L’Eglise orthodoxe russe, qui se redresse après des années de communisme, a fait le choix de la rigueur de la vérité. Les chiffres du suivi du grand carême en augmentation, le nombre de vocations, très importantes, ne semblent pas indiquer que ce choix de la rigueur a fait office d’épouvantail. Fougue d’une vitalité post communiste dira-t-on peut-être. Rigueur du caractère russe pourra-t-on objecter.
Que dire alors de la comparaison entre les communautés qui, en France, proposent l’exigence de la vérité et celles qui entendent abaisser les obstacles qui pourraient effrayer le client ?
Il est un fait notable que toutes les communautés religieuses ou paroissiales qui ont mis au chœur de leur vocation l’exigence et la rigueur de la vérité font “salle comble”, là où les initiatives édulcorées peinent à se vendre.
Les mouvements et initiatives progressistes ont tous, sans l’ombre d’une exception, périclité. Lorsque vous prenez la liberté de faire remarquer cela aux acteurs investis de ce renouveau d’une Eglise aseptisée, on vous répond sans sourciller que la raison de ce fiasco se trouve dans le fait “qu’on n’est pas allé assez loin”. D’où un pseudo-Vatican II, en attendant un Vatican III qui irait enfin dans le bon sens.
La vérité est que les communautés et paroisses qui “marchent” sont celles qui n’ont pas abandonné la rigueur de la vérité ou y sont revenus. Nous avons constamment peur d’effrayer le public avec l’exigence de la vérité. Alors nous sommes tentés de la masquer, de la diminuer, voire de la dénaturer pour la rendre plus “sexy”.
Ce faisant, nous lui retirons et son intérêt et son attrait. Toute une dimension de la mission évangélisatrice de l’Eglise est vue comme une démarche marketing. Il faut faire du nombre, ne pas perdre le peu qu’il reste, quitte à changer le produit proposé par le “Trust international catho”. Pourtant, toutes les entreprises qui quittent leur chœur de métiers savent bien qu’elles n’excellent jamais ou rarement dans leur reconversion et nombre finissent par abandonner les nouvelles branches pour se recentrer sur leur véritable savoir faire.
L’Eglise n’est pas une proposition politique alléchante. Elle est d’abord la vitrine de la vérité théologique. Si les fidèles, comme la hiérarchie, sont les “représentants” de cette vitrine, ils n’en sont ni les patrons, ni les propriétaires. Et il se passe avec ces vitrines fallacieuses ce qui s’est produit pour le malheureux de la parabole des talents, Dieu leur retire même ce qu’ils avaient. Dieu ne peut porter du fruit là où il est expulsé. Dieu ne peut donner son souffle là où il est muselé.
La désertion de ces lieux de vérité bafouée est le signe matériel du désintérêt des hommes pour le mensonge et le signe spirituel du retrait de Dieu qui ne couvre plus son peuple de la nuée.
Pour évangéliser, il faut d’abord être et non faire. La vitrine doit rayonner d’elle-même et attirer non par des artifices de ventes, mais par la splendeur même de la vérité.
Certes “on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre”, mais on ne retient pas les bourdons avec du faux miel. En outre, croire que la vérité divine puisse être du vinaigre, laisse songeur sur la conception divine de ceux qui savent mieux que Dieu ce qui est bon pour l’Homme.
La vérité rend libre et la liberté est un chemin de conversion qui désenglue du mensonge. L’exigence et la rigueur de la vérité, procurent un bien de l’âme et une rencontre avec l’intime de Dieu qui sont, en fait, la véritable raison du succès de ces communautés, mouvements et paroisses qui “marchent”, c’est à dire, qui rayonnent Dieu.
Pierre Selas