Dans un compte rendu de lecture du livre de Cindy Wooden, Luis Antonio Tagle, un cardinal hors du commun, l’Homme nouveau évoque celui que certains aimeraient voir comme l’homme montant, le cardinal Tagle, “un pape François avant le pape François”. A lire la tribune, le livre ressemble plus à de la propagande qu’à une biographie.
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Édition française de la biographie du cardinal-archevêque de Manille par la vaticaniste Cindy Wooden, qui dirige l’agence de presseCatholic News Service, Luis Antonio Tagle, un cardinal hors du commun brosse, sans grand relief, le portrait du « cardinal des pauvres », un homme d’écoute, de dialogue. Il en souligne en quelque sorte au crayon rouge les traits de ressemblance avec le Pape François : spiritualité ignacienne reçue des jésuites qui dirigeaient le séminaire de Manille, façonné par Vatican II, nombreuses fioretti montrant sa grande simplicité. À peine évêque, il va en tricycle remplacer un prêtre malade dans la chapelle délabrée d’un quartier de travailleurs. Il met longtemps à acheter une voiture préférant les transports en commun. Il oublie de porter sa croix pectorale, etc.
De parents aisés
Cindy Wooden présente son héros comme issu d’une famille de petite bourgeoisie (ses parents sont employés de banque). En réalité, sa famille paternelle faisait partie de la classe gouvernante à l’époque coloniale. Surnommé Chito (abrégé de Luiscito, diminutif de Luis), il était d’abord destiné à être médecin. Ce garçon intelligent, travailleur, toujours premier de classe, montrait un très réel dévouement dans les bonnes œuvres (il fut « écuyer » dans la puissante organisation des Chevaliers de Colomb). Il entra au séminaire, tenu par les jésuites, puis à l’Université jésuite Ateneo de Manille, pour être enfin envoyé à la Catholic University of America à Washington, où il soutint une thèse de doctorat sur Paul VI et la collégialité. Clerc prometteur du diocèse d’Imus, après avoir exercé diverses charges professorales, il en devint évêque en 2001 puis fut transféré, dix ans plus tard, à l’archevêché de Manille par Benoît XVI, qui le créa cardinal en 2012.
Sa biographe donne des indications révélatrices, sans cependant y insister, peut-être parce qu’elle n’en voit pas toute l’importance. Elle évoque ainsi à deux reprises le « mentor théologique » de Luis Antonio Tagle, le Père Catalino Arevalo, qui l’a recommandé lors de son entrée à l’université. Ce jésuite, disciple de Jürgen Moltmann, est un personnage majeur de la théologie la plus progressiste d’Extrême-Orient (il a été consacré par la Fédération des Conférences épiscopales asiatiques « Père de la théologie asiatique », une version aménagée de la théologie de la libération). Cindy Wooden évoque aussi au passage le Père Joseph A. Komonchak, professeur à la Catholic University of America, qui a été le directeur de thèse de Chito. En réalité, Komonchak fut un autre personnage-clé dans la carrière de Luis Antonio. Collaborateur de Giuseppe Alberigo pour la monumentaleHistoire de Vatican II, éditée par la très progressiste École de Bologne (Komonchak a dirigé l’édition anglaise), il fit nommer Luis Antonio Tagle, en 1995, membre du comité éditorial qui supervisait l’entreprise, le faisant ainsi entrer dans le chœur des grands théologiens, et le poussa deux ans plus tard vers une nomination de membre de la Commission théologique internationale, où le remarqua Joseph Ratzinger, toujours sensible aux renommées universitaires.
Célébré par le Pape
Mais il fut aussi remarqué par Jorge Bergoglio, avec lequel il siégea au Conseil général du Synode des évêques. Le Père Joseph Komonchak dit joliment du cardinal Tagle : « Dans sa manière d’exercer son ministère, il était à bien des égards un Pape François avant le Pape François ». Le livre de Cindy Wooden n’a pas pu intégrer les fastes du voyage apostolique du Pape aux Philippines, en janvier 2015, où l’archevêque de Manille fut célébré par le Saint-Père sous les yeux attentifs des journalistes religieux du monde entier, qui parlèrent de l’intronisation d’un « successeur ».
À cet égard, le présent livre, auquel s’ajoute en Italie une autobiographie sous forme d’entretiens, Dio non dimentica i poveri. La mia vita, la mia lotta, le mie speranze (Dieu n’oublie pas les pauvres. Ma vie, mon combat, mon espérance), qui va paraître à l’Editrice Missionaria Italiana, au mois de mai, montre que le puissant groupe des jésuites des Philippines n’est pas seul à « pousser » le cardinal de Manille. Ainsi, le cardinal Rodriguez Maradiaga, du Honduras, coordinateur du Conseil des neuf cardinaux chargé par le Pape de proposer des idées pour la fameuse réforme de la Curie, a fait élire, le 14 mai 2015, le cardinal Tagle, « défenseur des marginalisés », comme président de Caritas Internationalis.
Selon les « personnes bien informées » (qui n’en savent souvent pas plus que le commun des mortels), le Pape douterait tout de même des « chances » de Luis Antonio Tagle, notamment parce qu’il paraîtra trop jeune (il n’a pas encore 59 ans) aux cardinaux électeurs, et tournerait les yeux vers le flexible et plus consensuel cardinal Schönborn, archevêque de Vienne. Voilà bien une réforme de l’Église dont on ne nous parle pas : les papes, désormais, désigneraient leurs successeurs !
Cindy Wooden, Luis Antonio Tagle, un cardinal hors du commun, Éditions de l’Emmanuel, 156 p, 15 €.
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