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— Abbé G. de Tanoüarn (@abbedetanouarn) 18 novembre 2016
Excellences,
J’ai pris connaissance avec attention de la lettre « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique » que vous livrez à l’attention des Français.
Votre voix est légitime et elle contribue à un débat éclairé : dans toute démocratie, le questionnement et la confrontation des idées sont nécessaires. Comme vous le rappelez par ailleurs en préambule, vous aimez la France. C’est pourquoi j’ai souhaité, comme vous le proposiez, répondre à cette lettre pastorale.
Je partage une grande partie des constats qui sont les vôtres. Issus de votre grande proximité avec les Français, ils rejoignent les retours des plus de 450 déplacements que j’ai réalisés depuis trois ans : la nervosité montante du peuple français, la judiciarisation des relations et l’étouffant excès de normes, le sentiment de déclassement et la multiplication de situations d’injustice, la perte de sens de la construction européenne, le climat de tristesse qui s’est abattu sur la France. Comme moi, vous voyez les solutions à ces maux, en germes, dans le dynamisme de la société française, de sa jeunesse, dans l’histoire et dans la culture de notre pays. Le problème est en France, la solution aussi.
Au delà de la convergence de nos constats respectifs, je voudrais prolonger la réflexion sur trois sujets particuliers, lesquels constituent pour moi de véritables points de repère.
En premier lieu, je pense à la « confiscation » et au « discrédit » de la parole publique que vous évoquez. Comment pourrait-il en être autrement après trente ans d’échec, de renoncements, de reculades et de reniements ? Comment pourrait-il en être autrement, quand le politique se transforme en activité de gestionnaire, faussement animée par « les postures et les gesticulations de quelques-uns » ? Notre pays a un urgent besoin de renouveau politique. C’est pourquoi je propose un véritable renouvellement des pratiques, par le non-cumul des mandats, par la limitation de leur nombre dans le temps, par l’obligation de démissionner pour les hauts-fonctionnaires qui seraient élus et par une nouvelle exigence de transparence. C’est mon engagement depuis le début et, dès le début, j’ai mis mes actes en cohérence avec mes paroles, en démissionnant moi-même du Quai d’Orsay et en ne cumulant aucun mandat.
En second lieu, je reviens sur l’attention que nous portons aux plus fragiles dans notre société. Vous vous en faites légitimement la voix : je partage avec vous l’intime conviction qu’en chaque être il y a un bien commun à défendre, que chaque homme est utile, que chaque homme est nécessaire. Je considère que la place des personnes les plus faibles est l’indicateur ultime du degré de civilisation d’une société humaine. La lutte contre l’exclusion et la pauvreté est depuis de nombreuses années un de mes combats : je propose notamment, grâce aux « emplois rebonds », de garantir à chacun la dignité de vivre de son travail. Je souhaite également faire du handicap la grande cause nationale de mon quinquennat et venir en aide aux personnes plongées dans la dépendance ou atteintes de maladie grave, qui sont les grands oubliés des politiques sociales menées en France depuis des années.
Ces efforts nécessitent de repenser notre contrat social : dans notre pays, le « tout-social » a fini par tuer la solidarité. Pour remédier à cela, il est indispensable de lutter sans hésiter contre les abus et de faire en sorte que chaque euro dépensé aille vers ceux qui en ont besoin.
La question des migrants, en particulier, exige des choix courageux. Nul ne peut rester insensible face à la détresse des dizaines de milliers de réfugiés qui fuient la mort et la servitude. Protectrice historique des Chrétiens d’Orient, pays d’accueil s’honorant d’une longue tradition d’asile, la France doit leur venir en aide. Or, les abus observés depuis plusieurs années mettent à mal le consensus national sur ce point. Il reviendra au prochain Président de la République d’agir en responsabilité : accueillir ceux qui en ont besoin suppose de maîtriser l’immigration illégale, de traiter plus efficacement les demandes d’asile et de faire respecter les règles. Cela est indispensable pour garantir l’accueil des plus faibles et pour que, partout sur notre territoire, l’autorité de l’État soit respectée.
Pour terminer, je voudrais revenir sur le terme « identité » que vous reprenez à votre compte. Je lui préfère le mot « culture » : l’identité enferme, la culture ouvre. La culture évolue, elle s’enrichit. En cela, elle est la bonne notion pour appréhender les mutations profondes et rapides que vous évoquez, et qui lézardent chaque jour le concept d’identité que trop de variantes, heureuses ou malheureuses, ont galvaudé par ailleurs. La France doit assumer sa culture, être ce qu’elle est : une nation de justice, ouverte sur le monde, qui brille par son esprit, par ses réalisations et sa générosité. La culture française – sa langue, son histoire, son mode de vie – est ce qui nous unit, par-delà nos diversités d’origines, de consciences et de convictions.
La réflexion sur notre culture se prolonge dans la laïcité : les principes de 1905, garants de la coexistence des consciences, doivent être défendus et réaffirmés, au moment où certains se croient autorisés à violer la loi au nom d’une vision religieuse ou prétendue telle. La réflexion sur la culture se prolonge également dans la question éducative, qui est l’une de mes priorités fondamentales et dont je déplore qu’elle soit si peu présente dans le débat public. Je veux réformer notre système scolaire, pour y revaloriser toutes les formes d’intelligences, cesser d’en promouvoir une forme unique, et refaire de l’école le lieu d’apprentissage de notre langue, de notre histoire et de nos valeurs.
La réflexion sur notre culture amène nécessairement à la famille : noyau de base de notre société, lieu privilégié de la transmission et de l’enrichissement de notre culture, elle doit être protégée et soutenue. Je m’engage notamment à relever le quotient familial et à permettre aux parents et grands-parents de mieux aider leur famille en réduisant au maximum la fiscalité sur les donations. C’est davantage qu’une position politique : moi-même père de quatre fils, je sais toute l’importance du cadre familial pour transmettre amour et valeurs à ses enfants, et les aider à débuter avec les meilleures chances dans la vie.
« Quiconque porte dans le cœur une cathédrale à bâtir est déjà vainqueur », a écrit Antoine de Saint-Exupéry. La cathédrale que je souhaite bâtir n’est ni de verre, ni de pierre : c’est un pays juste et fier de lui-même, qui donne sa chance à chacun.
Je sais que vous partagez cette volonté et j’attends avec impatience de pouvoir travailler avec vous et avec l’ensemble de ceux qui veulent que nos concitoyens retrouvent, enfin l’espérance qu’ils méritent dans leurs responsables politiques.
Daignez, Excellences, agréer l’expression de ma très respectueuse considération.
Bruno LE MAIRE