Réflexion de Mgr Michel Aupetit, évêque de Nanterre et accompagnateur de la Pastorale de la santé, pour le Dimanche de la Santé (14 février 2016) sur le thème : « Qui entendra nos cris ? ».
Nous avons tendance à croire que la prière est un jus pieux, gentil et sans beaucoup de caractère. Ce jugement ne correspond pas à ce que nous apprend la Bible. Dans le vocabulaire qui exprime la parole des orants, le mot « prier » est très souvent remplacé par le mot « crier ».
La prière qui s’élève vers Dieu de la part des prophètes ou bien dans les psaumes, n’est qu’un long cri permanent qui monte vers l’Éternel. Et cela commence très tôt avec Moïse.
À plusieurs reprises, Moïse crie vers le Seigneur (Exode 15, 25 ; 17, 4). Il en est de même pour Isaïe, sans parler de Jérémie dont la plainte continue lui a valu d’en faire un substantif et à qui Dieu demande à de nombreuses reprises de crier vers un peuple devenu sourd à la parole divine.
Qui sont donc ces gens qui crient vers Dieu ? Ce sont des pauvres du Seigneur, les anawim. Ceci correspond à ceux qui sont humiliés en même temps qu’à ceux qui se font humbles en face de Dieu : « Au temps de leur oppression, ils criaient vers toi » (Néhémie 9,4) ; « un pauvre crie, le Seigneur entend » (psaume 34, 7), etc.
Qui entend le cri des pauvres ? Qui se laisse déranger par eux ? Le Seigneur, le Dieu d’Israël ! C’est le grand leitmotiv de tout le Livre Saint. Alors que les oppresseurs sont toujours indifférents aux plaintes de ceux qui souffrent, comme le pharaon d’Égypte, le Seigneur affirme : « J’ai entendu son cri devant ses oppresseurs. » (Exode 3,7).
Ceci se retrouve également dans l’Évangile. Quand Jésus arrive à Jéricho, l’aveugle Bartimée se met à crier : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! ». Alors que tous, y compris les disciples veulent le faire taire, Jésus l’entend et l’appelle.
Paradoxalement, le peuple élu attend un messie qui restera silencieux : « il ne crie pas, il n’élève pas le ton » (Isaïe 42, 2). Celui-là, qui est la Parole de Dieu incarnée, est la véritable réponse au cri des Hommes. Ce n’est qu’au moment de sa mort que Jésus lancera un grand cri. « Eloï, Eloï, lema sabactani » (Marc 15, 33), exprimant ainsi en lui toute la prière de l’humanité qui crie vers le Père.
Le Christ, vrai Dieu et vrai Homme, unique Grand Prêtre selon l’épître aux Hébreux, réalise en sa personne l’alliance entre le cri des pauvres et la réponse du Père, entre la mort qui appartient à l’humanité et la résurrection qui appartient à Dieu.
C’est pourquoi les chrétiens, ses disciples, doivent toujours être à l’écoute du cri des malheureux, car ils savent que c’est le cri même de leur Seigneur : « ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matthieu 25,40) et imiter Jésus qui nous a demandé d’aimer comme il nous a aimés, afin que l’Amour infini, qui est la réponse ultime de Dieu au cri des hommes, se répande sur toute la terre.