Le site de L’Homme Nouveau vient de mettre en ligne une première et longue analyse par l’abbé Claude Barthe de l’exhortation post-synodale Amoris lætitia. On pourra la lire intégralement ici. En voici, toutefois, une courte synthèse.
*
Bien des analystes compétents vont faire le commentaire de cette exhortation, intitulée Amoris lætitia, et datée du 19 mars dernier. Ils relèveront de fort beaux passages sur la famille chrétienne, des considérations opportunes sur des aspects rarement abordés par les textes pontificaux (les parents âgés, les difficultés concrètes de l’éducation, etc.) Ils apprécieront le fait que le texte affronte directement les situations véritables de la famille dans le monde contemporain.
Mais ils noteront aussi que, dès le début, l’Exhortation, alors qu’elle va traiter d’un certain nombre de problèmes doctrinaux déjà tranchés par le magistère de l’Église, affirme cependant la légitimité de la libre discussion quant aux applications dans certains cas […] Cela laisse d’ailleurs une grande liberté pour discuter l’Exhortation, qui se place donc, en préalable, hors du champ des « interventions magistérielles ».
En fonction de cela, le huitième chapitre (« Accompagner, discerner et intégrer la fragilité », pp. 221-244), spécialement les nn. 296-312, ouvre une brèche dans la doctrine morale antérieure : « Les divorcés engagés dans une nouvelle union, par exemple, peuvent se retrouver dans des situations très différentes, qui ne doivent pas être cataloguées ou enfermées dans des affirmations trop rigides sans laisser de place à un discernement personnel et pastoral approprié » (n. 298) […] Avec la conclusion pratique attendue donnée de manière un peu embarrassée en note 336 : une norme [est visée celle concernant les divorcés engagés dans une nouvelle union] peut dans certains cas être assouplie « en ce qui concerne la discipline sacramentelle » […] Le texte n’invoque pas la traditionnelle bonne foi – dont Dieu est juge –, qui peut, en effet, dans certains cas, excuser du péché. Il suppose au contraire un sujet « connaissant bien la norme ». En toute hypothèse, et très concrètement, on transforme une éventuelle non-imputabilité subjective en non-imputabilité objective qui permettra de recevoir les sacrements tout en restant dans une situation objective de péché. Le tout ne faisant d’ailleurs qu’encourager une pratique libérale déjà établie en bien des endroits.
Mais avant même cela, il y a la conscience sacerdotale, celle du pasteur d’âmes qui aura à répondre au jugement de Dieu des conseils qu’il aura donnés. Le prêtre, confesseur on non, accompagnant ces personnes se trouvera dans le cas suivant : des sujets en état d’adultère public, estimant qu’ils ne peuvent pas renoncer aux actes réservés de soi au mariage légitime, vont être considérés par lui comme péchant au maximum véniellement. À supposer même que l’on se trouve dans le cas limite d’une certitude, en conscience, par ces personnes, que l’union précédente était invalide (n. 298, citant Familiaris consortio n. 22, qui dans ce cas demande la vie dans la seconde union comme frère et sœur), il n’y a pas – au moins pour l’instant – de nouveau mariage sacramentel. Ces personnes se trouvent donc dans le cas de toutes personnes non mariées : les actes de chair leur sont interdits par le commandement divin. Or voilà que le prêtre pourra affirmer que ces actes, dans certains cas, seraient au maximum des péchés véniels. Le renversement est considérable.
[…] La mise en œuvre du sensus fidei/fidelium est ici nécessaire, que l’on a vue se déployer préventivement chez d’éminents pasteurs, comme le rapporte Jean-Marie Guénois dans Le Figaro de ce jour, à propos d’une trentaine de cardinaux, et comme en témoignent deux publications successives [Cardinaux Walter Brandmüller, Raymond Leo Burke, Carlo Caffarra, Velasio De Paolis, Gerhard Ludwig Müller, Demeurer dans la vérité du Christ. Mariage et communion dans l’Église catholique, Artège, 2014 ; Cardinal Caffarra, archevêque de Bologne, et dix noms nouveaux de cardinaux : Cordes, ancien président du Conseil Cor Unum, Eijk, archevêque d’Utrecht, Ruini, ancien cardinal vicaire de Rome, Sarah, préfet de la Congrégation pour le Culte divin, Urosa Savino, archevêque de Caracas, Cleemis, archevêque majeur des syro-malankars, Duka, archevêque de Prague, Meisner, archevêque émérite de Cologne, Rouco Valera, archevêque émérite Madrid, Onaiyekan, archevêque d’Abuja, au Nigéria, Le Mariage et la Famille, Artège, 2015].
“En toute hypothèse, et très concrètement, on transforme une éventuelle non-imputabilité subjective en non-imputabilité objective qui permettra de recevoir les sacrements tout en restant dans une situation objective de péché. ”
Ouais! C’est du concret ça, merci l’abbé!
RC, je n’appelle pas ça une synthèse, mais tout au mieux un “point de vue”, sinon une critique. Mais qu’attendre d’autre venant de vous…
Une immense catastrophe!!!!! François aura tout cassé ce que ses prédécesseurs ont transmis fidèlement pendant 20 siècles. Saint Jean Paul II priez pour l’Église et les familles, priez pour les prêtres déboussolés. Priez pour que ce pontificat soit le plus court possible, nous vous en supplions.
Père Barthe, les prêtres seront aussi responsables devant Dieu du fait de faire éventuellement porter à ses brebis des fardeaux trop lourds .
Je n’ai rien compris. Trop compliqué pour moi….
Monsieur l’abbé,
participant à la réflexion ecclésiale qui est lancée de façon large par ces quatre évêques, je me permets de répondre aux Dubia en tant que telles, même si j’ai bien compris que les Cardinaux avaient moins de doutes que de désir de voir les doutes des autres prendre fin, craignant qu’une mauvaise compréhension de la doctrine ne fonde des praxis divergentes et donc une division préjudiciable au sein de l’Eglise (et non pas un débat fécond)…
Doute 1 : il me semble que cela signifie juste que certaines personnes, qui n’ont pas conscience de leur situation, peuvent, sous couvert de l’ignorance, être admis aux sacrements, le temps que l’on parvienne à les informer charitablement de leur état. Tant qu’il n’y a pas conscience de mal faire, il n’y a pas péché (hors actes intrinsèquement mauvais, qui supposent forcément une conscience minimum de mal faire de par leur objet).
Cela m’est déjà arrivé dans deux cas de figure différents :
– Soit de la part de la personne qui a épousé un divorcé, et qui, n’ayant pour sa part pas eu de mariage antécédent, se croit admise à communier car se pense non fautive, tandis que le divorcé s’abstient de communion. Ce qui est alors compris, c’est la fidélité à la parole donnée (le sacrement de mariage), et absolument pas les coucheries hors mariage : puisque c’est l’Eglise qui refuse de faire ce mariage (ce n’est absolument pas vu par rapport au sacrement de l’Eucharistie).
– Soit de la part de la personne qui est en relation de fidélité charnelle “avant de se marier” à l’Eglise, mais qui est déjà mariée à la mairie.
Interrogées en confession, ces types de personnes ne confessent pas et n’assument pas comme à confesser leurs actes passés ; leur responsabilité morale ne commence qu’à partir de leur information (et donc le refus des sacrements ne peut commencer qu’à partir de leur chute suivante). Une telle personne a donc le droit à une absolution et une communion au temps T !
Doute 2 : oui : une encyclique “engage” davantage qu’une exhortation apostolique !!! L’encyclique est du Magistère ordinaire, et oblige ; pas l’exhortation apostolique, me semble-t-il. Mais il est vrai que le § 304 n’éclaire pas les esprits.
Doute 3 : oui : même réponse qu’au-dessus ! Le § 301 est en effet tout sauf clair, d’abord dans l’esprit de son auteur, visiblement : entre ne pas pratiquer toutes les vertus au stade héroïque et ne pas pratiquer une vertu, il y a une sérieuse différence…
Doute 4 : oui : idem ! De plus, la fornication a quand même quelque chose de naturel, donc je ne suis pas sûr que cela rentre dans les actes intrinsèquement mauvais. Pour certains, il n’y a pas conscience d’être fornicateur quand on est fidèle, et il n’y a pas conscience d’être adultère lorsque le premier mariage a “pris fin” par un divorce prononcé civilement… Le § 303 a quand même cela de positif qu’il invite à faire progresser l’éclairage de la conscience individuelle. Il ne fige pas les situations.
Personnellement, je suis ahuri de devoir dire aux gens : “coucher avec quelqu’un qui n’est pas son époux légitime devant Dieu est un péché (matériellement considéré) !” Cette “première annonce du péché” est devenue nécessaire, parce que notre société occidentale a changé les repères et modifié les évidences : pour notre société, la question n’est pas “sont-ils mariés ?”, mais “sont-ce des adultes consentants (et libres de liens envers autrui, dans le meilleur des cas) ?”. Nous devons faire ce constat, et nous devons le prendre en compte pour ajuster notre prédication, et redire des évidences qui ont cessé d’en être…
Un autre abbé, de 13 ans de sacerdoce…
(P.S. : Je n’ai pas le mail des Cardinaux : comment fait-on pour répondre à leur lettre ouverte ?)
Les cas que vous évoquez supposent que ces personnes n’ont jamais eu une quelconque relation avec l’Église auparavant. Ils sont venus un beau matin sans aucune notion de catéchèse, et se sont directement pointés à la table eucharistique, sans que personne ne leur disent quoi que ce soit. Tout cela est possible. Et la faute revient à tous les membres de l’Église actuelle qui insistent sur la miséricorde et délaissent dans les greniers le repentir du pécheur. Ils sont rares en occident, les responsables qui identifient le péché et l’appel par son nom. La préparation aux sacrements devrait être l’occasion pour présenter ces notions, mais personne ne le fait. Conséquence, chacun peut s’arroger le droit de revendiquer ce qu’il veut, comme des enfants gâtes à qui l’on ose pas refuser quoique ce soit par peur d’affronter leurs caprices. L’on est obligé, pour satisfaire leurs égos, de brader la doctrine et la parole du Seigneur pour les satisfaire. D’où les dérives actuelles en occident.
On en vient maintenant à présenter le concubinage comme un exemple de vie (c’est le pape qui l’a dit), du moment qu’il y a de l’amour et de la fidélité. On a même voulu nous imposer d’accepter dans l’Église, lors du premier synode sur la famille convoqué par le pape François, de considérer les relations contre nature (déclaration à mi parcours du 1er synode sur la famille) comme une forme de vie normale, n’eût été l’opposition farouche de certains pères synodaux.
Le Christ n’est plus la référence, c’est la conscience de chacun qui fait maintenant foi, même si cette dernière est dans l’erreur, comme vous l’évoquez dans vos exemples. Il y aura toujours une raison pour justifier nos actes. Et Dieu est tenu de les accepter comme tels. Les dix commandements ? A la poubelle. Vive le libre arbitre.
Voilà où nous en sommes.
Les saints qui ont suivi le Christ sont dans l’erreur.
Les martyrs ? notamment ceux que les terroristes ont barbarement décapité pour ne pas avoir renier le Christ sont des fous. Dans les cas “concrets de la vie”, il faut d’abord penser à sauver sa vie, Dieu comprendra qu’on avait pas le choix. Dixit la nouvelle donne moderne.
Les vertus héroïques ? Ce sont des fables d’autrefois, lorsque l’Église était encore réactionnaire.
Nous sommes dans la modernité maintenant. Le message du Christ doit être raboté pour rejoindre l’homme d’aujourd’hui qui veut bien le suivre, mais sur certaines conditions.
Le célibat pour le royaume ? Quel scandale pour l’homme moderne, comment l’Église peut elle se permettre d’empêcher les hommes de jouir paisiblement de leur vie ? D’ailleurs, il se murmure dans les coulisses du Vatican que lors du prochain synode, cette règle moyenâgeuse sera renvoyé aux calandres grecs.
Cher monsieur SPRIET Arnaud, les cardinaux, qui sont encore catholique ont posé quelques questions au Pape, conformément au droit canon et surtout à la parole de notre Seigneur qui déclare: “Que votre oui soit oui, oui et votre non, non non, le reste provient du malin (le diable) ou encore ” tu n’es ni chaud ni froid, je te vomis”