Editorial de Mgr Yves Boivineau, évêque d’Annecy, juin 2016 :
“Au cours du mois de juin, avant les congés de l’été, équipes, services, mouvements prennent un temps d’évaluation. Cet exercice, nécessaire, présente aussi ses limites. En revisitant les actions menées au cours de l’année, on souligne les points forts et les fragilités. Mais selon quels critères ? …
…Une évaluation peut être très subjective, prisonnière des impressions et du ressenti (« le ressenti ment » !). Elle peut aussi se cantonner dans le registre de l’efficacité. Ce sont évidemment des éléments à prendre en compte, mais ce qui a été vécu dépasse toujours le sentiment que nous pouvons en avoir et nous ne pouvons pas nous laisser enfermer dans les catégories de réussite ou d’échec qui engendrent ou l’autosatisfaction ou le découragement. Ceci serait stérile, sans occulter le risque que la simple évaluation de nos pratiques nous conduise à reproduire les mêmes modèles, même améliorés. « On a toujours fait comme cela » : c’est la paralysie pastorale assurée !
Il est évidemment indispensable d’évaluer avec méthode ce que l’on fait. Toutefois, la relecture de l’année pastorale doit avoir pour objectif de « nommer ce qui nous est donné de la part de Dieu, dans ce qui nous arrive ». Pensez aux deux disciples d’Emmaüs qui rentrent chez eux en ressassant l’échec de la Passion. Ils tournent en rond dans un récit d’échec qui ne génère que la tristesse. Ils avaient tant rêvé ! Il faut la question de Jésus (« De quoi parliez-vous donc ? ») pour qu’ils passent du ressassement au récit qui va leur ouvrir les yeux et leur dilater le cœur pour inscrire ces événements dans l’Histoire du Salut et en découvrir la signification. « Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent ». Ils naissent à la joie et à l’espérance !
S’il est important d’évaluer ce que nous avons fait, il est indispensable de discerner et de découvrir ce que le Seigneur a fait. En nous « racontant » ce que nous avons vécu, – avec les lumières et les ombres, les joies et les difficultés que nous avons pu connaître -, nous voulons discerner l’œuvre du Seigneur en nous et en ceux et celles auxquels nous sommes envoyés. L’objet est moins « ce que j’ai fait » que « ce que je suis devenu ». Plutôt que de faire l’inventaire de nos œuvres, nous sommes invités à « faire mémoire des dons de Dieu ».
Au terme de ce temps de relecture, nous nous interrogerons sûrement sur ce que nous devons faire, mais, plus profondément, nous entendrons ce à quoi le Seigneur nous appelle. C’est l’appel du Seigneur qui nous renouvelle. À l’intérieur même de nos réussites, de nos hésitations, voire de nos échecs, le Seigneur accomplit sa Promesse : « Je suis avec toi ».
Lorsque Thérèse d’Avila a entrepris le récit de son expérience spirituelle, elle a spontanément intitulé son manuscrit : « Livre des miséricordes du Seigneur ». Tout au long de cette année, le Seigneur a fait miséricorde : puissions-nous en faire le récit pour repartir dans la joie et une espérance renouvelée ! “