Le journaliste Aldo Maria Valli, dont on sait qu’il a joué un rôle dans la rédaction du mémoire de Mgr Vigano, a interrogé ce dernier pour faire le point sur les différentes accusation qui courent contre lui. Cet entretien est paru d’abord en italien ici, puis en anglais ici.
Monseigneur, comment allez-vous?
Grâce à Dieu, je vais très bien, avec beaucoup de sérénité et une conscience en paix – c’est la récompense de la vérité. La lumière surpasse toujours les ténèbres. Elle ne peut pas être supprimée, en particulier pour celui qui a la foi. Par conséquent, j’ai beaucoup de foi et d’espérance pour l’Église.
Comment jugez-vous les différentes réactions à la publication de votre mémoire?
Comme vous le savez, les réactions sont contradictoires. Il y a ceux qui ne peuvent pas cesser de chercher des endroits où puiser du poison pour détruire ma crédibilité. Quelqu’un a même écrit que j’avais été hospitalisé deux fois avec un traitement obligatoire (TSO) pour usage de drogue. Il y a ceux qui imaginent des complots, des complots politiques, des complots de toutes sortes, etc. Mais il y a aussi beaucoup d’articles appréciant mon mémoire, et j’ai eu la chance de voir des messages de prêtres et de fidèles qui me remerciaient car mon témoignage avait été pour eux une lueur d’espoir pour l’Église.
Que répondez-vous à ceux qui, ces jours-ci, objectent que vous devez avoir des motifs de rancune personnelle contre le pape et que c’est pour cette raison que vous avez décidé d’écrire et de faire circuler votre mémoire?
Peut-être parce que je suis naïf et habitué à toujours penser du bien des gens – mais je reconnais en fait que c’est principalement là un cadeau que le Seigneur m’a donné –, je n’ai jamais eu d’esprit vengeance ou de rancœur durant toutes ces années où j’ai été mis à l’épreuve par tant de calomnies et de mensonges prononcés contre moi.
Comme je l’ai écrit au début de mon témoignage, j’ai toujours pensé que la hiérarchie de l’Église aurait dû trouver en elle-même les ressources nécessaires pour guérir toute la corruption. Je l’ai également écrit dans ma lettre aux trois cardinaux désignés par le pape Benoît pour enquêter sur l’affaire Vatileaks, une lettre accompagnant le rapport que je leur ai remis. « Beaucoup d’entre vous, ai-je écrit, savaient, mais sont restés silencieux. Au moins, maintenant que Benoît XVI vous a confié cette mission, vous aurez peut-être le courage de rapporter avec précision ce qui vous a été révélé à propos de tant de situations de corruption. »
Pourquoi avez-vous décidé de publier et de diffuser votre témoignage?
J’ai parlé parce que, plus que jamais, la corruption s’est étendue aux plus hauts niveaux de la hiérarchie de l’Église. Je demande aux journalistes : pourquoi ne demandez-vous pas ce qui est arrivé aux documents secrets qui, comme nous l’avons tous vu, ont été remis au pape François par le pape Benoît XVI à Castel Gandolfo? Était-ce entièrement inutile? Il aurait suffi de lire mon rapport et la transcription de ma déposition devant les trois cardinaux chargés d’enquêter sur l’affaire Vatileaks (Julian Herranz, Jozef Tomko et Salvatore De Giorgi) pour commencer à nettoyer la curie. Mais savez-vous ce que le cardinal Herranz m’a dit quand je l’ai appelé de Washington, inquiet de ce que tant de temps se soit écoulé depuis que la commission d’enquête avait été nommée par le pape Benoît et que personne ne m’ait encore contacté ? Nous parlions ensemble et je lui ai dit : « Ne croyez-vous pas que peut-être, moi aussi, j’aurais quelque chose à dire concernant mes lettres, qui ont été publiées à mon insu?» Il m’a répondu : «Ah, si vous y tenez vraiment… »
Comment répondriez-vous à ceux qui disent que vous êtes un corbeau ou l’un des corbeaux à l’origine de l’affaire Vatileaks?
Je suis un corbeau? Comme vous l’avez vu avec mon témoignage, je fais habituellement les choses à la lumière ! À l’époque, j’étais à Washington et j’avais certainement d’autres sujets de préoccupation. D’autre part, j’ai toujours eu l’habitude de me plonger complètement dans ma nouvelle mission. C’est ce que j’ai fait quand j’ai été envoyé au Nigeria: je ne lisais plus les nouvelles italiennes – au point que, six ans plus tard, quand saint Jean-Paul II m’a rappelé pour travailler à la Secrétairerie d’État, j’ai mis plusieurs mois pour me réorienter, même si j’avais déjà travaillé pendant onze ans à la Secrétairerie d’État entre 1978 et 1989.
Comment répondez-vous à ceux qui affirment que vous avez été chassé du Gouvernorat du Vatican et que c’est pour cela que vous auriez des sentiments de rancœur et de vengeance?
Comme je l’ai déjà dit, la rancœur et la vengeance ne sont pas des sentiments que je ressens. Ma résistance à quitter mon poste au gouvernement était motivée par le profond sentiment d’injustice d’une décision que je savais ne pas correspondre à la volonté du pape Benoît, dont il m’avait lui-même parlé. Afin de me jeter à la porte, le cardinal Bertone avait commis une série de graves abus d’autorité: il avait dissous la première commission de trois cardinaux que le pape Benoît avait nommée pour enquêter sur les graves accusations portées par moi en tant que secrétaire général et par le vice-secrétaire général, Mgr Giorgio Corbellini, concernant les exactions commises par Mgr Paolo Nicolini; à la place de cette commission cardinale, il avait créé une commission disciplinaire, modifiant dans sa constitution la commission institutionnelle du gouvernement; avant même de créer cette commission, il m’avait convoqué pour me dire que le Saint-Père m’avait nommé nonce à Washington. Bien que la commission disciplinaire ait décidé le 16 juillet 2011 de démettre Mgr Paolo Nicolini, il a annulé cette décision de manière abusive et l’a empêchée d’être rendue publique. Ce faisant, il m’a empêché de poursuivre le travail de guérison de la corruption présente dans la gestion du gouvernorat.
Que dites-vous à ceux qui parlent de votre «fixation» sur votre désir de devenir cardinal et qui soutiennent que vous attaquez maintenant le pape parce que vous n’avez pas reçu cet honneur?
Je peux affirmer avec sincérité devant Dieu que j’ai rejeté l’opportunité de devenir cardinal. Après ma première lettre au cardinal Bertone, que j’ai envoyée au pape Benoît pour qu’il puisse faire ce qu’il pensait le mieux, le pape m’a convoqué et reçu en audience le 4 avril 2011 et il m’a immédiatement dit ces mots: « Je crois que la mission dans laquelle vous pouvez le mieux servir le Saint-Siège est celle de président de la préfecture des affaires économiques à la place du cardinal Velasio De Paolis. »J’ai remercié le pape pour la confiance qu’il me manifestait et j’ai ajouté : « Saint-Père, pourquoi n’attendez-vous pas six mois ou un an ? Parce que si vous me promouvez en ce moment, l’équipe qui a eu confiance en moi et qui a travaillé pour remédier à la situation dans le gouvernorat sera immédiatement dispersée et persécutée » (comme cela s’est produit).
J’ai aussi ajouté un autre argument. Étant donné que le cardinal de Paolis n’avait été nommé que récemment pour traiter de la situation délicate des légionnaires du Christ (le cardinal de Paolis m’avait d’ailleurs consulté avant d’accepter cette mission), j’ai dit au pape qu’il serait préférable qu’il continue à avoir une position institutionnelle qui lui donnerait une plus grande autorité en tant que personne et donc dans son action avec les légionnaires. À la fin de l’audience, le pape Benoît m’a dit une fois de plus: «Je reste cependant d’avis que la position dans laquelle vous pouvez le mieux servir le Saint-Siège est celle de président de la préfecture des affaires économiques. Le cardinal Re peut confirmer ce récit. Par conséquent, j’ai renoncé au cardinalat pour le bien de l’Église.
Que répondez-vous à ceux qui évoquent votre famille dans cette affaire en parlant de la «saga» sous le signe d’intérêts économiques énormes?
Le 20 mars 2013, mes frères et sœurs avaient préparé une déclaration pour la presse, à laquelle je m’opposais pour éviter d’impliquer toute la famille. Parce que l’accusation contre mon frère Lorenzo se répète maintenant – à savoir que j’ai menti au pape Benoît en lui écrivant pour demander un congé pour prendre soin de mon frère malade –, j’ai décidé de rendre ce communiqué public. En le lisant, il devient évident que j’ai ressenti une grave responsabilité morale de prendre soin de mon frère et de le protéger.
Pour info, sans rapport :
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