Le site de la Confraternité Saint-Pierre évoque la mission de la FSSP en Colombie, une mission originale. Trois prêtres les abbés Alfaro et Ruiz, FSSP, et Petit, mep associé à la FSSP oeuvrent au quotidien pour l’école, la maison de discernement et la vie paroissiale.
Trois soutanes noires auxquelles les gens semblent s’être accoutumés… peu à peu, et peut-être malgré tout ! Un peu comme les uniformes bleu ciel (et parfois bleu foncé) évoqués par Dino Buzzati, dans son grand oeuvre. Perdus entre un désert vert de caféiers, et le désert d’une population, dans le meilleur des cas, peu portée sur la tradition, que font ces prêtres au milieu de la Colombie, de ces montagnes, de sa population qui cherche à oublier 60 années de guérilla au point d’oublier le passé criminel et mafieux de certains de ses politiciens ?
Bien sûr, il y a l’école : la forteresse Bastiani pour filer la métaphore ! Une belle école, sortie de terre il y a tout juste quelques années, construite à partir de rien ! Une grosse dizaine d’année, pour faire naître un collège dans lequel 230 élèves sont scolarisés du jardin d’enfants au collège et aux premières classes de lycée, cela représente bien des soucis et bien du travail. Et cette école est loin d’être une quantité négligeable dans l’emploi du temps puisque au moins deux prêtres y sont affectés à plein temps. Au programme, les activités habituelles de ces institutions : formations, confessions, catéchismes, et le travail de direction, indispensable à toute école : la vie de toute forteresse, ou plutôt de tout apostolat ! C’est d’ailleurs entre autres pour cette raison, comme œuvre de jeunesse, que la maison a été érigée canoniquement, et qu’elle a ensuite repris l’école paroissiale. Dans le travail de formation, une place importante est consacrée à l’explication de nos choix liturgiques, car, pour l’écrasante majorité des enfants, ce n’est pas ces choix qui ont décidé leur inscription, et il va même sans dire que c’est plutôt le contraire. Une motivation de niveau, bien que celui-ci soit encore bien faible, un certain souci de « valeur » morale –dans le meilleur des cas– guident les parents devant la déchéance complète de l’éducation publique en Colombie. Bien sûr, c’est l’occasion d’une prédication, tant aux professeurs qu’aux élèves et quand cela est possible aux parents. « insta opportune, importune…» Manifestement Paul et Timothé pouvaient, eux, au moins de temps à autre disposer d’un temps opportun… Une prédication qui dépasse donc très largement le cadre liturgique ; une éducation humaine indispensable à cette prédication et qui s’adresse parfois jusqu’aux parents ; une espérance enfin, alors que parfois tout semble perdu dans l’attente incessante de l’ennemi du nord. Car l’école c’est aussi, 70 % d’enfants venant de familles monoparentales, de parents non mariés…toute une pastorale délicate à mettre en oeuvre dans l’espoir, chimérique à vue humaine, d’éviter la montée du matérialisme et la chute de la foi dans ce village colombien.
Adjoint à ce fort qu’est l’école, il y a la ferme expérimentale, destinée à apprendre aux enfants les rudiments des métiers de la terre ; et si, certes cette redoute n’est peut-être pas encore très fonctionnelle, elle demeure un projet et une identité de l’école. À cette ferme, et à cette école seront bientôt adjoints, si Dieu le veut, un petit internat féminin pour que l’éducation puisse se répandre plus loin dans la vallée. Cela reste encore un projet, mais un projet dont on peut déjà toucher les fruits ne serait-ce que celui des travaux de la maison qui ont été entrepris. Et il s’agit bien là d’une réelle nécessité éducative due à l’éloignement des veredas , sortes de prolongement d’un village par de longs kilomètres de pistes plus ou moins carrossables autours desquels sont disséminées quelques fincas construites à la hâte. C’est en heures que peuvent parfois se compter les déplacements, ce qui explique une certaine désaffectation des jeunes de l’école. La femme demeurant la principale éducatrice, il est logique, dans un souci d’efficience de commencer par elles un projet d’éducation inscrit sur la durée.
Et puis, il y a également, au cœur de la forteresse, la partie plus spécifiquement dédiée aux vocations au sacerdoce ; le décret d’érection canonique de 2006, donne comme buts, non pas uniques, mais ce sont les seuls cités, que, outre maison d’éducation en faveur de la jeunesse, la casa san Martin de Porres, est une maison de discernement pour des candidats qui viennent de la région sud-américaine. Ce but se met en place progressivement. L’an dernier trois jeunes Colombiens ont pu discerner la question de leur vocation au sein de la communauté sacerdotale (l’un d’entre eux a été envoyé cette année au séminaire) et cette année, ce sont deux jeunes qu’il faut former, aider à discerner, à qui il faut apprendre le français (en attendant le jour où, plaise à Dieu, la fraternité ouvrira une section hispanophone), et quelques rudiments de doctrine chrétienne et spirituelle pour qu’ils puissent avoir des éléments clairs de choix ainsi qu’une formation humaine si nécessaire aux prêtres de demain.
Au-delà de ce travail, dans le décret d’approbation est également mentionné que les prêtres pourront collaborer avec la paroisse, dans la mesure du possible. C’est le cas à la Florida où chaque dimanche le supérieur de l’apostolat—et non pas le colonel–chante la messe, qui est, conformément au motu proprio une messe publique paroissiale et qui regroupe une vingtaine de fidèles. C’est aussi ici que s’inscrivent les visites à quelques malades le long des «veredas » Les confessions occupent la journée du dimanche, durant les messes du curé, ainsi qu’avant et après. Car les fidèles, plus qu’en Europe, ont su garder ce sacrement en estime. Enfin de temps à autre un appel de l’hôpital pour une extrême-onction peut arriver. Et ben sûr, il faut compter sur diverses préparations de sacrements auprès de gens qui ne peuvent atteindre le curé.
Soit ! Mais cela ne représente que les occupations quotidiennes des journées. Et en rien, ces occupations ne diffèrent de celles que l’on peut mener en Europe ou en Amérique du Nord. Alors, « pourquoi partir en mission avec extra ? » C’est là, vous vous en souviendrez, que se tient tout le thème du roman… une vie perdue face un destin sombre et injuste, face a des Tartares qui n’arrivent pas. « Qu’est-ce que la mission ? » C’est là une question souvent entendue, souvent ressassée même par ceux qui l’ont choisie, tant la réponse est loin d’être obvie, surtout de nos jours où l’incroyance est partout jusqu’aux portes de la maison. Pourquoi partir s’il y a tant d’inconvénients ? Car, oui, partir en mission c’est consentir à une perte d’efficacité. Oui, l’apprentissage de la langue reste difficile (même l’espagnol). Oui, l’immersion dans une culture étrangère est déroutante. Oui, le monde traditionnel se heurte ici, et plus encore qu’en France à une incompréhension peut-être pas violente mais tétue. Partir en mission, c’est accepter de mener la vie du lieutenant Drogo qui n’est pas tant une vie de vicissitudes militaires qu’une illustration de ce que nous autres chrétiens appelons la vallée de larmes, ce monde loin de Dieu. Alors quoi ? Nous pourrions, bien-sûr, invoquer le fait que Dieu « fait connaître la nécessité qu’on avait là-bas de quelques ouvriers faute de quoi il se perd une infinité d’âmes tous les ans dans ces pays-là… » [1] , mais ce serait présager tout d’abord que la France et l’Europe ne fussent point des territoires où beaucoup d’hommes se perdent, et ensuite et surtout, ce serait présumer que l’on se sache à sa place… tel le commandant déclarant « le fort Bastiani, sentinelle de la couronne ! » Pareilles présomptions se mantiennent au loin par la débilité et la pauvreté des tâches accomplies. Peut-être que, tout simplement, ces hommes en uniforme foncé n’essayent finalement qu’une chose, être prêtres là où le bon Dieu les a portés, être prêtres très simplement, avec tout ce qu’ils ont reçu la sainte Eglise. À ce point, la métaphore ne peut plus être suivie, car il faut faire ce saut dans la foi : loin d’être une œuvre perdue, loin d’être un combat inutile non pas contre les Tartares mais contre la mort, notre mission de prêtre est moins liée un souci d’efficacité qu’à un souci de fidélité ; il n’y a que cette fidélité qui puisse donner un sens à la question posée plus haut. Que font ces défenseurs dans ce désert lointain loin de la ville, loin du monde « tradi », loin de ce qui fait le cœur des apostolats ? Ils tentent d’être, aussi fidèlement que possible, les gardiens d’une mission et d’une mission reçue de l’Eglise, par la main des supérieurs : ils tentent simplement d’être prêtres.
Si vous souhaitiez soutenir à l’occasion de la fête de Noël l’apostolat Colombien:
FSSP district Colombie
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