Et l’éditorialiste du Monde l’a bien compris :
Des évêques qui défendent le » contrat social « en se référant à Jean-Jacques Rousseau et qui brandissent les valeurs républicaines de » liberté, égalité, fraternité « , plus d’un siècle après le » Ralliement » de l’Eglise catholique à la République, c’est un message aussi fort qu’inédit à l’aube d’une élection présidentielle. L’adresse du conseil permanent de la Conférence des évêques de France (CEF) » aux habitants de notre pays « , rendue publique, ce jeudi 13 octobre, est à la fois un cri d’alarme et un appel. L’inquiétude porte sur l’état d’une société fracturée par l’exclusion et la précarité et malade de ses peurs et de ses divisions. L’invitation aux responsables de droite comme de gauche est de » retrouver le sens du politique « . » “La politique” a pris le dessus sur le politique « , se désole Georges Pontier, dans un entretien au Monde. » On fait des lois et des lois, constate l’archevêque de Marseille, président de la CEF, mais on ne crée pas une capacité de vivre ensemble. «
Deux mois et demi après l’assassinat du Père Hamel dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray, les évêques de France livrent un message d’ouverture et de fraternité. Se situant » au ras du terrain « , Mgr Pontier juge » indigne d’instrumentaliser « les attentats pour » durcir les relations entre les Français musulmans et le reste de la population « . Il s’adresse implicitement aux catholiques, quand il souligne le risque de rejet de la communauté musulmane tout entière. Alors que les candidats à la primaire de la droite devaient tenir, jeudi, leur premier débat, le président de la CEF voit dans la résurgence de la question du port du voile » un mauvais choix politique « . » Interdire les signes religieux, avertit-il, c’est encourager les courants fondamentalistes, les courants les plus durs. «
Le texte des évêques n’est pas une homélie à l’eau tiède. Quitte à prendre le risque de choquer une partie des catholiques qui lui reprocheront de brader un peu vite » l’identité chrétienne » de la France, il ne fuit aucun sujet de polémique. Reconnaissant que la société est devenue » pluriculturelle « , il affirme ainsi qu’ » il ne faudrait pas que les recherches et affirmations d’identité débouchent sur des enfermements identitaires. Plus que d’armure, c’est de charpente que nos contemporains ont besoin « . Dans nos colonnes, l’archevêque de Marseille s’interroge sur les causes de l’attraction que peut exercer le Front national sur les catholiques et souligne que le projet de l’extrême droite » nous referme, sur notre pays, sur les “authentiques” Français, (…) nous referme par rapport à l’Europe, aux libertés individuelles « .
Le président de la CEF met ses pas dans ceux du pape François sur la question des migrants. » J’ai un peu honte pour notre pays, assène-t-il, quand je vois que la petite Jordanie accueille 1,5 million de réfugiés, le Liban autant, quand la Grèce et l’Italie font tout ce qu’elles peuvent depuis des années. J’ai un peu honte, et pour des chrétiens encore plus, s’ils n’arrivent pas à saisir ce devoir d’humanité que nous avons aujourd’hui. « Plutôt que de voir dans les réfugiés des » terroristes potentiels « , il faut les aider à » aimer ce pays » qui les accueille. L’adresse des évêques est une admonestation lucide et courageuse aux politiques invités à imaginer un » nouveau contrat social « qui prenne en compte la diversité de la société. Il sonne juste.