Selon les avocats Pierre-Olivier Sur, ancien Bâtonnier du Barreau de Paris, et Pierre Masquart, avocat au Barreau de Paris, dans Le Figaro :
L’Église n’a pas choisi le bon camp. «Je ne vois pas de quoi je suis coupable», a déclaré le cardinal Barbarin devant le tribunal correctionnel de Lyon, comme s’il s’agissait d’une formule tirée de l’Évangile. Mais n’aurait-il pas fallu qu’il se place, dès le début et inconditionnellement, au côté des victimes? Car telle est évidemment la mission de l’Église rappelée par le Pape François lors du sommet sur la protection des mineurs: «défendre et protéger les mineurs abusés, exploités et oubliés où qu’ils se trouvent».
Or, si l’Église, à travers le cardinal Barbarin, ne l’a pas fait, c’est pour trois raisons. La première relève d’une méconnaissance surprenante de ce que peuvent représenter les souffrances traumatiques et post-traumatiques que portent les victimes. La seconde tient à une erreur de droit, qui a pu faire croire que le secret de la confession est non seulement général et absolu, mais aussi, que son caractère sacré aurait une portée si large qu’il couvrirait tout le périmètre de la relation entre l’évêque et les prêtres de son diocèse. La troisième raison est purement financière, puisque si les dommages-intérêts alloués par les tribunaux en France aux victimes n’ont jamais ruiné aucune institution, tel n’est pas le cas aux États-Unis.
L’Église n’a pas choisi le bon camp.
C’est dans ces conditions qu’un sophisme s’est petit à petit forgé urbi et orbi pour déterminer la doctrine de l’Église, depuis la défense choisie dans la célèbre affaire de Mgr Pican, où l’évêque n’avait pas dénoncé le prêtre sous le prétexte du secret. Or, que les choses soient claires: le secret de la confession, qui est à juste titre protégé par le Code pénal de notre République laïque, en tant que secret professionnel (article 226-13 CP), ne concerne pas la confidence du prêtre à son évêque. D’ailleurs, les usages veulent que l’évêque ne soit pas le confesseur des prêtres en son diocèse, pour ne pas gêner le rapport hiérarchique. Et en outre, comme le secret médical, le secret de la confession connaît une exception en droit: sa violation est légalement autorisée pour donner l’alerte par un «signalement au parquet» en cas d’atteinte à l’enfance (article 226-14 CP). Ainsi, dans notre droit – et c’est bien – il n’y a pas de secret qui vaille pour protéger l’agresseur sexuel de mineurs, qu’il soit prêtre ou non!
Donc la règle est simple: face à des confidences coupables, l’évêque invite le prêtre à se dénoncer. À défaut, il effectue un «signalement in rem» au parquet. Tel est l’acte nécessaire de sûreté publique qu’on attend de l’Église. Il s’agit d’une protection de la société, qui n’est pas un préjugement contre le prêtre… car ensuite, ce sera la justice et elle seule, qui se chargera d’enquêter, d’instruire, de poursuivre, de juger, éventuellement de condamner.
Chacun comprendra que l’évêque, tel un père dont le fils aîné aurait violé le cadet, se positionne au procès à côté de ce dernier, sans refuser de tendre la main au premier.
Mais la règle est à deux détentes. L’Église doit aller plus loin que le devoir de signalement lorsque, au bout de l’enquête du parquet, il y a une instruction pénale et un procès correctionnel ou d’assises. Il faut qu’elle se «constitue partie civile» et qu’elle en incarne la démarche, par la présence de l’évêque à l’audience, à côté de la victime. À l’image du Christ. Sur le même banc. Épaule contre épaule avec la victime. Pour que la souffrance, par un transfert de charge (comme au rugby on passe le ballon), trouve une justice réparatrice. Pour autant, il ne s’agit pas d’abandonner le prêtre qui s’est dévoyé. Chacun comprendra que l’évêque, tel un père dont le fils aîné aurait violé le cadet, se positionne au procès à côté de ce dernier, sans refuser de tendre la main au premier. En procédure pénale, la constitution de partie civile n’est pas dirigée contre l’accusé ou le prévenu – rôle dévolu au procureur qui lui seul est habilité à réclamer une peine – mais pour la victime.
Cette démarche a été mise en œuvre avec succès, il y a treize ans devant la Cour d’Assises de Melun par Mgr de Montléon. L’arrêt du 25 octobre 2006 a dit et jugé sa constitution de partie civile recevable et bien fondée. Mais la jurisprudence ainsi obtenue a été étonnamment ignorée, voire rejetée par la majorité des évêques. Or, le sens de ce «précédent ayant force de droit» ne doit plus se heurter à un mur froid et déterminé, comme une gravure janséniste du XVIIe siècle, qui utilise le voile gris du secret de la confession là où d’autres le faisaient avec le secret des familles. Puissent les treize années qui ont suivi la courageuse démarche de Mgr de Montléon, non pas lui donner la place des Cassandres de l’Église, mais inviter ses nouveaux pasteurs à prendre la juste mesure des choses et à se constituer partie civile auprès des petits pour les «protéger des loups avides». C’est ce qu’attendent les juristes et les victimes mais aussi ceux qu’on appelle… les fidèles.
Un plaidoyer à la fois séduisant et problématique. La jurisprudence Pican de 2001 (du 1er degré) a précisé la jurisprudence du 4 décembre 1891 (de la Cour de cassation) sur le secret des ministres du culte. Si depuis 2001 la distinction est posée entre l’information recherchée et partagée, et la stricte confidence spontanée d’une personne à un ministre du culte, il reste que cette dernière, confession ou non, est protégée (jurisprudence Cassation 1891, en pleine période anticléricale !)). De par la loi (CP 226-14), le ministre a dans ce cas une “option de conscience”. Il peut signaler sans que ce soit réprimé et “en même temps” il n’a aucune obligation légale de signaler. Dans “notre République laïque” qui assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes (Loi de 1905 art.1), en cas d’agressions sexuelles ou autres mauvais traitements sur mineurs, la Loi répressive (CP 226-13) n’est pas applicable aux détenteurs d’un secret professionnel qui informent la justice, mais ne pose pas une obligation de faire si le ministre du culte a connaissance de faits par confidence spontanée. Nos avocats veulent évidemment aller plus loin (“Ainsi, dans notre droit – et c’est bien – il n’y a pas de secret qui vaille pour protéger l’agresseur sexuel de mineurs, qu’il soit prêtre ou non!”) mais ce n’est pas la vérité du droit ni la vérité tout court. Par ailleurs, nos auteurs adoptent une position conduisant par principe à la disparition du ministère des prêtres, et au gouvernement de ce ministère, même sacramentel, par l’Etat. C’est irrecevable. On peut d’ailleurs leur suggérer, charité bien ordonnée, de commencer par l’abrogation du secret des avocats.
Faut-il être “du côté des victimes” ou du côté de la justice qui dit le droit relativement à des faits délictueux ou criminels constitués et imputables ? Faut-il délaisser la justice et le droit parce qu’on est devant l’horreur ?
Un évêque est-il à sa place d’évêque en se constituant au nom de l’Eglise partie adverse de son prêtre ? Comment un évêque peut-il se constituer partie civile, non pas comme évêque de l’Eglise (ce qui était juridiquement irrecevable), mais au titre de sa présidence de l’association civile diocésaine, dont l’objet est patrimonial et financier, pour déclarer ensuite que “l’Eglise se met aux côtés des victimes”, prétendant engager toute une Eglise dans cette démarche, dénommée “première juridique”, et qui est une manœuvre ? On peut interroger cette démarche en droit français : la constitution de partie civile permet d’avoir accès au dossier et surtout de ne pas être interrogé au procès à titre de témoin. Cela pose quelques questions. On peut aussi l’interroger en droit canonique, par rapport au ministère de l’évêque envers ses prêtres, fussent-ils délinquants ; par rapport à l’enquête préalable canonique prescrite ; par rapport au lien hiérarchique au Saint-Siège qui fut publiquement écarté à l’époque en cette affaire.
La transgression des rôles n’a jamais aidé les victimes. Ni l’effacement du droit canonique. Dans une République laïque qui assure la liberté de conscience et garantit l’exercice des cultes, et dans une Eglise qui honore sa nature, ses fonctions, et ses procédures, deux droits sont à honorer : le droit français et le droit canonique pénal. Nos évêques – en activité – ont une dure mission en ces heures sévères. Certains, fort heureusement, se sont déclarés entièrement opposés à se constituer partie civile contre leurs prêtres délinquants ou criminels. Ils restent à leur place et dans l’Eglise. Dans une culture de l’émotion et de l’irrationnel, cela passe mal. Dans une culture de la raison et d’une charité qui ne se vante pas mais fait ce qui est juste, c’est tout à leur honneur.
Non , cette argumentation est totalement fausse: En aucun cas le secret de confession ne peut être violé … même dans un cas de pédophilie ou d’agression sexuelle. Des saints, des martyrs ont versé leur sang pour cette cause . Quand un fidèle se confesse… le prêtre ,ministre de la miséricorde,et juge au for interne, ne peut aucunement dévoiler quoi que ce soit de l’aveu reçu, ni même y faire quelque allusion à qui que ce soit, et même pas au pénitent lui-même . Sinon il serait lui-même excommunié “ipso facto” .
Le Secret de Confession est plus que le secret médical . Et ce ne sont pas les lois de la République qui y pourront changer quoi que ce soit . Il n’existe aucune exception de quelque nature que ce soit … Il en serait de même pour tout meurtrier qui se confesserait d’un crime, le prêtre ne pourrait rien dire de l’aveu reçu à la Police qui l’interrogerait . Ce dernier exemple s’est réalisé dans l’histoire… et le prêtre en a payé le prix fort: La mort . Refusons ce type d’argumentation , véritable “attentat” à la sainteté des sacrements !
« Et en outre, comme le secret médical, le secret de la confession connaît une exception en droit: sa violation est légalement autorisée pour donner l’alerte par un «signalement au parquet» en cas d’atteinte à l’enfance (article 226-14 CP). Ainsi, dans notre droit – et c’est bien – il n’y a pas de secret qui vaille pour protéger l’agresseur sexuel de mineurs, qu’il soit prêtre ou non!»
En droit civil certainement, mais en droit divin certainement pas : le prêtre qui violerait le secret de confession quel que soit le motif encourt l’excommunication latae sententiae réservée au saint siège. Il n’y a aucune exception au secret sacramentel de confession.
Dans cette affaire, le cardinal Barbarin est pour l’instant présumé innocent par la justice. De plus le prêtre incriminé n’a pas été jugé encore , donc lui aussi est présumé innocent! Donc attendons que ce dernier soit jugé et alors on pourra continuer à discuter de cette affaire!
Le secret de la confession “peut” être violé EN DROIT FRANCAIS sans imputation d’un délit prévu au CP 226-13 (violation du secret professionnel), mais, toujours en droit français, on n’est pas contraint de le violer. Ceci EN DROIT FRANCAIS, qui connait très bien le secret de la confession, et ne réserve pas à celui-ci le secret des ministres du culte (jurisprudence 1891), pourvu qu’il y ait bien confidence spontanée (jurisprudence Pican de 2001 relatée au procès Barbarin). EN DROIT CANONIQUE, la combinaison des c.983 (la norme) et c.1388 (la peine d’excommunication LS réservée au Siège apostolique pour délit de violation du secret sacramentel) garantit aux fidèles l’inviolabilité absolue du secret de la confession. Il y a donc correspondance imparfaite entre les deux droits, mais le droit français garantit au moins l’immunité du prêtre qui fait son devoir de prêtre en observant l’inviolabilité de la confession prévue par la loi canonique. De plus, le droit français protège le prêtre en situation de confidence spontanée, confessionnelle ou non, car il ne fait pas la différence entre les confidence d’origine sacramentelle et les autres (jurisprudence 1891). La question est le caractère jurisprudentiel de cette solution qui, pour l’instant, protège notre ministère. De nos jours, certains juristes (dont nos avocats mais pas seulement) écartent les ministres du culte de l’option de conscience prévue au CP art.226-14, parce que cette option doit être prévue par la loi. Et pour les prêtres, ce n’est explicitement mentionné qu’en jurisprudence.
Finalement, le tout est de ne pas confondre le droit français et le droit canonique. L’Eglise, qui n’est pas une île, doit faire son devoir canonique sans ignorance du droit séculier. Et quand quelqu’un s’exprime en droit français sur des questions ayant fait l’objet d’un procès devant les juridictions étatiques, il est de bon ton de repérer au préalable dans quel champ du droit il s’exprime. Cela évite les contresens. Il est évident que si l’on m’imposait de révéler des éléments appris en confession (et même en confidence spontanée hors confession), je n’hésiterais pas une seconde à observer le droit canonique en faisant du “contra legem” relativement au droit français. Ca va comme ça ?
Le christianisme “rose”
“Vers la fin du XIXe siècle, le profond théologien philosophe Konstantin Leontiev remarqua l’émergence d’un christianisme dit ” rose “, qu’il décrivit comme la position pré-révolutionnaire des intellectuels d’alors, l’intelligentsia, qui posait la question : “Peur de Dieu ? Quelle peur ? Pourquoi ? Dieu n’est-il pas censé être AMOUR ET SEUL AMOUR ?”
…
Le “chrétien rose” contemporain présente les symptômes-indicateurs caractéristiques suivants :
1) Une défense volontaire de l’amour, mais un silence absolu sur le jugement de Dieu et le Second Avènement [Parousie]
2) Du vague concernant les dogmes- au lieu de cela, une pluralité de dogmes
3) Perte de l’absolu, de la vérité révélatrice, de l’intérieur, depuis la position selon laquelle, ceci, cela et autre chose sont toutes des vérités. La vérité n’est perçue que comme une synthèse pluraliste de diverses formulations littérales relatives et individuelles.
4) Le manque de compréhension – ou l’absence de connaissance – de la vie spirituelle.
5) L’échange d’une vie ascétique personnelle avec un mode de vie intense, quotidien et extraverti.
6) Déni de toute expérience ecclésiastique ascétique et de toute vie qui amènent graduellement l’homme à la Grâce divine et à l’illumination de l’Esprit Saint.
https://orthodoxologie.blogspot.com/2019/03/le-christianisme-rose.html
Supposons qu’un prêtre reçoive en confession sacramentelle l’aveu d’un abus sur mineur de la part d’un autre clerc ou d’un laïc. Le confesseur ne peut-il pas refuser l’absolution au pécheur tant que ce dernier ne s’est pas dénoncé aux autorités civiles ? Se croire absous par Dieu alors qu’on n’a pas satisfait à la justice des hommes n’est-il pas trop facile ? Bien sûr, le confesseur ne pourrait rien révéler de ce qu’il a appris, même en l’absence d’absolution.