Voici l’Homélie du cardinal André Vingt-Trois, prononcée samedi 25 juin à Notre-Dame de Paris, pour les 11 ordinations sacerdotales :
Philippe, Sébastien, Michaël, Charles, Matthieu, Ollivier, Bruno, Maxime, Alexis, Edouard et Vincent,
Être ordonné prêtre au cœur de l’année jubilaire de la miséricorde est une grâce particulière. Votre ordination est un signe éclatant de la miséricorde du Seigneur. C’est un signe de sa miséricorde envers vous, envers chacun d’entre vous, c’est un signe de sa miséricorde envers notre Église diocésaine de Paris et c’est un signe de la miséricorde de Dieu pour toute l’Église.
La naissance de Jean le Baptiste, que nous célébrons aujourd’hui, a été un signe de l’accomplissement de la Promesse faite par Dieu au Peuple élu en préparant la venue de Jésus par la proclamation d’un baptême de conversion. Jean, fils de Zacharie et d’Élisabeth a été envoyé par Dieu pour « préparer les chemins du Seigneur » au milieu de son Peuple et dans le cœur des hommes. Par sa vie et par sa prédication, il a accompli sa fonction de prophète en réveillant les consciences et en annonçant que le Salut était proche. Non seulement il devait « relever les tribus de Jacob et ramener les rescapés d’Israël » de l’exil, mais encore devenir une « lumière des nations, pour que le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49,6).
C’est dans le sillage de ce grand Précurseur que nous sommes appelés à vivre notre ministère dans l’Église. Par toute notre vie, nous devons manifester la grande et bonne nouvelle qui doit devenir source d’espérance pour l’humanité : Jésus de Nazareth est le Sauveur envoyé par Dieu pour arracher les hommes à la malédiction du péché et de la mort.
1. Dieu nous a fait miséricorde
L’appel que Dieu vous a adressé à travers les différentes étapes de votre vie n’est pas d’abord une offre d’embauche pour des fonctions nécessaires à l’Église. Il est d’abord une manifestation de sa miséricorde envers vous. Tout au long de vos années de formation, vous avez pu éprouver dans votre expérience personnelle ce que vous méditiez dans le mystère de la Révélation étudié dans les Écritures et la Tradition de l’Église : ce qui est premier dans l’histoire de l’humanité, – et donc dans chacune de nos histoires –, ce n’est pas un désir plus ou moins fort de l’homme, c’est le don de l’amour de Dieu. Si vous avez ressenti le désir d’être prêtre, c’est avant tout parce que vous avez fait l’expérience de l’amour de Dieu dans votre vie. Une expérience toujours obscure et insaisissable, mais une expérience d’un chemin vers la plénitude de la vie. Vous n’avez pas choisi d’aimer Dieu, c’est Dieu qui vous a choisis et qui vous a manifesté son amour. Dieu nous aime toujours le premier.
Ainsi, nous comprenons l’effroi de Pierre dans la barque lorsqu’il se jette aux pieds de Jésus et lui dit : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur » (Lc 5,8). C’est ce que l’expérience spirituelle et l’expérience amoureuse appellent la « confusion ». Au cours de vos itinéraires, chacun de vous a pu éprouver et ressentir cette confusion. Mais, pas plus que celle de Pierre, elle ne vous a plongés dans le découragement. Au contraire, elle a renforcé votre attachement à celui qui vous a tendu la main et vous a relevés. Elle nous saisit quand nous mesurons l’écart entre la grandeur de ce que nous sommes appelés à vivre et notre faiblesse. Cet écart, nous ne le ressentons pas comme une crainte d’être inférieurs à notre tâche, mais bien plutôt comme un rappel permanent de la réalité que nous vivons dans le sacrement : nous ne sommes que les instruments de l’action de Dieu. C’est pourquoi, nous osons avancer avec confiance, même si notre faiblesse nous fait éprouver la crainte.
Quelle qu’ait été notre histoire, nous avons été saisis par l’appel de Dieu et notre faiblesse est une garantie que nous ne sommes pas des acteurs indépendants mais des serviteurs comme saint Paul le dit avec tant de force : « Le Seigneur m’a déclaré : Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » et Paul ajoute : « Car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2 Co 12, 9-10).
Moi-même, comment aurais-je eu l’audace de vous appeler si le lien qui nous unit n’était qu’un simple contrat passé au vu de vos compétences personnelles ? Ce qui me permet d’oser vous appeler, c’est la conviction que Dieu vous a appelés à un chemin de conversion pour vivre de sa grâce et que vous avez répondu à cet appel.
2. Nous sommes ministres de la miséricorde
L’appel que vous avez reçu et auquel vous avez répondu, l’ordination qui vous consacre pour le ministère sont en eux-mêmes un signe de miséricorde. Et ce signe définit, selon le commandement de Jésus lui-même, le contenu de notre ministère sacerdotal : nous sommes des ministres de la miséricorde. « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3, 16-17). C’est ce projet de salut du monde que nous devons servir : « Je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49, 6).
Le surcroît d’amour dont nous avons bénéficié est un trésor. Il ne nous a pas été remis pour le confort de notre équilibre personnel ou pour la réalisation de nos capacités. Nous l’avons reçu pour le partager à tous les hommes. Nous ne sommes pas envoyés pour juger les conduites de nos contemporains ni pour les accabler. Nous sommes envoyés pour leur annoncer un chemin de vie et de salut. Et le premier témoignage de la réalité de cette promesse, c’est notre propre existence. De notre pauvreté, Dieu fait un signe accessible à tout homme. Nous sommes appelés à tout donner dans la chasteté, la pauvreté et l’obéissance pour que tout homme puisse voir, à travers notre vie que c’est un chemin de bonheur pour tous, même les plus faibles.
Les grandes figures de nos prédécesseurs éclairent cette réalité par leur exemple. Les grands saints dont notre Église peut être fière comme saint Vincent de Paul, le curé d’Ars ou les martyrs des Missions étrangères nous le rappellent chaque jour. Mais encore, plus près de nous, les générations de prêtres qui se sont donnés sans compter à leur ministère. Pensez à ceux qui ont marqué votre vie. Pensez à nos anciens qui fêtent aujourd’hui leur jubilé sacerdotal, ceux qui vont vous imposer les mains tout à l’heure et ceux que l’âge ou la maladie nous empêchent de voir mais qui sont présents à nos côtés par la pensée et la prière. À l’heure où l’on expose complaisamment les faiblesses et les fautes de quelques-uns, nous ne cachons pas nos faiblesses et nous en demandons pardon. Mais nous voulons aussi rendre grâce pour le ministère de miséricorde qui nous est confié et que nous poursuivons humblement mais avec ténacité.
3. Le monde a besoin de miséricorde
C’est peu de dire que notre monde a besoin de miséricorde. À mesure que s’évanouissent les critères objectifs de la vie morale et que les exigences des commandements de Dieu ne sont plus intériorisés comme les lumières d’une conscience droite, nous voyons se développer une société où le discernement est remplacé par l’obligation de la loi. Faute d’éduquer les libertés, on s’évertue à les contraindre et on voit se multiplier les procureurs auprès de qui les pharisiens de l’Évangile font figure d’aimables compagnons tolérants. Une société qui n’a plus d’autre autorité que la loi positive est une société du soupçon, de l’interdit et, finalement, de la culpabilité. Ces phénomènes ne sont pas nouveaux. Nous devons cependant toujours les affronter avec les armes de la miséricorde.
Dieu a envoyé son Fils, son Unique, pour que le monde soit sauvé par lui. C’est la Bonne Nouvelle dont nous sommes porteurs et que nous devons annoncer en toutes circonstances. Ce qui peut changer le monde et notre société, ce n’est pas la profusion des lois et le nombre des accusateurs. Ce qui peut changer le monde, c’est l’offrande que nous faisons de notre vie dans l’offrande du Christ. Ce qui peut changer le cœur des hommes, ce n’est pas d’accuser son voisin. Ce qui peut changer le cœur des hommes, c’est que, à la lumière de l’amour qui pardonne, chacun reconnaisse la part d’ombre qui est en lui et entre dans un chemin de conversion. Ce qui peut changer le cœur des hommes, c’est de voir que des pauvres pécheurs que nous sommes, Dieu a fait des disciples du Christ.
Comme Jésus le dit de lui-même dans la synagogue de Nazareth, nous sommes « envoyés porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur » (Lc 4, 18-19). Comme le bon Pasteur et le bon Samaritain, nous sommes envoyés pour nous faire proches des souffrances de nos frères et essayer d’y porter remède si nous le pouvons. Par notre prédication, nous essayons de rendre l’espérance. Par la célébration des sacrements de la foi, nous aidons nos frères à vivre leur existence en communion avec Dieu. Par notre prière, nous intercédons chaque jour pour le peuple qui nous est confié.
Pour terminer, je voudrais vous dire que vous entrez dans un presbyterium pour lequel je rends grâce à Dieu chaque jour. C’est un corps sacerdotal enrichi de tous les talents variés de ses membres. C’est un corps sacerdotal donné tout entier et dont la quasi-totalité des membres répond avec générosité aux appels de la mission. Près de quatre-vingts prêtres du diocèse de Paris sont en service en France ou à l’étranger. Cette année, plus de cinquante prêtres répondent avec générosité à l’appel que je leur adresse et changent de ministère pour le bien de la mission. À tous et à chacun, je veux exprimer la reconnaissance du diocèse pour leur fidélité au serment d’obéissance qu’ils ont prêté lors de leur ordination. Cette disponibilité est source de joie et de liberté.
Frères et Sœurs, vous qui êtes présents à cette célébration et vous qui vous joignez à nous par la prière, je vous invite à prier avec ferveur pour ceux que le Seigneur a choisis. Je vous invite à les soutenir dans leur ministère. Ils sont envoyés pour présider à la charité entre les membres de l’Église et pour vous soutenir dans votre mission de témoins du Christ dans les différents domaines de votre existence. Ils sont une grâce pour notre Église de Paris et pour l’Église entière. Avec saint Paul, nous bénissons Dieu pour « les dons qu’il a faits ; ce sont les Apôtres, et aussi les prophètes, les évangélisateurs, les pasteurs et ceux qui enseignent. De cette manière, les fidèles sont organisés pour que les tâches du ministère soient accomplies et que se construise le corps du Christ » (Ep 4,11-12). Nous devons mieux mesurer le rôle irremplaçable du prêtre dans la mission de l’Église. Nous devons mieux comprendre le service que les prêtres rendent à l’humanité. Nous devons désirer que de nombreux hommes répondent à l’appel du Christ. Nous devons prier pour soutenir leur réponse. Nous devons demander à Dieu d’appeler parmi les jeunes de nos familles, pas de la famille d’à côté. C’est à chacune des familles des nouveaux prêtres que je veux dire ici la reconnaissance de l’Église. Grâce à votre présence aimante, ils ont pu faire une expérience directe de la miséricorde.
Et aux jeunes hommes qui sont ici ce matin, – en particulier aux servants d’autel et à ceux qui vont partir aux J.M.J à Cracovie –, je veux dire encore une fois : l’Église qui est à Paris a besoin de prêtres passionnés par l’annonce de l’Évangile et le service du peuple des chrétiens. Vous pouvez être ces prêtres si vous acceptez tout simplement d’entendre l’appel de Dieu et d’y répondre. En tout cas, moi aujourd’hui, je vous y invite sans crainte car je sais que Dieu donne les moyens d’accomplir ce qu’il demande et qu’être prêtre est un chemin de bonheur. « Ne vous faites pas de trésors sur la terre, là où les mites et les vers les dévorent, où les voleurs percent les murs pour voler… Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6, 19-21). Réfléchissez, priez et surtout demandez souvent à Dieu : « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? »
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris
” À mesure que s’évanouissent les critères objectifs de la vie morale et que les exigences des commandements de Dieu ne sont plus intériorisés comme les lumières d’une conscience droite, nous voyons se développer une société où le discernement est remplacé par l’obligation de la loi. Faute d’éduquer les libertés, on s’évertue à les contraindre et on voit se multiplier les procureurs auprès de qui les pharisiens de l’Évangile font figure d’aimables compagnons tolérants. Une société qui n’a plus d’autre autorité que la loi positive est une société du soupçon, de l’interdit et, finalement, de la culpabilité. Ces phénomènes ne sont pas nouveaux. Nous devons cependant toujours les affronter avec les armes de la miséricorde.”
Quels sont les sous-entendus de Monseigneur? Semble-t-il, il copie son maître, qui ne manque pas un jour depuis Rome pour exprimer son mépris des bons chrétiens, ceux qui ont encore le courage de résister au monde, ceux qui aiment le Christ et essaient de suivre sa parole, malgré les mauvais pasteurs qui ne veulent plus montrer le chemin de la vie avec Jésus.
Quelle horreur…dire que ces nouveaux prêtres ont entendu cela le jour de leur ordination, c’est à pleurer.
Quel baratin aussi insipide qu’insidieux !
Mgr Vingt-Trois atteint ici au sommet de son art, celui qui consiste à savoir excellemment raconter n’importe quoi au service de n’importe quoi, en l’occurrence au service de l’hérésie d’Amoris laetitia. Rappelons, ce qui permettra de juger à leur juste valeur les déclarations de Mgr Vingt-Trois s’inscrivant dans ce contexte, que le propos implicite d’Amoris laetitia – car on n’ose pas le dire franchement pour la raison qu’on ne peut répudier franchement une Tradition constante depuis toujours et fondée sur les paroles du Christ lui-même – est de donner la communion, dans certains cas, à des divorcés remariés qui ne pratiquent pas la continence. Ce qui met en cause la valeur universelle et objective des commandements si magnifiquement enseignée par Saint-Jean Paul II dans Veritatis splendor. Cette valeur universelle et objective est mise en cause fallacieusement par le recours à ce discernement qui prétend libérer des commandements en mettant en avant les circonstances particulières, objectives ou au for interne.
Ecoutons dans ce contexte Mgr Vingt-Trois : « C’est peu de dire que notre monde a besoin de miséricorde. À mesure que s’évanouissent les critères objectifs de la vie morale et que les exigences des commandements de Dieu ne sont plus intériorisés comme les lumières d’une conscience droite, nous voyons se développer une société où le discernement est remplacé par l’obligation de la loi. Faute d’éduquer les libertés, on s’évertue à les contraindre et on voit se multiplier les procureurs auprès de qui les pharisiens de l’Évangile font figure d’aimables compagnons tolérants. »
.Ainsi donc, pour Mgr Vingt-Trois, le problème du monde moderne (du monde, mais pas de l’Eglise ?) est d’avoir oublié les commandements par oubli du… discernement, ces commandements dont justement Amoris Laetitia prétend nous libérer en recourant au… discernement ! Comme sac de nœud pour brouiller les pistes et endormir toute lucidité sur la situation, franchement, difficile de mieux faire. Chapeau bas, salut l’artiste !
Et la suite vaut également son pesant d’or. Car quels sont ces procureurs dont il est parlé ensuite, à côté desquels les pharisiens de l’Evangile sont de bien pâles reflets ? Eh bien justement ce sont ceux qui dénoncent l’hérésie de la théologie morale d’Amoris laetia….C’est quand même énorme, et là aussi bien joué car la meilleure défense, on le sait, c’est l’attaque. Car avec cette théologie morale du discernement qui trouve de bonnes raisons de libérer des commandements et de tourner l’enseignement de Jésus, on est justement au sommet du pharisaïsme par le recours constant au sophisme. Et ce sont ceux qui dénoncent les sophismes qui deviennent, pour Mgr Vingt-Trois, les pharisiens, et les pires que la terre ait jamais portés.
Mais considérons encore un passage : « De notre pauvreté, Dieu fait un signe accessible à tout homme. Nous sommes appelés à tout donner dans la chasteté, la pauvreté et l’obéissance pour que tout homme puisse voir, à travers notre vie que c’est un chemin de bonheur pour tous, même les plus faibles. » Que c’est beau! Sauf que cette chasteté qu’on loue ici pour les prêtres, d’ailleurs à juste titre, pourquoi devient-il intolérable de la juger nécessaire pour des laïcs, par exemple les personnes divorcées remariées pour lesquelles c’est tout simplement la condition pour ne pas être adultère et pouvoir ainsi communier.. Quel cléricalisme, quel pharisaïsme…
Quelle tristesse pour les nouveaux prêtres d’avoir vu leur mission s’ouvrir sous de pareilles auspices. D’une certaine manière, c’est ignoble. Malheur à ceux par qui le scandale arrive.