De Mgr Turini, évêque de Perpignan :
Demain, sera discutée au Parlement, l’extension de la PMA (procréation médicalement assistée), aux couples de femmes et aux femmes seules. Les évêques de France avec d’autres associations se sont prononcés sur ce sujet délicat autant que sur la loi de bioéthique qui sera débattue par nos parlementaires.
Un document co-édité par les éditions Bayard, le Cerf et Mame, intitulé « La dignité de la procréation-PMA-Révision de la loi bioéthique »signé par l’ensemble de l’épiscopat, résume notre réflexion à partir des questions que la PMA pose, non seulement à l’Eglise, mais surtout à toute notre société. Je vous y renvoie.
Depuis la parution de ce livre et bien avant, l’Eglise de France a fait entendre sa voix à de multiples occasions, comme tout dernièrement au Collège des Bernardins à Paris lors d’une Conférence où trois évêques Mgr Eric de Moulin Beaufort, Mgr Michel Aupetit, Mgr Pierre d’Ornellas et d’autres intervenants, se sont exprimés sur la PMA, et plus largement sur la révision de la loi de bioéthique.
Autour des questions relatives au désir d’enfant,particulièrement dans les situations de souffrances causées par l’impossibilité d’en avoir,se dégage beaucoup d’émotionnel et c’est normal.
Aussi, le recours aux progrès des sciences bio-médicales fascine et semble offrir une espérance qui répondrait à ce désir.
Le but de mon propos n’est pas de juger les personnes et les situations, mais de mettre en lumière quelques enjeux pour éclairer nos consciences et nos choix.
Dans l’Eglise, nous ne sommes pas des juges, plutôt des « lanceurs d’alerte » en raison de notre vision chrétienne de l’homme, de la famille, du respect de la vie de son origine à sa fin naturelle. Nous nous exprimons, non pas pour donner des leçons, mais pour engager le dialogue entre personnes de toutes opinions dans le but de construire ensemble non pas « le meilleur des mondes », mais un monde meilleur.
Femmes et hommes des êtres de relation. L’enfant n’est pas un produit de fabrication, il nait de la relation de deux personnes, un homme et une femme, qui s’unissent pour donner la vie. C’est un don gratuit qui est fait à leur amour et qui le confirme.
D’autre part, avec l’extension de la PMA, le risque de marchandisation du sperme pourrait remettre en cause cette gratuité.
En effet, si la PMA pour toutes les femmes était légalisée, le besoin de sperme augmenterait et pour y répondre la tentation serait de vouloir rémunérer les donneurs. La seconde tentation serait que l’Etat prenne en charge l’achat de sperme à l’étranger.
Or, le corps humain ne peut pas être l’objet d’une marchandisation ou de trafics. Aller dans ce sens pourrait conduire en outre à des pratiques de sélection qui ajusteraient la rémunération à la qualité du donneur.
Cet « achat » est déjà possible sur Internet et nous voyons s’ouvrir un immense marché de la procréation.
La vie d’une enfant ne peut pas être soumise à une valeur marchande. Comme toute personne, il existe pour lui-même : il n’a pas de prix, sa dignité est inaliénable.
Toute personne a le droit de connaître « ses origines ». C’est une requête de plus en plus fréquente des personnes nées sous X.
L’intérêt supérieur de l’enfant est de savoir qui est son père. Ce sera difficile avec un donneur anonyme qui, certes, permettra la réalisation d’un « projet parental », mais laissera l’enfant devant un vide : celui de ne pas connaître la personne à l’origine de sa conception. C’est toute la question de la filiation qui est posée là car le donneur de gamètes ne se considérera pas nécessairement comme le père de l’enfant. Ce qui lui est demandé seulement, c’est de donner son sperme.
Dans la mesure où le principe de l’anonymat est maintenu, la PMA pour un couple de femmes ou pour une femme seule efface l’existence d’une lignée paternelle pour faire naître un enfant « orphelin de père ».
Or, nous savons combien la mère et le père, dans leur altérité, coopèrent à la construction personnelle de l’enfant.
Si la loi est votée (et elle a toutes ses chances de l’être), elle va institutionnaliseret légaliser la procréation sans père.
Il nous faut en prendre conscience. Je comprends que des hommes et des femmes de bonne volonté, croyants ou pas se mobilisent pour manifester leur inquiétude.
La vie est toujours plus grande que ce que nous pouvons en voir et en dire, parce que pour tous les croyants, elle est l’œuvre de Dieu dans laquelle nous contemplons l’admirable beauté de l’homme : « Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme que tu en prennes souci ? Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et d’honneur ; tu l’établis sur l’œuvre de tes mains, tu mets toute chose à ses pieds » Psaume 8/5-7.