De Mgr Yves Boivineau, évêque d’Annecy :
“La foi chrétienne est enracinée dans une histoire, elle est fondée sur des événements, et tout particulièrement sur la vie, la mort et la résurrection de Jésus. Toutefois, elle ne nous fixe pas dans le passé : elle est mémoire d’une Promesse, mémoire de l’Avenir. « Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes », nous dit saint Paul. (1 Co 15, 19)
Au cœur de la fête de la Toussaint nous célébrons la victoire du Christ dans la vie de tous ces hommes, ces femmes, ces jeunes, ces enfants, qui sont « ressuscités avec le Christ » (Col 3, 1). Pour eux la promesse de Jésus est déjà réalité.
Les fleurs que nous déposons sur les tombes de nos êtres chers expriment l’affection que nous leur portons au cœur même de la séparation. Ils font toujours partie de notre vie. De lui-même, ce geste traduit une espérance. L’amour espère. L’amour est plus fort que la mort. Il faut du temps quelquefois pour que cette visite près de la tombe soit vraiment pacifiée, tant la blessure peut être profonde.
Nous pensons particulièrement à celles et ceux qui ont perdu récemment une personne très aimée : un père, une mère, un enfant. Ils ont besoin de notre attention et de notre soutien pour traverser l’épreuve. Ne les oublions pas en ces jours qui peuvent raviver des plaies pas encore ou mal cicatrisées. Le temps du deuil est en effet une épreuve, une épreuve nécessaire pour mettre de la distance avec les angoisses et les questions qui ne manquent pas de surgir : sur les causes de la mort, ce que l’on aurait dû faire… Cette étape du deuil aura, selon les situations et les moments, des accents de révolte, de guérison, de réconciliation… mais elle est un passage.
Le pape François, dans l’Exhortation apostolique « L’amour dans la famille », aborde ce sujet (n. 253-258). À un certain moment, il faut, dit-il, « découvrir que nous qui avons perdu un être cher, nous avons encore une mission à accomplir, et que cela ne nous fait pas du bien de vouloir prolonger la souffrance, comme si elle constituait un hommage. La personne aimée n’a pas besoin de notre souffrance. » : « Nos proches n’ont pas disparu dans l’obscurité du néant : l’espérance assure qu’ils sont entre les mains bonnes et fortes de Dieu ». « Il ne s’agit pas d’imaginer l’être aimé tel qu’il était, sans pouvoir l’accepter transformé, tel qu’il est à présent ». Dans la liturgie des défunts, nous nous adressons ainsi à Dieu : « Pour ceux qui croient en toi, Seigneur, la vie n’est pas détruite, elle est transformée ».
Il est bon de faire mémoire, mais un trop de mémoire peut nous empêcher de retrouver la paix intérieure. La prière pour nos défunts – avec nos défunts – peut guérir notre mémoire blessée : au lieu de nous enfermer dans le passé, elle nous tourne vers l’avenir, vers cette vie qui, pour nous aussi, est déjà commencée. Nous prions pour eux, nous espérons pour eux ; auprès de Dieu, ceux que nous aimons ne nous oublient pas et ils intercèdent pour nous. En Dieu, nous sommes en communion : n’est-ce pas cela « la communion des saints » ? « Ne perdons pas notre énergie, dit le pape François, à rester des années et des années dans le passé. Mieux nous vivons (notre mission) sur cette terre, plus grand sera le bonheur que nous pourrons partager avec nos proches dans le ciel ».
Que la fête de tous les saints nous établisse dans l’espérance et dans la paix !”