ABBE DUBOST – Serait-ce pour cela que vous m’avez fait venir ? Pour m’annoncer que vous souhaitez me voir quitter Saint-Symphorien ?
MGR GALLORME – J’étais heureux de vous revoir, mais je ne veux pas biaiser avec vous : oui, c’était également pour cela.
ABBE DUBOST – Je croyais que l’Église manquait de prêtres.
MGR GALLORME – Cela, c’est le discours que véhiculent les médias. L’Église a des besoins nouveaux, qui échappent à la logique des statistiques.
ABBE DUBOST – Auriez-vous déjà choisi mon successeur ?
MGR GALLORME – Non, parce qu’en vérité, je n’ai pas l’intention d’en nommer.
ABBE DUBOST – Je ne comprends pas.
MGR GALLORME – Ce n’est pas parce qu’il y a un presbytère à Saint-Symphorien que je vais nommer un curé. Ce que je souhaite, c’est que les chrétiens apprennent à se prendre en charge. Pardonnez-moi, mon Père, mais je crois que vous avez un peu trop couvé vos paroissiens. Depuis que l’on m’a confié ce diocèse, onze prêtres sont morts ou sont partis à la retraite. Je ne les ai pas remplacés.
ABBE DUBOST – Je pensais que c’était faute de vocations.
MGR GALLORME – Savez-vous ce qui s’est passé dans ces onze paroisses ? Eh bien, je ne crains pas de le dire, une nouvelle Pentecôte. Partout, les chrétiens ont accepté de devenir eux-mêmes les artisans de leur avenir. Ils ont pris en charge la vie de l’Église. Ils sont devenus responsables. Quel signe éclatant de vitalité spirituelle ! C’est ainsi que se refait la catholicité. Non pas dans l’arrogance et le triomphalisme, comme au temps de nos pères, mais au travers des responsabilités que prennent en mains les baptisés. Ce renversement de perspectives est plein de promesses. Il donnera à l’Église une moisson nouvelle.
Les deux protagonistes de cet échange ne sont pas Mgr Nourrichard, évêque d’Evreux, et M. l’abbé Michel, curé de Thiberville, tout récemment révoqué de sa charge. Ce sont les personnages principaux d’une pièce écrite par Michel De Jaeghere, Ite Missa Est, bouleversant huis clos mettant aux prises l’abbé Dubost, modeste curé de campagne attaché à sa soutane et à la messe de son ordination et son évêque Mgr Gallorme, qui lui annonce qu’il souhaite le voir quitter sa paroisse. Les dialogues sont plus vrais que nature et ont un accent d’authenticité époustouflant pour qui a suivi l’affaire de Thiberville. Michel De Jaeghere avait même imaginé une visite à la nonciature.
Lorsque la réalité rejoint la fiction.
Ite missa est, Michel De Jaeghere, 149 pages, 16 € franco de port
Arthur Leroy