L’évêque d’Amiens n’est pas d’accord avec Mgr Wintzer. Il a organisé vendredi à Amiens une rencontre avec des fidèles sur le thème des abus sexuels et il répond au Courrier picard :
L’affaire Stéphane Gotoghian, ancien prêtre d’Amiens, Albert et Fressenneville, condamné par la justice, a fait grand bruit dans la Somme…
Il y a eu cette affaire avant que j’arrive. Une des premières choses que j’ai faite, est de permettre aux prêtres d‘en parler. J’ai senti que c’était très important. Dans la Somme, nous sommes globalement épargnés, mais nous ne sommes pas un très gros diocèse, je ne sais pas si c’est lié. Toujours est-il qu’un cas, c’est un cas de trop. Je pense aux victimes, j’ai rencontré des familles et c’est insupportable. Quelle blessure ! Je suis responsable d’une Église, je veux que l’on fasse tout pour que ça ne se reproduise pas. Des gens sont fragiles et vulnérables, il y en aura toujours, mais que l’on s’organise pour ne pas se laisser avoir.
Qui avez-vous invité à cette soirée ?
J’ai écrit une lettre aux fidèles, entre 6000 et 8000 personnes l’ont reçue, et je leur ai dit que nous vivions un moment difficile, qu’il fallait que nous fassions un travail de vérité. Je leur ai donné deux ou trois éléments de repère, et je leur ai dit aussi qu’il fallait que l’on avance. Il fallait que nous fassions cette soirée que j’ai appelé « abus de pouvoir, abus sexuels, abus de conscience dans l’église, et si on en parlait ? ». Nous sommes donc ce soir (Ndlr : vendredi) à Amiens, mais je n’exclus pas du tout de le faire dans d’autres villes de la Somme.
Comment les prêtres vivent-ils la situation ?
Nous comptons un peu moins de soixante-dix prêtres dans la Somme. Et ils sont blessés par ce qu’il se passe. Quand on est prêtre, on est là pour aimer les gens, et quand on voit que certains prêtres ont abusé de la confiance des gens, on est blessé. Par exemple, si on aime les huîtres, si un jour on tombe sur une mauvaise huître, on se dira que les huîtres sont mauvaises. Ils voient bien que tout cela décridibilise complètement l’Église. Il y a parfois des raccourcis qui font que l’on suspecte tous les prêtres. Mais ce n’est pas parce qu’on a un enseignant pédophile, que tous les enseignants le sont.
On constate une accumulation d’affaires tout de même…
Une seule, c’est déjà trop. Mais je pense que d’autres instances ne sont pas forcément mieux situées que nous. Il se trouve que nous, nous avons l’évangile. Et on nous dit que nous n’aurions jamais dû nous laisser entraîner. Ce qui est vrai.
Le problème est donc pris très au sérieux ?
Je crois que l’on fait beaucoup de choses. Je suis évêque depuis 5 ans, et ça fait 4 ans qu’à toutes les rencontres d’évêques – il y en a deux par an – on parle de ce sujet, et nous n’en parlons pas qu’un peu. La dernière fois, nous avons travaillé avec 10 victimes. Il a fallu du temps pour que l’on prenne conscience de la profondeur de la souffrance. On travaille pour savoir ce qu’il faut que l’on change, que l’on sache ce qui ne va pas. Et maintenant, il s’agit de mettre tous les chrétiens dans cette réflexion, dans cette démarche.
Le mariage des prêtres peut-il être une solution ?
Depuis le 11e siècle, un choix a été fait, et on demande le célibat pour devenir prêtre. Sur le fond, je n’ai pas de problème avec ça, je pense que cela a du sens. On ne m’a rien imposé à moi, on m’a donné 11 ans pour réfléchir avant de donner ma parole. Je pense que le célibat n’est pas du tout le problème, Toutes les statistiques montrent que cette horreur qu’est la pédophilie n’a pas pour cause principale le célibat.