Suite à son voyage en Syrie, Mgr Dominique Rey est interrogé dans La Nef :
” C’est la deuxième fois que j’allais en Syrie en un an. En août dernier, il s’agissait d’un voyage de reconnaissance avec à peine 4-5 personnes. Il nous a permis de lancer le jumelage du diocèse de Fréjus-Toulon avec l’archidiocèse melkite de Homs. L’archevêque de Homs, Mgr Arbach, est venu à Toulon et nous avons signé une charte au cours d’une divine liturgie célébrée le 13 novembre dernier. L’objectif était donc cette fois d’initier la mise en œuvre concrète de ce jumelage. M’accompagnaient 45 personnes, chefs d’entreprise, jeunes entrepreneurs et professionnels, retraités ou étudiants chrétiens engagés dans l’Église ou la société civile. Toutes ces personnes souhaitent agir concrètement, au nom de leur foi et dans un but humanitaire, pour reconstruire les écoles, les églises, acheminer des médicaments, tisser des liens tant économiques que spirituels entre les chrétiens, de part et d’autre de la Méditerranée, entre Homs et Toulon.
Quelle est aujourd’hui la situation des chrétiens de Syrie, comment voyez-vous leur avenir ?
Les chrétiens de Syrie continuent de souffrir de la guerre. Dans les zones qui ont été contrôlées par des rebelles djihadistes, beaucoup de chrétiens sont morts en martyrs ; les églises ont été détruites, la population chrétienne ne revient que timidement, au compte-gouttes : de manière générale, elle a fondu. Pendant notre visite, nous avons pu voir plusieurs quartiers ou villages chrétiens, à Homs, ou Maaloula par exemple. À chaque fois, nous avons eu un serrement au cœur en découvrant des lieux de culte ravagés.
En même temps, par rapport à mon précédent voyage, j’ai le sentiment que la vie commence à reprendre son cours. Dans les lieux que nous avons visités, et au cours de nos différentes rencontres, nous avons eu l’image de communautés qui, courageusement, commencent la reconstruction. Il est frappant de constater que la priorité est souvent mise sur l’église ou la cathédrale qui demeure le lieu central. Ici et là, on voit comme des amorces de redémarrage et nous souhaitons y contribuer.
Je tiens aussi à souligner que lors de nos échanges avec les évêques, les prêtres et les fidèles, deux convictions fortes nous ont été réaffirmées. La première c’est que les chrétiens de Syrie ont leur avenir en Syrie. Ce pays est leur patrie. Ils en sont fiers parce que c’est le berceau du christianisme, le lieu de la conversion de saint Paul. L’autre élément encourageant, c’est que les épreuves de la guerre ont favorisé un œcuménisme de la persécution entre les communautés chrétiennes. De par l’histoire complexe du Moyen-Orient, les chrétiens sont divisés entre plusieurs Églises : melkites, syriaques, latins, maronites, arméniens… Souvent se superpose une division supplémentaire entre catholiques et orthodoxes. J’ai été impressionné par ce soutien mutuel des communautés chrétiennes qui apprennent à s’unir dans l’adversité.
Vous avez évoqué l’idée de développer des pèlerinages en Syrie : comment voyez-vous cette idée et comment aider concrètement nos frères chrétiens de Syrie ?
Dans le cadre du jumelage entre Toulon et Homs, je souhaite que des liens se créent à différents niveaux : entre les paroisses, les écoles, les jeunes, les prêtres, les communautés religieuses… Une bonne manière d’initier ces liens nouveaux peut être d’effectuer un pèlerinage. Il apparaît que la situation s’est beaucoup apaisée en Syrie, au moins dans certaines zones sécurisées. Dans ce cadre, des pèlerinages sont possibles. Mais nous avons d’autres pistes. Par exemple, un prêtre du diocèse de Homs viendra, après cinq ans de guerre, prendre un ou deux mois de repos à Toulon l’été prochain pour apprendre le français. Bien sûr, les collectes de fonds restent très utiles. Mais je fais aussi confiance à l’imagination des diocésains du Var pour proposer des initiatives innovantes !”