Pour Pierre Henri, de l’Agrif, le président de la CEF a tenu un discours périmé :
Ce jour, pour l’ouverture de l’Assemblée plénière des évêques de France à Lourdes, Mgr Pontier, président de la CEF, a délivré un discours très politisé dans la droite et consternante ligne du livret « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique » que Bernard Antony avait allègrement démonté dans Reconquête n°332. Politisé, certes, mais pas téméraire, puisque l’article de la Croix qui le traite précise d’emblée que Mgr Pontier veut « alerter contre la montée du Front National sans jamais le citer », « exercice délicat » qui fut donc fait plus en douceur que les calomnies pures prononcées à la fin des années 1980 par Mgr Decourtray, Primat des Gaules d’alors.
Ce discours introductif fut donc un récitatif éraillé d’idées épiscopalement correctes, illustration parfaite de la « langue de buis » analysée par Laurent Dandrieu dans Eglise et immigration : le grand malaise (Presses de la Renaissance), prônant à grands coups d’abstractions molles et de concepts creux la « fraternité » contre le « repli », cette menace nébuleuse et fort peu définie planant sur la France et l’Europe. Bien entendu, sur la tsunamigration et le choc identitaire qu’elle provoque, tout va très bien, « Ceux qui viennent chez nous et sont accueillis, peuvent s’intégrer, apporter leur savoir-faire […]. Notre conviction chrétienne et citoyenne nous invite à la générosité. » Le devoir de discernement en vue du Bien commun est noyé sous les bons sentiments, toujours justifiés par la référence évangélique (qui semble devenue l’alpha et l’oméga de toute la pensée politique de l’épiscopat français) « l’hospitalité offerte à l’étranger qui a besoin d’un refuge est offerte à Jésus-Christ lui-même. »
Cette attitude proprement impolitique, au sens que lui donnait l’essayiste Julien Freund, s’est vu donner un nom officiel par une partie de l’épiscopat : la « culture de la rencontre ». Remède miracle aux « peurs » illégitimes suscitées par la déferlante d’immigrés illégaux et de réfugiés, tout autant que fondement biaisé de l’attitude que les catholiques seraient censés avoir vis-à-vis de l’islam, ladite « culture de la rencontre » permet de « grandir dans la connaissance et le respect mutuel », à l’opposé du « dangereux regard de méfiance » portés sur les musulmans en France après les attentats. Ici, l’absence totale de volonté de recul, de bon sens et de liberté de critique de l’islam comme phénomène intrinsèquement politico-religeux, n’est que le signe d’un discours épiscopal en flagrant décalage par rapport aux enjeux de l’heure, tant pour la France que pour le monde.
Cette gravissime absence de pertinence, enrobée dans l’épaisseur émoliente de la bonne conscience, est de moins en moins admise par les pratiquants catholiques. Ainsi, les évêques, aux dires de la Croix, semblent bien embarrassés : face à des paroissiens qui sont de plus en plus nombreux à voter ouvertement pour le FN, plus question de leçons de morale politique en chaire, sans même parler de consignes de vote ! Le discours de la Ligne Générale de l’épiscopat est devenu inaudible. Il s’est donc mué en cette désapprobation qui ne nomme pas sa cible, marquant plus encore la difficulté chronique à adapter une analyse périmée à la réalité des choses.
La mise en garde finale sur le « développement de pratiques eugéniques » et la disparition de « toutes les procédures de dialogue et de réflexion contenues dans la loi Veil » laisse pour le moins insatisfait : qu’en termes choisis ces choses-là sont dites, alors qu’il s’agit, dans le cas de l’extension du délit d’entrave à l’avortement au numérique, d’une loi purement totalitaire ! Nous attendons que l’Eglise soit offensive, à l’avant-garde du combat contre la culture de mort. Au sommet de la CEF, ce n’est malheureusement pas encore ça.”
Pour François Teusch sur Boulevard Voltaire, c’est un discours politiquement correct :
“La montée constante du Front national lors des récentes élections et les sondages qui placent Marine Le Pen au second tour de la présidentielle provoquent, au sein de l’épiscopat français, un malaise palpable. Traditionnellement hostiles au parti de Jean-Marie Le Pen, dont ils pouvaient sans risque dénoncer les outrances, les responsables de l’Église de France hésitent désormais à condamner un mouvement auquel nombre de catholiques donnent leur voix sans complexe.
Réunis à Lourdes en assemblée plénière le 28 mars dernier, les évêques ont subi le discours très politique de leur président, Mgr Georges Pontier. L’homme qui a succédé au charismatique cardinal Vingt-Trois est discret et peu connu du grand public. C’est un « centriste ». Son propos en porte la marque. Alors que, comme les autres, les catholiques apprécient les paroles fortes et les positions fermes, le patron des évêques leur a livré un condensé de politiquement correct.
Si ce discours n’était pas consacré exclusivement aux échéances électorales, la plus grande partie du propos s’y référait directement ou indirectement. Comme d’habitude, la France n’est jamais citée en tant que telle, sauf en qualité d’adjectif. Mgr Georges Pontier préfère parler de la République. Ce qui est, en soi, assez révélateur de la soumission à un concept dépourvu de sens concret.
Vivre ensemble, fraternité, solidarité, tous ces « mots-valises » se retrouvent dans le texte. Sans jamais le citer, l’orateur se livre à de savantes contorsions pour condamner le Front national.
« [La fraternité] qui se transforme en engagement concret en faveur des plus défavorisés, des chômeurs et aussi des migrants, des réfugiés venus en France en fuyant les conditions de vie devenues dangereuses ou misérables dans leur pays d’origine. Heureusement, au ras du terrain, cette fraternité se vit dans un tissu associatif généreux, engagé, durable, qui mérite d’être encouragé et soutenu. Nous ne pouvons pas penser notre avenir, chacun replié sur soi-même. Certains le pensent. C’est un leurre. »
Puis, à propos des musulmans auxquel un long passage est consacré : « Interdire de s’exprimer à certains les désigne comme de dangereux citoyens et fracture la société. »
On saura gré à Mgr Pontier d’avoir rappelé, brièvement, les exigences fondamentales du respect de la vie et de la famille, et souligné qu’« il n’y a pas de droit à l’enfant et [que] brouiller les repères de la filiation devrait apparaître comme une limite à ne pas franchir ». Avant de revenir au politiquement correct à propos de l’Europe, vue comme un horizon sinon indépassable, au moins souhaitable, sans réserve face à l’ultralibéralisme de Bruxelles.
Le moins que l’on puisse dire est que le discours manque de nerf et ne semble pas partagé par tous les prélats. Certains, prudents, estiment qu’il est contre-productif de condamner certains suffrages, alors que 25 % des catholiques votent Le Pen. Mais, une fois encore, si l’Église est totalement dans son rôle en appelant à la miséricorde, à l’accueil et à la charité, ses représentants semblent déconnectés de la réalité et d’une attitude prudentielle et pragmatique face au principal défi que notre Vieux Monde doit relever : l’offensive de l’islam au sein de notre société déchristianisée.
Entendent-ils les cris des chrétiens d’Orient ?”