Archevêque de Lille et ancien vice-président de la conférence des évêques, l’ambitieux Mgr Laurent Ulrich fait partie des promus du 1er janvier à la Légion d’Honneur. A cette occasion sans doute peu importante, mais qui permet de le mettre en avant, de faire parler de lui, de le sortir de son placard lillois…, il est interrogé par le quotidien La Croix et en profite pour parler de la dimension politique de la vocation épiscopale… même si ses propos restent très terre à terre : on a l’impression que n’importe quel membre d’association quelconque aurait pu dire la même chose.
Quelle signification la Légion d’honneur revêt-elle pour un responsable religieux ?
C’est d’abord quelque chose de touchant, un signe de reconnaissance à l’égard de ce que l’on fait et des engagements que l’on prend. Cette distinction – à laquelle je n’étais nullement candidat, pas plus que je ne sais qui m’a recommandé au ministère de l’intérieur – signifie aussi que ce que l’on fait en tant qu’évêque ou ecclésiastique n’est pas réservé à une partie de la population, à une communauté à part, mais participe du bien commun.
De ce point de vue, on touche au cœur de la tradition laïque et républicaine : chacun est membre de l’unique communauté nationale, quelles que soient son activité et sa conviction.
En quoi l’action d’un évêque participe-t-elle au bien commun ?
Nos engagements, nos prises de parole et leur répercussion dans l’espace public peuvent tout d’abord être perçus comme faisant du bien au sein de la population. L’engagement de l’Église au service des plus fragiles, des communautés et de l’intégration des composantes les plus diverses de la société sont aussi facteur de bien-être et de cohésion dans le pays.
Enfin, la manière de conduire l’Église participe également au bien commun. Si j’étais un agitateur inconséquent, je ne pense pas que j’aurais reçu cette distinction.
La reconnaissance officielle est-elle vraiment compatible avec la radicalité de l’Évangile ?
Jusqu’à présent, cela n’a pas empêché l’Église de s’exprimer, comme elle l’a encore fait récemment avec le document Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique. Les élus, les candidats ou les responsables à qui je l’ai envoyé ont reconnu la valeur de cette prise de parole : sans être partisane, elle souligne les enjeux qui se posent à la veille de cette année cruciale au plan électoral.
Ce signe de reconnaissance signifie finalement que l’Église a droit à la parole et c’est très positif dans le contexte que nous connaissons aujourd’hui.
Est-ce une manière, après une période au cours de laquelle nombre de catholiques ont pu se sentir négligés dans le débat public, de pacifier la situation ?
D’un côté, on entend beaucoup de critiques sur le mode : « Mais de quoi l’Église se mêle-t-elle ? » D’un autre côté, l’État a toujours donné des signes rappelant que l’Église a le droit à la parole. Au fond, c’est une manière pour ce dernier de nous dire : « Quel que soit votre positionnement, vous avez le droit de parler. » Cela a évidemment une vertu pacificatrice dans une société où on peut ne pas partager la même opinion mais, néanmoins, l’exprimer. C’est même un signe de bonne santé !
maximilienbernard@perepiscopus.org