Les déclarations épiscopales françaises tombent en rafales. Après la relance du scandale « Di Falco », les interminables soubresauts de l’« affaire Barbarin », la coupe est pleine. Les grandes douleurs ne peuvent plus être muettes. Depuis des années, on se dit que cela ira mieux demain. Mais rien ne vient. Quand va-t-on prendre à bras le corps le problème de la gouvernance dans l’Église de France ?
Depuis Vatican II, l’Église catholique est devenue, pour le meilleur et plus souvent pour le pire, « épiscopalienne ». Tous les garde-fous traditionnels du pouvoir absolu que les siècles avaient disposé ont été effacés. Le drame, c’est que si l’on dit élévation du niveau de la fonction, il aurait fallu élever corrélativement le niveau de la sélection et de la formation. Or, on le voit bien, depuis, rien n’a changé. La même opacité, la même endogamie politico-administrative (en français : copinage) qu’avant. Moralité, au moins en France, le règne d’une « inaptocratie » générale.
On juge l’arbre à ses fruits. Même corrigé de la variation saisonnière du bouleversement anthropologique de la modernité, l’échec est confondant. Il est d’autant moins acceptable qu’il est consenti. Dans chaque diocèse, se succèdent depuis des décennies, des figures falotes, remplies d’autosatisfaction et de bonne conscience. Engoncés dans des structures administratives d’un autre âge, ils oscillent au gré des tocades et des lubies qui traversent leur corporation : synodes inutiles, maisons diocésaines ruineuses, vente à l’encan des biens ecclésiaux, inauguration des chrysanthèmes, politiques de communication vide de sens. La litanie des échecs serait interminable. Un seul dénominateur commun : leur éloignement du clergé dont ils sont supposés être les « frères et les pères » (pape François). Seule convergence : éteindre les initiatives, étouffer les voix qui portent, ralentir l’inexorable progression des « catholiques traditionnels ». Quelques évêques sortis du lot, par un hasard qui confine à la Providence, sont entourés d’un cordon sanitaire qui, de facto, limite leur influence et les prive du minimum de soutien que leurs initiatives mériteraient de la part de leurs collègues moins inventifs ou audacieux. Une conférence épiscopale, aux pouvoirs canoniquement discutables, verrouille, magouille et tripatouille pour maintenir l’étouffoir.
Dans les diocèses, depuis des années, les prêtres les plus courageux, les plus entreprenants, les communautés les plus libres et apostoliques ont été écartées, réduites au silence. Les plus « virils », les plus « identitaires » ont été entourés du mépris de leurs supérieurs, bâillonnés, placardisés. Que cela ait été eux source d’approfondissement spirituel et de conversion, tant mieux. En face, règnent les entourages épiscopaux les plus médiocres, ceux dont la foi est la plus ambiguë. Dans les facultés de théologie (une exception méridionale mise à part), pérorent les plus hétérodoxes, les plus ambigus, les plus compromis avec le mensonge. Quoi qu’on dise, les séminaires continuent à se vider, car toute confiance a été perdue dans l’institution. Les candidats les plus valables, qui ne sont plus dupes, vont frapper ailleurs. On pourrait poursuivre la litanie indéfiniment.
Face aux grands débats contemporains, un rideau de fumée d’une ampleur inégalée. C’est l’Église du silence, mais pas celle des catacombes : celle du temps des chiens muets. Mondialisme, immigration, destruction de la famille et des identités, libéralisme-libertaire, pornocratie, financiarisation du monde, transhumanisme, décroissance, face à ces défis, c’est la même vacuité, les mêmes refrains dépassés, une commune atonie intellectuelle, invariable tétanie du lapin pris dans les phares. Les ultimes déclarations n’y changent rien, parce chaque propos qui pourrait sortir de l’ornière, est corrigé immédiatement par une dégoulinade de « consensus » (quel horrible mot dirait Coluche !) médiatique. Par contre, pas de difficulté pour repérer en creux un alignement sur l’« agenda » mainstream. Car ils ne perdent jamais de se prétendre prophétiques pour porter l’antienne contre le repli, de contre la peur de l’autre, contre le réchauffement climatique, contre l’enfermement dans les frontières et pour encenser béatement le « vivre-ensemble » « notre » République, l’Europe, bref, hurler avec les loups. Conformisme et alignement sont les deux mamelles de ce « Ralliement » en forme de reddition.
Il faut finir par le plus honteux. Une caste de petits (très petits) marquis, à la virilité vacillante, s’est infiltrée dans l’institution ecclésiale au point de devenir un lobby influent. Même le pape François l’a dit. On s’est empressé d’oublier son propos politiquement incorrect. Allons jusqu’au bout : un des problèmes majeurs de l’Église, du clergé, même en France, ce n’est pas la « pédophilie » dont, entre parenthèses, ne pourront pas nous sortir les usines à gaz technocratico-administratives mises en place récemment. C’est l’arbre, mieux l’arbuste, qui cache la forêt. La question est ailleurs. Mais qui osera le dire ? Qui osera affronter la meute des chiens de garde. Qui osera faire le ménage ? Personne, parce que c’est indicible. Les rares qui y songent s’épouvantent rien que d’y penser.
Que les évêques de France ne se fassent pas d’illusion. Nous savons qui ils sont. Nous voyons ce qu’ils font et ne surtout ce qu’ils ne font pas, à quelques heureuses exceptions près. Nous savons aussi que ce n’est pas une fatalité, d’autres épiscopats se portent mieux, malgré les difficultés. Nous ne sommes plus dupes, et nous ne serons pas indéfiniment complices de leur lâcheté, de leur incompétence et de leur manque de courage, voire même de leur corruption. Il faudra bien mettre le fer dans la plaie, faute de quoi, d’autres le feront, sans nos scrupules et notre amour de l’Église.
Gaston Champenier
(à suivre)
Oui…il faut demander à l’Esprit Saint se les remettre dans le bon chemin et grand merci à tous nos bons Pères qui ne se sont pas égarés.
tout est dit
Sévère, mais juste.
Bravo et merci. Contrairement à l’hypocrite adage “toute vérité n’est pas bonne à dire”, cet article est des plus éclairants, en ces temps où les églises se vident. Espérons (vœu pieux!) qu’il sera lu par l’ensemble de nos pasteurs, quelque soit leur échelon hiérarchique. Certains y verront un vif encouragement. Quant aux autres, hélas les plus nombreux, qu’ils aient le courage (devrais-je en douter!) de se regarder dans la glace et de faire leur auto critique en toute humilité. Assez de pharisianisme, d’auto-suffisance, de politiquement correct, de soumission aux groupes de pression, d’opportunisme, de discours lénifiants et inutiles tout juste bons à pactiser avec le Diable, décourager les brebis et les perdre.
Tout en montrant du doigt (ex. la CEF!), monsieur G. Champenier a la “bonté” de ne nommer personne, mais pour qui suit, s’informe (merci à Riposte Catholique entre autres!), et médite objectivement l’actualité, il est facile de s’y retrouver.
Personnellement, ma foi est, par Jésus, ancrée fermement et exclusivement à la Source Vive de l’Evangile, je suis avec joie et gratitude les bons pasteurs que j’ai identifiés, et n’ai, ne leur en déplaise, que mépris et pitié pour les autres.
Donc au plaisir de vous lire de nouveau Mr Champenier.
Excellent !
“… il aurait fallu élever corrélativement le niveau de la sélection et de la formation.”
Le pape lui même est concerné.
Pamphlet d’un rabat-joie qui étouffe le feu de la charité, de l’espérance et de la foi.
Comme vous avez raison : un site de “rabat-joie”. Après tout “on a les responsables que l’on mérite”. Et si tant d’évêques ne vous plaisent pas, vous n’avez qu’à vous en prendre à vous-mêmes.
Bien vu et bien écrit !
Tout cela est parfaitement vrai et bien dit.
Mais j’ajouterais un point qui, est à mes yeux plus grave encore que tout, c’est qu’on les voit tous courir derrière le pape y compris lorsque ce dernier se trompe de manière gravissime, ainsi que c’est le cas avec Amoris laetitia qui est à la fois une insulte à la raison (les propos sont incohérents à peu près tout le temps) et une insulte à la parole du Seigneur, particulièrement sur les commandements, dont la portée est relativisée et qui sont transformés en simple idéal, ce qui est contraire à la radicalité de l’Evangile. On est en pleine hérésie et au niveau du pape lui-même, ce qui crée une situation gravissime, sans doute le situation le plus grave de toute l’histoire de l’Eglise.
Or, semble-t-il, il n’y a pas un seul évêque dans l’Eglise qui est en France pour le voir, et encore moins pour le dénoncer!
Notre Eglise est entrée dans la nuit, infiltrée qu’elle est aujourd’hui par le relativisme profond de plus en plus dominant dans le monde, un relativisme qui a atteint sa forme la plus achevée sous la forme de nier la pertinence des lois de la raison elle-même. Forts de ce mépris de la raison, nos hiérarques ecclésiaux, et jusqu’au sommet de la hiérarchie, ne savent plus parler autrement qu’en enfilant les sophismes.
Tout est consternant d’un bout à l’autre. Certes, l’Eglise finira bien par s’en remettre, mais quand? Et d’ici là, quel temps perdu! Et que de malheur accumulé!