Un lecteur assidu et bien informé de Riposte catholique a bien voulu nous donner son analyse à l’occasion de la lettre (privée) du pape François approuvant la position des évêques argentins.
Voici le commentaire:
Je pense qu’on doit distinguer plus nettement for interne et for externe. Le pape François se situe au plan interne, alors que Jean-Paul II se situait au plan externe. La difficulté est que l’on n’articule pas les deux, d’un côté comme de l’autre. La vérité de l’agir et la vérité des sacrements.
Au for interne, il se peut que dans certains cas, les personnes ne soient pas en état de péché mortel. Le cas type est celui de l’ignorance. Cela n’empêche pas pour les pasteurs un devoir d’éclairer, et donc d’accompagner.
Il se peut que dans certains cas les personnes aient la certitude d’un premier mariage nul, sans parvenir à le prouver. Dans ce cas, ils ne seraient pas mariés du tout, ce qui reste une fornication, sauf à admettre la possibilité d’un mariage naturel entre baptisés, ce que le concile de Trente semble avoir exclu.
Quand bien même, au for externe, cela ne donne pas accès à la communion. La communion, comme le mariage, sont en effet des actes publics, qui ne dépendent donc pas seulement du for interne. Or d’après Familiaris consortio, il y a contradiction objective entre le fait d’être divorcé et remarié et la signification du sacrement de l’Eucharistie, qui donne de participer également aux noces du Christ et de l’Église, son épouse indéfectible. Contradiction qui s’apprécie donc objectivement et au for externe. L’impossibilité de communier ne tient pas à un état de péché. Le fait d’être en état de grâce est une condition nécessaire mais non suffisante pour communier.
Donc quand bien même établirait-on que ces époux ne sont pas en état de péché mortel, dans certains cas particuliers aux conditions très strictes (limitation de la connaissance ou de la volonté), ce qui reste encore à démontrer ou à discerner, il n’en reste pas moins que cela ne leur donne pas accès à la communion. Autrement ils feraient un acte mensonger, ce qui serait pour le coup un péché, une profanation du saint sacrement.
La ligne de défense que l’on voit émerger depuis la lettre du pape, est en fait la reprise avec de nouveaux mots du vieil argument tiré de la distinction à opérer entre doctrine et pastorale, dont seule changerait la seconde et pas la première. Les nouveaux mots pour dire à peu près la même chose sont que la loi canonique régissant le for externe est inchangée, mais à distinguer du discernement dégagé au for interne dans le dialogue avec le prêtre, pour tenir compte au mieux des cas particuliers. Ainsi pourraient s’ouvrir des possibilités de délivrance de la communion en contradiction avec le contenu de la loi canonique sans pour autant mettre en cause l’enseignement constant de l’Église.
Mais cette argumentation est totalement dénuée de fondement.
Si l’Église avait jugé devoir retenir l’idée d’une telle dissociation entre la loi canonique et le discernement au cas par cas et au for interne, en dialogue avec un prêtre, elle l’aurait dit explicitement. Or, elle ne la pas fait. Et non seulement elle ne l’a pas fait, mais au contraire prévoyant cette tentation que l’on voit ici à l’œuvre de rechercher le moyen d’échapper à l’exigence des commandements en les vidant de leur portée pratique par la voie d’une dissociation entre la loi et un discernement selon le for interne et en tenant compte des particularités de chaque cas, l’Église a tenu à affirmer, justement pour prévenir cette déviation, la valeur universelle et objective des commandements, objet notamment de l’enseignement de saint Jean-Paul II dans Veritatis splendor.
Au demeurant, outre qu’on ne peut trouver aucun fondement dans l’enseignement de l’Église à cette argumentation, l’absurdité de celle-ci saute aux yeux. Car que serait donc que cette loi détachée de son application,comme en apesanteur ? Car de toute façon, c’est par l’intermédiaire des consciences que la loi peut inspirer les volontés et se traduire dans les actes, et ce n’est que dans le cadre des situations concrètes, par définition infiniment variables, que l’application de la loi peut s’inscrire. Et l’on ne voit pas comment cette dissociation absurde pourrait retrouver sens et légitimité par le truchement du dialogue intime avec le prêtre fût-ce dans le cadre du sacrement de pénitence.
A cet égard, d’ailleurs, portons attention aux termes précis employés par Jean-Paul II, dans le cadre du n° 84 de Familiarisconsortio déjà cité : « La réconciliation par le sacrement de pénitence – qui ouvrirait la voie au sacrement de l’eucharistie – ne peut être accordée qu’à ceux qui se sont repentis d’avoir violé le signe de l’Alliance et de la fidélité au Christ et sont sincèrement disposés à une forme de vie qui ne soit plus en contradiction avec l’indissolubilité du mariage. Cela implique concrètement que, lorsque l’homme et la femme ne peuvent pas, pour de graves motifs, – par exemple l’éducation des enfants, remplir l’obligation de la séparation, ils prennent l’engagement de vivre en complète continence, c’est-à-dire en s’abstenant des actes réservés aux époux ».
On le voit : en fait de dissociation à opérer entre la loi canonique et le discernement à exercer par le prêtre dans le sacrement de pénitence, c’est à propos même du ministère du prêtre dans le sacrement de pénitence que Jean-Paul II énonce la loi canonique !
Alors , non au mépris de l’Evangile et de la simple raison qui ferait toujours plus de victimes: les enfants et les conjoints trompés. En fait, comme le disait Benoît XVI, il y a coïncidence entre les préceptes de l’Evangile et le bien commun. Quel manque de foi et quel manque de jugement de l’oublier. Prions et résistons pour le triomphe de la vérité.
Merci pour cette exégèse absolument parfaite, aux conclusions très éclairantes. Les paroles privées du pape, même écrites, n’emportent, hélas, pas l’adhésion d’un catholique un tant soit peu formé !
Le Christ n’a même pas refusé son corps à Judas même s’il a voulu demeurer en état de péché à ce moment ultime de notre Église. Sans vouloir ouvrir la porte de la sainte communion au gré des uns et des autres, il ne faut pas chercher à affaiblir la valeur de ce sacrement tout comme celui du mariage.
Jésus a dit « je veux la miséricorde, non le sacrifice » Matthieu 9, 9-13
Ce n’est pas mal de regarder tout autour de nous, par contre nous aurions avantages, dans bien des circonstances, de regarder nos péchés allant jusqu’à dans la profondeur de nos propres talons avant de juger les autres…
Pour une personne divorcée qui veut revenir à l’Église, ça va prendre toute une catéchèse pour lui faire comprendre la mal qu’il a fait envers les personnes qui l’entourent, car elle a refusé de porter sa croix.
Dans l’Ancien Testament : tous les péchés des hommes seront pardonnés !