Message commun de Pâques de Monseigneur Jean-Pierre Grallet évêque de Strasbourg, et Christian Albecker pour l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine.
« Si le grain tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Évangile de Saint Jean 12, 24
Le chemin vers le matin de Pâques passe par la nuit de la croix du Vendredi Saint. Pourquoi faut-il qu’il en soit ainsi ? La souffrance et la mort sont-elles donc inéluctables ? Notre monde rêve d’accéder au bonheur et à la vie en plénitude sans passer par cette étape. Cette illusion le conduit à la soif de posséder ou de dominer et en fin de compte à la violence et à la mort, ou tout simplement elle se heurte à la finitude humaine qui, si elle est ignorée ou occultée, conduit au désespoir.
La force et l’originalité du message du Christ, c’est qu’il a pleinement assumé cette dimension de finitude et de mort, passage nécessaire pour accéder à la lumière et à la vie, si magnifiquement illustré par l’image du grain de blé qui tombe en terre. Si la souffrance doit être combattue sous toutes ses formes, elle n’en demeure pas moins une réalité et un mystère qu’il nous faut affronter pour la transformer en chemin de vie. L’histoire de la petite croix, fabriquée artisanalement au Libéria avec la douille d’une balle de mitraillette, en est l’illustration.
Le Libéria a connu entre 1999 et 2003 deux guerres civiles très meurtrières. La première croix de ce type a été fabriquée par Jonathan, ancien enfant soldat. Il travaillait pour une organisation humanitaire luthérienne, dont le pasteur lui demanda s’il pouvait lui fabriquer une croix avec la douille d’une balle. La tentative fut concluante : ce geste était, bien plus que la simple récupération du métal, le symbole du passage de la haine à la paix, de la mort à la vie.
Comment ne pas évoquer la prophétie d’Ésaïe 2, 1-5 « De leurs épées, ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances, des faucilles » ? Elle s’est ici réalisée concrètement et de manière inattendue, transposant l’antique prophétie de paix à la croix du Christ et à sa résurrection : une balle a été transformée en une croix, devenue arbre de vie. Comme le soc de la charrue déchire la terre et la retourne pour que les semailles puissent germer, ainsi la croix du Christ et nos propres croix de souffrance et de mort labourent le terreau de nos existences pour que la vie puisse s’y accrocher, y germer, s’y développer et pour que la petite fille espérance puisse faire résonner ses joyeux éclats de rire.
« Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! » : nous ne pouvons comprendre et proclamer la joyeuse salutation du matin de Pâques venue de l’Église ancienne que si nous acceptons de traverser la nuit de la croix.
À toutes et à tous, nous souhaitons de faire l’expérience de cette transformation, du passage de la mort à la vie. Joyeuses Pâques !