Pour le Journal des entreprises, Monseigneur James, évêque de Nantes, évoque sa perception du monde de l’entreprise, son rôle de manager au sein du diocèse et dresse des parallèles avec la fonction de chef d’entreprise.
Monseigneur James, vous allez échanger avec des chefs d’entreprise nantais lors d’une soirée le 22 novembre prochain autour notamment de thématiques liées au management. Est-ce que votre rôle d’évêque peut s’apparenter à celui de chef d’entreprise ?
Bien sûr qu’il y des points de convergence entre le monde de l’entreprise et l’église. Une entreprise c’est d’abord un ensemble de personnes qui vont travailler ensemble sur un objectif commun, qui se rassemble autour d’un projet que va lancer un chef d’entreprise. Et le rôle du chef d’entreprise c’est d’être assez créatif et d’animer cet ensemble de personnes diverses dans leurs formations, dans leurs âges, etc. De ce point de vue, le caractère associatif d’un diocèse peut ressembler à une entreprise avec à sa tête un évêque qui est également présent pour animer une communauté. Après, il y a bien sûr des points qui séparent un évêque d’un chef d’entreprise.
Un chef d’entreprise est le plus souvent un leader. Est-ce qu’un évêque est lui aussi un leader ?
Bien sûr que j’ai un rôle de responsable et d’animateur. L’évêque que je suis va devoir trancher à un moment donné après avoir entendu tous ses collaborateurs. Bien sûr, mon rôle ne se réduit pas à cette dimension-là. Mais un évêque doit veiller à l’unité de l’ensemble et veiller à ce que les plus petits et les plus fragiles soient bien présents dans toute la vie de l’église. Et comme un chef d’entreprise, l’évêque doit avoir une vision en étant très attentif sur le fait que tout le monde s’accorde sur cette vision-là. Mais peut-être que davantage qu’un chef d’entreprise, un évêque doit rendre compte de ses activités et de sa mission.
Dans une institution très hiérarchisée comme l’église, cela veut dire que l’évêque n’est pas tout puissant dans son diocèse ?
Mais c’est la même chose pour un chef d’entreprise. Si celui-ci s’isole du reste de l’entreprise, à un moment donné il va avoir des difficultés. Parce que pour atteindre un objectif, il faut avoir motivé et entraîné tout une équipe. La différence que je vois par rapport à un chef d’entreprise, c’est qu’en qualité d’évêque je suis entouré de nombreux conseils ; conseil des affaires économiques, conseil des prêtres, etc. Et une fois que des orientations ont été définies, l’évêque doit en rendre compte et surtout évaluer leurs résultats.
Est-ce que votre rôle de manager est de détecter les talents et de leur permettre de progresser ?
Effectivement, c’est une de mes belles missions que de repérer les talents en considérant l’unicité de chaque personne. En fonction de cela, l’évêque et ses collaborateurs vont chercher à lui trouver la place qui correspond à ses qualités. En cela, mon rôle peut rejoindre celui d’un chef d’entreprise. Car la plus grande richesse d’une entreprise c’est bien l’ensemble des personnes qui la constitue. Dans l’église c’est la même chose : il y a une foule de talents et on doit leur permettre de trouver leur place.
Est-ce que comme une entreprise, un diocèse à des objectifs financiers à tenir ?
C’est peut-être ce qui nous différencie de l’entreprise. Evidemment, l’église a besoin d’argent pour vivre. Notamment pour payer les prêtres et les laïcs qui se mettent à son service. Mais il y a un principe : tous les prêtres et les évêques ont le même salaire, quel que soit l’importance de leur paroisse ou de leur diocèse. Après, le budget du diocèse est publié tous les ans pour faire connaître à la communauté les besoins financiers dont nous avons besoin pour vivre. Et si nous ne recevons pas ce dont nous avons besoin, nous serons obligés de faire des coupes sombres dans les dépenses, comme une entreprise.
Et alors, quelle est la situation financière du diocèse de Nantes?
Il y a des diocèses plus pauvres que le nôtre. On réussit tant bien que mal à faire vivre les personnes qui sont engagées, mais on doit rester vigilant. Chaque année, on doit affronter un déficit d’exploitation qui est important et qui, sans doute, ferait peur à beaucoup de chefs d’entreprise.
A la différence de nombreux chefs d’entreprise, vous dites qu’il ne faut pas céder à toutes les urgences et rester focalisé sur l’essentiel …
Les chefs d’entreprises sont hyper sollicités et doivent composer avec des emplois du temps très denses qui les amène à gérer toutes sortes d’urgences. Mais à quel moment, pensent-ils à l’essentiel et au sens de leur mission dans l’entreprise ? Moi, en tant qu’évêque, je ne peux pas faire l’économie de prendre du temps dans mon agenda pour cet essentiel qui est la relation à Dieu.