Paix Liturgique publie une très intéressante contribution sur la décision de la Conférence Épiscopale de revenir à l’ancienne traduction du Credo sur le consubstantiel (remplacé dans les années 1970 par “de même nature”). Il faut surtout souligner que la Commission Épiscopale chargée de la liturgie n’a pas cherché à trouver une autre traduction, mais est revenue à l’ancienne traduction qui exprime les choses !! La nouvelle traduction entrera en vigueur en mars 2019 après approbation romaine.
UNE TRADUCTION « À STRICTEMENT PARLER HÉRÉTIQUE » (JACQUES MARITAIN)
L’évacuation du « consubstantiel » renvoyait à l’hérésie du prêtre Arius au IVe siècle, qui avait provoqué une des crises les plus profondes qu’ait connues l’Église. À peine sortie de la grande période des persécutions, elle dut affronter la contestation de ce prêtre d’Alexandrie qui refusait de voir dans le Christ la parfaite image du Père, « Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ». Très sensible aux influences de la philosophie mondaine, Arius ne pouvait concevoir que Jésus soit véritablement et littéralement le Fils de Dieu, devenu dans le sein de la Vierge Marie, par pure miséricorde, le Fils de l’homme, selon la belle formule de la tradition patristique : « Sans cesser d’être ce qu’Il est, il est devenu ce qu’Il n’était pas. » Les théologiens fidèles à l’Écriture et à la Tradition de l’Église élaborèrent la notion de « consubstantialité », concept qui fut reconnu par les Pères du Concile de Nicée (325) comme exprimant parfaitement la foi chrétienne depuis les temps apostoliques.
Jésus est vraiment le Fils de Dieu. Il est un seul être avec Lui et avec le Saint-Esprit, chacune des trois personnes divines étant Dieu. C’est là le premier et le plus grand mystère de la foi catholique, un seul Dieu en trois Personnes, et c’est Dieu lui-même qui a ainsi révélé ce qu’Il est à ses enfants par la médiation de son Fils et par l’envoi du Saint-Esprit sur l’Église pour la conduire à la vérité tout entière. Cette vérité dogmatique fondamentale est la gloire de l’Église, le trésor des fidèles, et beaucoup de chrétiens ont préféré donner leur vie, subir la persécution et supporter d’incroyables souffrances pour défendre et servir cette foi qu’ils ont reçue des Apôtres.Du coup, le philosophe Étienne Gilson, voyait dans la traduction du missel réformé français – traduction approuvée par Rome – le refus d’affirmer clairement l’unicité de la Trinité : « On ne dit assurément pas que le Fils soit un autre Dieu que le Père, on interdit seulement de faire usage de la seule formule dogmatique qui exclut toute possibilité d’erreur à cet égard » (La société de masse et sa culture, Vrin, 1967, p. 128).
Plus sévère encore, le philosophe Jacques Maritain écrivait dans un Mémorandum adressé directement à son ami Paul VI : « Sous prétexte que le mot “substance”, et, a fortiori, le mot consubstantiel” sont devenus impossibles à comprendre aujourd’hui, la traduction française de la messe met dans la bouche des fidèles, au Credo, une formule qui est erronée de soi, et même, à strictement parler, hérétique. Elle nous fait dire, en effet, que le Fils, engendré, non créé, est “de même nature que le Père”, ce qui est l’homoiousios des Ariens ou semi-Ariens, opposé à l’homoousios, ou consubstantialis, du Concile de Nicée » (Jacques Maritain, Œuvres complètes, Éditions universitaires de Fribourg, 2000, vol. XVI, p. 1115).
S’agissait-il d’une véritable hérésie arienne ? Malheureusement pas. En réalité, la vraie raison du remplacement est bien celle que donne Maritain : la précision dogmatique du consubstantialem a semblé aux traducteurs du missel trop difficile à entendre par les hommes d’aujourd’hui, et ils ont finalement considéré qu’elle avait un intérêt mineur. Il s’agit plus de désintérêt pour le dogme que d’hérésie, ce qui est finalement bien plus grave.
Louis Salleron (La nouvelle messe, Nouvelles Éditions latines, 1970) notait qu’en suivant les principes selon lesquels, pour nos contemporains, le vocabulaire théologique et philosophique ne signifiait plus rien, ne « parlait plus », il faudrait aussi renoncer à ce compte à toutes les notions dogmatiques : Trinité, Incarnation, Rédemption.
Il n’y a aucun satisfecit à donner aux évêques francophones au sujet de cette nouvelle traduction.
En effet, c’est la traduction actuelle qui est scandaleuse, hérétique selon les théologiens sérieux comme Jacques Maritain.
Et elle dure depuis cinquante ans sans que personne, dans l’Eglise officielle ne s’en soit plaint, ce qui démontre à quel point de décadence le clergé français en était arrivé.
Pourtant ce n’était pas au-dessus d’une intelligence moyenne que de traduire “consubstanlialis” par “consubstantiel”.
Mais même ça, c’était encore trop pour des religieux formés à la va-vite dans des séminaires dépourvus après Vatican II de toute solidité doctrinale.
Alors au point où ils en sont, est-ce trop demander qu’ils aient la bonté de traduire correctement et honnêtement l'”Orate Fratres”, qui conclut l’Offertoire, celui-là même qui figure dans le nouvel Ordo Missae de 1968 ?
Euh… Ne serait-il pas plus juste de dire : “ce qui démontre à quel point de décadence le clergé français en était arrivé… au moment de Vatican II” ? Car enfin la “traduction” en français du missel de 1969 a bien été le fait de clercs formés AVANT le concile ! C’est justement à eux que l’on doit tout le cirque qui a suivi -et perdure aujourd’hui- dans les églises et dans les séminaires. Ce sont eux qui ont “formé” selon leurs idées les générations suivantes de prêtres et de religieux…Les massacreurs de la liturgie étaient tous issus du moule antéconciliaire, instruit dans la plus pure Tradition catholique (si tant est qu’elle ait finalement existé quand on apprend par quels prétextes ils ont oeuvré).