C’est ce qu’a déclaré Mgr Di Falco, évêque de Gap, lors de la messe chrismale :
Alors que l’heure de mon départ du diocèse approche, et où je célèbre pour la dernière fois la messe chrismale avec vous, j’ai voulu relire la lettre que j’avais adressée en septembre 2003 aux prêtres, diacres et responsables laïcs au moment de ma nomination comme évêque de Gap.
Après avoir évoqué les liens qui m’unissaient au diocèse de Gap lorsqu’adolescent je venais faire du ski à Vars avec ma paroisse de Marseille, j’écrivais ceci :« En apprenant le nom de celui que le pape a donné comme successeur à Monseigneur Lagrange, certains penseront qu’ils me connaissent. À vrai dire, ils connaissent une image, celle que les médias leur ont donnée de moi. Dans les contacts que nous aurons, vous saurez faire, j’en suis sûr, « les mises au point nécessaires » concernant cette image. Pour le positif comme pour le négatif ! Vous savez à quelle épreuve j’ai dû faire face au cours de ces deux dernières années. Vécue dans la foi, aucune épreuve n’est stérile. Celle-ci m’aura, entre autre, rendu plus attentif à ceux qui sont blessés dans leur cœur et dans leur chair et qui endurent la souffrance, à eux qui sont rejetés, à ceux qui sont exclus. Les très nombreux témoignages de soutien, les confidences reçues à ce moment-là m’ont fait mieux percevoir encore combien nous, les prêtres, sommes aimés, attendus par les laïcs. Combien ils nous souhaitent proches d’eux. Au-delà des difficultés rencontrées, notre Église est belle, jeune, généreuse et missionnaire.
Depuis ce que j’écrivais alors, presque treize années se sont écoulées. Et ce n’est plus à partir d’une image que vous avez pu vous faire une opinion sur votre évêque. Vous avez pu mesurer ses défauts, ses faiblesses, et même ses dadas, et vous lui avez peut-être accordé quelques qualités.
Lorsque j’ai quitté la sacristie le jour de la célébration d’accueil dans le diocèse le cardinal Lustiger m’a dit : « Enracine-toi dans cette terre ». C’est ce que je me suis appliqué à faire de mon mieux. Y suis-je parvenu ou pas ? Vous seuls pouvez en être juges.
Chers prêtres, diacres, religieux, religieuses, pendant toutes ces années passées avec vous j’ai été le témoin de la manière dont vous exercez votre ministère dans une Église qui doit faire face au manque de prêtres. Vous êtes présents au milieu de vos communautés avec courage et dévouement. Vous vous donnez sans compter dans une société qui doute souvent de l’utilité de notre présence. Une société où, si nous avons failli à notre mission, l’opinion publique condamne avant même que la justice ait pu rendre sereinement son jugement.
Ce soir, je veux vous dire merci. Merci à ceux d’entre vous originaires des Hautes-Alpes. Merci aussi à ceux qui sont venus d’autres régions de France, et de plus loin encore, d’Afrique, de Madagascar, du Vietnam, pour rejoindre le diocèse. Merci à ceux que j’ai eu la joie d’ordonner prêtres. Au cours de cette célébration, je vous invite à porter dans votre prière les 41 prêtres dont nous avons célébré les funérailles au cours de ces treize années. Notre presbyterium n’est pas uniforme. Cela fait sa faiblesse, car qui se ressemble s’assemble, en excluant les autres. Mais c’est aussi sa richesse, car personne à lui tout seul n’épuise tous les charismes. Je me suis efforcé de maintenir l’unité de notre presbyterium, mais cela ne dépend pas seulement de l’évêque mais aussi de chacun. Et ce sont les fidèles qui font les frais de nos divisions, et au-delà le témoignage que nous devons donner de la personne du Christ.
C’est lui, le Christ, qui est la source de notre unité. Demandons lui de chaque jour la fortifier davantage. À l’heure où, comme aujourd’hui à Bruxelles, le monde est confronté à la violence aveugle de ceux qui pensent que l’on peut imposer la foi par la force, notre unité et le témoignage de l’Amour de Dieu sont notre réponse.
Mais ce soir, je veux saisir l’opportunité que nous offre l’année de la miséricorde voulue par le pape François et les circonstances de mon prochain départ pour me tourner tout d’abord vers vous prêtres, diacres, religieux et religieuses, pour vous demander pardon. Oui, je vous demande pardon si bien involontairement je vous ai blessés par maladresse, impatience, si j’ai été injuste, si vous avez le sentiment que je n’ai pas été disponible, pas assez à l’écoute, que je ne vous ai pas compris, si je n’ai pas été le père que doit être l’évêque pour chacun d’entre vous. Sachez qu’au-delà de ce qui a pu quelquefois détériorer pour un temps nos relations, mon affection pour chacun de vous, elle, n’a jamais été altérée.
Je me tourne aussi vers vous les fidèles de notre diocèse, mais au-delà aussi vers celles et ceux que j’ai côtoyés dans le département. Merci pour les témoignages d’amitié que j’ai souvent reçus, y compris, souvent, de ceux qui ne fréquentent pas l’église. Ces témoignages m’ont aidé à porter les critiques, les injustices, parfois même les calomnies, dont un responsable est souvent la cible. À vous aussi je demande pardon si je vous ai déçus, blessés, choqués par telle ou telle prise de position, telle ou telle décision.
Dans quelques instants, je vais consacrer le saint-chrême et bénir les autres huiles. Le saint-chrême qui sera utilisé pour l’accueil des nouveaux baptisés, au sacrement de confirmation et pour l’ordination des prêtres. L’huile des malades qui exprime la sollicitude de Dieu pour les personnes souffrantes, et l’huile des catéchumènes pour soutenir celles et ceux qui recevront le baptême. C’est dans ces sacrements que s’exprime l’amour de Dieu pour chacun de ses enfants.
Nous avons entendu dans l’Évangile : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la libération, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. »
C’est en priorité ce que le Christ nous demande de vivre. Mais ne faisons pas trop rapidement la lecture de ce texte. Lorsque le Christ parle des pauvres, il pense aussi à celles et ceux qui sont pauvres dans leur cœur et dans leur âme. Lorsqu’il parle des captifs, il ne pense pas seulement aux détenus, mais aussi à celles et ceux qui sont prisonniers de la haine, de la rancune, du désir de vengeance. Lorsqu’il parle des aveugles, il pense aussi à ceux qui ne regardent que leur nombril, ne voient pas les autres, et ne connaissent pas la joie de l’Évangile.
J’ai entendu récemment la phrase suivante : « La vie est un brouillon que l’on ne peut pas mettre au propre. » Erreur ! Si le Christ a donné sa vie pour nous c’est bien pour nous puissions mettre au propre le brouillon de nos vies. Pour cela il n’a pas craint de venir vers nous. N’hésitons pas à aller vers lui.
Que les fêtes pascales réjouissent votre cœur et le comble d’Espérance !