Oeuvre magistrale et austère, et pourtant d’une rare intimité, le Via crucis de Liszt, composé en 1878, nous fait entrer dans les pas du Christ marchant au supplice. Pour les lecteurs de Cyrano, nous analyserons deux passages de l’œuvre de Listz, caractéristiques de la foi profonde mise en musique par le compositeur hongrois.
Vexilla Regis, un chant gregorien
Le Vexilla Regis est avant tout un chant grégorien du premier mode. Ce qui veut dire pour nous que la note principale est présente avec une modulation supérieure sur Si bémol. La seconde est Fa et la finale Ré. Remarquez déjà que pour la musique tonale qu’utilise Liszt avoir une finale en Ré suppose une tonique (nom de la gamme) en Ré et pour avoir une modulation sur Si bémol, il faut être en Ré mineur. La tierce de Ré est Fa. En choisissant comme tonalité Fa Majeur pour ce Vexilla Regis, Liszt peut jouer sur toutes les notes importantes du premier mode.
En musique, aucun choix de composition n’est jamais anodin ni neutre. Ainsi, dans la classification Schubart, la tonalité Fa Majeur indique le repos, quand Ré mineur exprime le spleen et le malaise. Ici, le choix d’une tonalité en Fa Majeur pour le Vexilla Regis semble montrer que pour Listz, dans cette tension, le repos est la Croix. Notons la finesse de la composition : la croix est victorieuse de la mort, sur fond de Ré mineur qui symbolise aussi la mélancolie féminine, celle donc des pleureuses juives.
Faisons maintenant un parallèle avec La Rédemption de Gounod qui à la même époque (1882) mettra aussi en musique, d’une manière totalement différente, leVexilla Regis. Dans sa préface introductive, Gounod nous invite à considérer les deux mouvements de l’Eglise depuis le Via Crucis, à savoir le salut plein d’espérance et la douleur de la persécution. Il convient donc de camper cette ambiance faite de souffrance, mais aussi et surtout d’espérance. Ce Vexilla victorieux est donc placé au début du chemin de croix et en constituera le leitmotiv. Je vous laisse repérer et du coup donner du poids aux notes importantes et au passage de l’une à l’autre… Ré ; Fa ; Si bémol.
Lire la suite sur Cyrano.net
Cyril Brun