Alors que François Hollande vient de rendre un hommage appuyé aux frères trois points, un mouvement insidieux voudrait laisser croire que l’Eglise serait devenue plus « ouverte » aux Franc-Maçons.
Cette étude publiée par ICHTUS pose à la fois le problème, son histoire et la position claire de l’Eglise.
La vérité, c’est qu’il n’y a pas d’entente possible entre l’esprit de la franc-maçonnerie : le culte de l’Homme affranchi du dogme et de la morale, seule interprète du bien et du mal, du vrai et du faux « sans intervention divine superflue » [[« Humanisme », juillet 1975.]], il n’y a pas le moindre compromis possible entre cette déification de l’Homme sans Dieu, et la religion du Dieu fait homme.
Est-il possible d’être à la fois chrétien et franc-maçon ?
La présente étude a pour objet de rappeler qu’il n’en est rien parce que la philosophie maçonnique est fondamentalement inconciliable avec la doctrine catholique
Un peu d’histoire
La franc-maçonnerie moderne, née de la constitution, par quatre loges londoniennes, le 24 juin 1717, de la Grande Loge de Londres, est-elle, comme elle le prétend, l’héritière des antiques confréries de « bâtisseurs de cathédrales » ?
La franc-maçonnerie a sans doute, historiquement, de lointaines origines chrétiennes. Toutefois :
– la maçonnerie traditionnelle des constructeurs et tailleurs de pierre qui périclitait depuis plusieurs siècles, mais survivait encore en Angleterre, fut amenée au cours du XVIIè siècle à s’ouvrir à des hommes tout à fait étrangers au métier. Or, ceux-ci ne tardèrent pas à devenir majoritaires au sein des loges. Aussi la franc-maçonnerie dite « spéculative » (principalement constituée d’intellectuels) s’est-elle finalement substituée à l’ancienne maçonnerie dite « opérative » (celle des gens de métier).
– Jusqu’en 1717, la maçonnerie britannique demeura néanmoins fidèle à la religion chrétienne, voire même à l’Eglise catholique romaine. En témoignent les statuts des loges et les obligations qu’ils contenaient (« old charges ») : ceux qui sont parvenus jusqu’à nous invoquent Dieu, la Sainte Trinité, la Sainte Eglise ou la Vierge Marie.
En 1720 ou en 1722, la majeure partie des archives des loges opératives d’antan fut volontairement détruite, à Londres, au cours d’un vaste autodafé, comme si l’on avait voulu qu’aucun maçon ne puisse plus, désormais, s’y reporter.
En outre, la nouvelle charte de la franc-maçonnerie moderne que sont les « Constitutions d’Anderson » de 1723 (qui furent rédigées par deux pasteurs protestants, James Anderson et Jean-Théophile Désaguliers) ne comporte plus la moindre référence à Dieu ni à la religion chrétienne. L’article 1er « concernant Dieu et la religion » se contente en effet d’affirmer qu’ »un maçon est obligé, par son titre, d’obéir à la loi morale, et s’il comprend bien l’Art, il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux. Bien que dans les temps anciens les maçons aient été tenus dans chaque pays de pratiquer la religion, quelle qu’elle fût, de ce pays, il est maintenant considéré plus à propos de seulement les astreindre à cette religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord, laissant à chacun ses propres opinions, c’est-à-dire d’être hommes de bien et loyaux, ou hommes d’honneur et de probité, quelles que soient les dénominations ou confessions qui aident à les distinguer ; de la sorte, la maçonnerie devient le centre d’union et le moyen de nouer une amitié sincère entre des hommes qui n’auraient pu que rester perpétuellement étrangers« .
Par rapport aux Anciens Devoirs de la franc-maçonnerie opérative, la rupture saute aux yeux : autrefois chrétienne, la franc-maçonnerie n’est plus, en 1723, que vaguement déiste. Il n’existe plus, désormais, pour Anderson et pour ses frères, écrit un ancien grand maître du Grand Orient de France, « qu’une seule obligation religieuse affirmée, c’est l’astreinte « à cette religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord… être hommes de bien et loyaux, hommes d’honneur et de probité ». Anderson n’évoque ni Dieu, ni péché originel, ni rédemption, ni enfer, ni paradis, mais une large morale humaine (…).
Ainsi, dès 1723, les Francs-Maçons (…) posent les principes d’une nouvelles morale.
De telles idées devaient mener loin et, valables sous toutes les latitudes, elles constituaient vraiment une « religion universelle », au sens étymologique du mot puisqu’elles reliaient les hommes entre eux » [[Jacques Mitterrand, « La politique des francs-maçons », Roblot (1984), pp. 42-43.]].
Héritière de la Grande Loge de Londres de 1717, la Grande Loge Unie d’Angleterre est incontestablement « the mother lodge in the world » : la Grande Loge Mère d’où l’ensemble de la franc-maçonnerie moderne est issu.
La franc-maçonnerie a cependant perdu son unité d’origine depuis qu’au XIXè siècle, plusieurs obédiences se sont affranchies de la tutelle de la Grande Loge d’Angleterre.
« Il est à noter que, par la grâce de Dieu, toutes les branches de l’arbre maçonnique se détestent fraternellement les unes les autres. Leurs divisions font notre salut. Il en est de la franc-maçonnerie comme du protestantisme : il y a unité de nom et de haine, mais division à l’infini entre toutes les sectes de la Secte. La division est le caractère des oeuvres de Satan parce que l’unité ne subsiste que dans la vérité et dans la charité« , écrivait en 1884 Mgr de Ségur dans son étude sur « Les francs-maçons ».
Les trois principaux courants qui, de nos jours, divisent la franc-maçonnerie sont très schématiquement les suivants :
1 – La franc-maçonnerie dite « régulière », c’est-à-dire celle que reconnaît comme telle la Grande Loge Unie d’Angleterre qui, après avoir plusieurs fois remanié le texte des Constitutions d’Anderson en 1738, en 1784, en 1813 puis en 1929, impose par ses « landmarks » (principes fondamentaux) la croyance en Dieu, Grand Architecte de l’Univers. En France, la seule obédience « régulière » aux yeux de la Grande Loge Unie d’Angleterre est la Grande Loge Nationale Française (GLNF).
2 – La franc-maçonnerie « athée », ou plus précisément agnostique dont l’archétype est le Grand Orient de France. Cette obédience n’est plus reconnue comme « régulière » par la Grande Loge d’Angleterre depuis l’abandon, au nom de la liberté de conscience, de toute référence au Grand Architecte de l’Univers dans ses statuts en 1877. En fait, le Grand Orient de France (et la famille de pensée qu’il représente) est plus fidèle au texte initial des Constitutions d’Anderson de 1723, que la Grande Loge d’Angleterre qui en a modifié l’esprit. Il ne fait que « tirer les ultimes conséquences des principes maçonniques alors qu’elles restent plus ou moins latentes dans la maçonnerie anglo-saxonne et spécialement dans la branche anglaise » [[L. de Poncins, in « La Franc-maçonnerie d’après ses documents secrets », Diffusion de la Pensée Française (DPF), 1972.]].
3 – Enfin, la franc-maçonnerie de rite écossais dont certaines obédiences, comme la Grande Loge de France, bien qu’elles travaillent à la gloire du « Grand Architecte de l’Univers », ne sont pas reconnues par la Grande Loge Unie d’Angleterre parce que pour elles, le Grand Architecte de l’Univers n’est qu’un symbole :
« La franc-maçonnerie se garde bien de définir le Grand Architecte de l’Univers et laisse à chacun de ses adeptes pleine latitude pour s’en faire une idée conforme à sa foi et à sa philosophie » [[Oswald Wirth, in « L’idéal initiatique », cité par A. de Lassus in « Connaissance élémentaire de la franc-maçonnerie », AFS .]].
En tout état de cause, « aucune interprétation particulière ne saurait être imposée à tout franc-maçon, aussi bien en ce qui concerne le Grand Architecte de l’Univers et le Volume de la loi Sacrée, ni aucune lecture privilégiée » [[« Jardin caché », livret du Conseil Fédéral de la Grande Loge de France (mars 1994).]].