Nommé évêque auxiliaire de Lyon le 16 juin 2016, Mgr Emmanuel Gobilliard a reçu l’ordination épiscopale le 11 septembre.
Première Assemblée plénière… premières impressions ?
Je suis profondément touché par l’accueil de mes frères évêques envers les nouveaux : ils rivalisent de charité, de délicatesse. C’est très encourageant ! Ils viennent vers vous, vous appellent par votre prénom… C’est vraiment un corps de frères.
Certaines choses m’ont marqué, auxquelles je ne m’attendais pas du tout. C’est, par exemple, la session de travail sur le monde rural. J’ai été très touché : les évêques ont beaucoup parlé de leurs expériences personnelles, notamment des initiatives d’évangélisation. Par exemple, le diocèse du Mans compte un millier de groupes – de 5 personnes minimum – mobilisés autour de la Parole de Dieu. Donc cela fait déjà 5000 personnes concernées. On a évoqué des jumelages, entre paroisses de ville et paroisses de campagne. Ils empêchent le jugement entre les différents styles de vie, permettent aux prêtres de prêcher dans une autre paroisse et suscitent des « Visitations ». J’ai entendu parler de pèlerinages, de rencontres de jeunes… J’ai trouvé cela merveilleux de diversité, de profondeur et de richesse. On découvre vraiment combien l’évêque est un apôtre, avant d’être un administrateur. La Conférence des évêques de France n’est pas un appareil. C’est plutôt un corps où les initiatives circulent.
Comment avez-vous pris part aux travaux en hémicycle ?
Les discussions, en assemblée plénière, sont très libres et chacun peut s’exprimer, même les nouveaux. Ainsi je suis intervenu, sur le sujet des vocations, pour dire qu’il ne faut pas avoir peur de l’aspiration de l’adolescence et de la jeunesse au dépassement de soi. J’ai repris un proverbe africain cité par le père de Maistre dans « Paris Notre-Dame » : « Quand tu auras tué un lion, mon fils, tu seras un homme ». Dans nos sociétés, trop attirés par le bien-être et le confort, nous perdons parfois le goût du défi. Or la vie sacerdotale peut être comprise par les adolescents et les jeunes comme un vrai défi, donc il ne faut pas avoir peur des exigences qu’elle propose. Les exigences peuvent être attirantes. On est plus attiré par le sommet que par le gouffre. A mon avis, le nivellement par la base est désastreux dans le domaine éducatif et donc pour la pastorale des vocations. C’est justement l’inverse. Il ne faut pas avoir peur de vivre tous les dépassements auxquels Jésus nous invite, dans toutes les vocations. Il ne faut pas avoir peur de dire que c’est très exigeant, que les souffrances seront présentes mais que c’est exaltant. Notre Dieu, qui nous dépasse, nous invite à nous dépasser !
L’intervention de Philippe Portier sur « Société et religion dans la France contemporaine » était un cours magistral. J’ai pris des notes ! Comme évêque, nous avons besoin de nous former, de recevoir un enseignement commun. Cela rejoint des réflexions que chacun porte. Son exposé était bien structuré, bien documenté. Je trouve cela intéressant d’avoir ce regard sur la société, assez paisible, très intelligent et qui ouvre des perspectives. La journée de prière et de jeûne pour les victimes des actes de pédophilie commis par des prêtres était aussi un moment profond et vrai. Les évêques ont « déchiré leur cœur » devant les Seigneur. Ils ont pleuré avec ceux qui pleurent. Ils ont demandé pardon. Comme des pauvres, ils ont manifesté qu’ils ne pouvaient pas, eux-mêmes, guérir des blessures inguérissables. Ils ont donc supplié Dieu de le faire, de déployer sa miséricorde.
Comment se passe la découverte du diocèse de Lyon ?
Vicaire général, je suis aussi responsable d’un très grand service qui regroupe catéchèse et catéchuménat avec la pastorale sacramentelle et liturgique. Cela m’a surpris au début mais c’est une très bonne idée car cela donne un dynamisme nouveau. La catéchèse n’est pas une réflexion de spécialistes ; elle est une vie. Elle vit à travers les sacrements. Cela permet un partage tout à fait étonnant. On découvre que le cœur de tout cela, c’est la foi, qui se réfléchit et qui se vit. La mission de l’Eglise, c’est l’évangélisation. Ce mot n’est plus tabou, réservé aux communautés nouvelles. L’évangélisation a toujours été le cœur de la mission de l’Eglise. Je suis aussi responsable de la formation des séminaristes et de la coordination des jeunes prêtres.
Recteur de la cathédrale du Puy, je vivais une unité de la mission – même si, dans un sanctuaire, les personnes rencontrées sont toujours très différentes. Tout mon emploi du temps était structuré autour du sanctuaire. Ce qui est nouveau pour moi, en tant qu’évêque, c’est de passer chaque jour d’un lieu à un autre : intervention auprès d’une association catholique, rencontre de confirmands, rendez-vous avec un confrère prêtre… Il vaut mieux vivre dans l’instant présent, sinon on pourrait vite être angoissé par la somme des choses à faire.
Comment allez-vous travailler avec l’archevêque et l’autre évêque auxiliaire ?
Chaque jour, après le temps d’oraison commun, nous prions les laudes et prenons ensemble le petit-déjeuner. Ce temps de prière puis de partage est un véritable cadeau. Nous ne pouvons pas parler du Christ si nous ne lui parlons pas et si nous ne nous parlons pas. Il y a aussi des rendez-vous plus institutionnels : conseil épiscopal, rencontre avec les vicaires généraux, tête- à –tête avec le cardinal. Ma mission, comme toute mission dans l’Eglise, est un service. Ici, comme évêque, je suis au service de l’archevêque, souvent pour le représenter, parce qu’il ne peut pas être présent partout. Il doit parfois, comme cardinal, au service de l’Eglise universelle, quitter le diocèse. L’évêque auxiliaire, comme son nom l’indique, est une aide pour que le ministère épiscopal soit toujours plus présent aux différentes réalités du diocèse. Dans la mission, nous nous croisons peu puisque je suis là où lui ne peut pas être. Mgr Patrick Le Gal, qui a une grande expérience du ministère épiscopal, est pour moi comme un grand frère.
Qu’avez-vous choisi pour devise épiscopale ?
« Sa Miséricorde s’étend d’âge en âge ». Avant de prendre le train à Lyon pour aller à la nonciature, à Paris, je suis entré dans une église. J’ai prié devant une statue de Notre-Dame de Rocamadour et récité le Magnificat. Je me suis dit : « Quoiqu’il arrive, la Miséricorde de Dieu s’étend d’âge en âge, non seulement dans tous les lieux et tous les temps, mais aussi dans toutes les dimensions de mon être. Donc je n’ai pas à avoir peur de ce qui va m’arriver ». Après coup, je me suis souvenu que cette expérience spirituelle pouvait être une belle devise. Le Seigneur nous remplit de sa Miséricorde et nous invite à en être les instruments. C’est Lui qui agit : nous n’avons rien à craindre.