui est la tête de pont des fausses religions que sont l’islam, le judaïsme, les faux christianismes non catholiques, les sectes orientales et tutti quanti.
Ne faut-il pas déjà réfléchir, dans l’éventualité d’une prise de pouvoir par les parties politiques amis, à un traitement différencié des religions ? La vraie religion, la nôtre, devra être servie en premier, les autres ne devront certes pas être interdites, mais attentivement surveillées.