Des leçons que l’Occident peut commencer à intégrer pour lui-même
Les trois leçons des martyrs
Il n’existe qu’un mot pour dire ce qui arrive aux chrétiens au Moyen-Orient : martyre. Le témoin désarmé démasque le contre-témoignage du djihadiste et met à nu le virus qui a détruit des pays entiers, de la Syrie à l’Irak : la recherche de la victoire à tout prix, par l’anéantissement de l’autre. L’Europe, distraite, trop longtemps repliée sur son propre narcissisme, se découvre, aujourd’hui, impuissante
« L’histoire de l’Église, la véritable histoire de l’Église, est l’histoire des saints et des martyrs : les martyrs persécutés ». C’est en ces termes que le pape François1 rappelait récemment, avec une force singulière, tout le « cas sérieux » de l’existence chrétienne : le témoignage auquel chaque baptisé est appelé, même devant la persécution, même – si Dieu le lui demande – jusqu’à l’effusion du sang. C’est une réalité, prévue sans ambages dans le discours missionnaire du chapitre 10 de l’Évangile de Matthieu, et confirmée par 2 000 ans d’histoire. Mais la toucher de la main aujourd’hui parmi les réfugiés d’Erbil, comme j’ai pu le faire en juin dernier à l’invitation des Patriarches Béchara Raï et Louis Sako, est une expérience qui reste gravée dans la mémoire et dans le cœur. Elle confère une lumière nouvelle pour regarder les évènements tragiques du Moyen-Orient – les flammes d’une guerre qui ne semble pas s’apaiser – et leurs retombées sur une Europe trop apathique et repliée sur elle-même, qui ne semble que récemment se réveiller de la torpeur dans laquelle elle a sombré.
Saint Maxime le Confesseur, reprenant une expression paulinienne (1Co 2,16), affirme qu’avoir « la pensée du Christ » signifie penser selon le Christ, mais surtout « Le penser en toutes choses »2 : tel est le sens de l’Incarnation, tel est le génie du Christianisme. Que signifie alors avoir la pensée (la mens) du Christ devant ce qui se passe au Moyen-Orient ? Je crois que cela signifie, avant même toutes les considérations géopolitiques, économiques ou stratégiques, se trouver devant une simple constatation : sur ces terres, c’est un martyre qui se consume. Ce fait, que nous avons du mal à regarder en face, a une importance énorme, j’en suis convaincu, non seulement pour l’Église, mais aussi pour une compréhension plus profonde à la fois des racines de la conflictualité persistante au Moyen-Orient, et de l’impuissance dans laquelle se débat l’Occident. La pensée du Christ est un principe qui explique le réel, tout le réel, et il me semble qu’elle nous confie ici au moins trois leçons.
Un trésor précieux
La première concerne la place du martyre dans la vie de l’Église. Ce n’est pas ici le lieu de récapituler la longue histoire du Christianisme oriental : d’autres l’ont fait de façon excellente, y compris dans ce numéro d’Oasis. Mais c’est un fait que se sont entrecroisés ces dernières décennies dans cette région du monde deux phénomènes particulièrement tragiques : d’un côté, la tentative de construire des États plus homogènes, en absorbant et « normalisant » les minorités ethnico-religieuses ; de l’autre, un retour du fondamentalisme islamiste qui, à partir des années 1960, a réintroduit un langage religieux et des pratiques discriminatoires qui semblaient désormais définitivement dépassés. On pouvait difficilement imaginer qu’au début du XXIe siècle, on allait recommencer à parler de jizya, l’impôt sur les non-musulmans, qui heurte toute conception moderne d’égalité des droits et des devoirs ! Et pourtant, c’est arrivé, bien avant que l’EIIL ne devienne un phénomène médiatique. Puis l’effondrement de beaucoup d’États du Moyen-Orient, ratifié par les révoltes de 2011, a enclenché la dernière, radicale, étape : de la discrimination on est passé à la persécution ouverte, qui a contraint des populations entières à abandonner en toute hâte leurs maisons pour ne pas être massacrées.
Il appartiendra aux historiens de prononcer un jugement sur ce processus de longue durée, dans lequel certainement les communautés chrétiennes ont commis des erreurs d’appréciation. Mais ce qui frappe le plus aujourd’hui, ce sont les faits dans leur crudité : « Pensons à nos frères égorgés sur la plage de Libye ; pensons à ce jeune garçon brûlé vif par ses camarades parce que chrétien; pensons à ces migrants qui sont jetés à l’eau en haute mer parce que chrétiens; pensons à ces Ethiopiens, assassinés parce que chrétiens »3.
Ces épisodes provoquent avant tout notre foi, à chacun de nous ; ils insufflent une nouvelle vigueur à la tension vers la sainteté en nous incitant à sortir de nous-mêmes. Personnellement, quand j’ai visité les camps de réfugiés d’Erbil, j’ai été impressionné par les conditions de dénuement radical dans lesquelles les réfugiés chrétiens – et des autres minorités persécutées – sont contraints à vivre après avoir dû, en quelques heures, abandonner leur ville, leur maison, leur travail devant l’avancée hostile des terroristes. Et pourtant, dans une situation si difficile, à la limite du tolérable, j’ai vu en eux une dignité admirable. Mais ce qui, plus que tout, continue à m’interroger et à me provoquer, c’est la foi extraordinaire qui anime leur espérance, même face à un avenir qui apparaît comme en suspens.
Notre perspective limitée ne nous permet pas de mesurer l’effet de ces témoignages, à l’intérieur et au dehors de l’Église. Nous ne savons qu’une seule chose, avec certitude : c’est un trésor trop précieux pour être dilapidé. C’est là justement le motif pour lequel la décision d’instaurer une journée des nouveaux martyrs du Moyen-Orient me semble particulièrement urgente4. Sans renier les spécificités de chaque rite et des autres églises et communautés chrétiennes qui vivent dans la région, cette commémoration pourrait assumer la forme d’une journée commune aux différentes confessions chrétiennes, pour célébrer la mémoire des martyrs modernes qui, dans la diversité de leur appartenance, paient de leur vie leur fidélité au Christ de nos jours et au Moyen-Orient. Une telle journée serait en outre une occasion providentielle pour demander pardon pour les divisions entre les chrétiens, divisions qui ont même entraîné dans le passé des conflits sanglants entre les différentes communautés. C’est l’œcuménisme du sang dont parle si souvent le pape François. La tragédie qui frappe la région pourrait alors devenir une occasion propice pour surmonter ce qui sépare et rechercher ce qui unit ; ainsi, même le mal de la persécution pourrait se muer et devenir un bien, le bien d’une plus grande unité5.
La vraie victoire
Et pourtant, la leçon que les chrétiens orientaux livrent au monde n’est pas une simple affaire intra-ecclésiale. Elle a aussi des enseignements politiques très concrets à offrir, qui permettent d’identifier de manière plus profonde le virus qui a détruit des pays entiers, de la Syrie à l’Irak. D’où vient en effet cette maladie ? De la recherche de la victoire à tout prix, à travers la domination et l’anéantissement de l’adversaire. Aujourd’hui au Moyen-Orient, c’est toute une agitation frénétique, conclure des alliances, les défaire, appeler au secours de toujours nouveaux protecteurs étrangers, en une surenchère de violence qui finit par s’alimenter elle-même. Et pourtant, on n’a jamais vu aussi clairement qu’aujourd’hui que cette voie ne conduit qu’à la mort et à la destruction. Le processus de « dé-humanisation » qui s’ensuit investit tout d’abord celui qui est « religieusement différent », mais il ne s’arrête pas là. Après les non-musulmans, c’est le tour des musulmans d’autres confessions (sunnites contre chiites, et inversement), puis des musulmans « déviants », enfin de tous ceux qui ne peuvent exhiber une parfaite orthopraxie, selon un schéma d’intolérance progressive déjà souvent manifesté.
Face à un tel projet, les martyrs d’aujourd’hui disent clairement « Non! ». Ceci n’est pas la voie pour le Moyen-Orient. Plus d’homogénéité ne signifie pas moins de conflits, parce qu’il y aura toujours quelqu’un de « plus fondamentaliste que moi », qui cherchera à me plier à son credo. Et ce n’est pas cela, la victoire à atteindre, même sur le plan temporel. La victoire authentique, en effet, c’est la Pâque, c’est le Christ Ressuscité qui accepte de porter sur lui le péché du monde et, par son obéissance, détruit le corps du péché (cf Rm 6,6). Une victoire de portée universelle qui embrasse même celui qui ne croit pas.
Ce faisant, le martyr démasque en sa racine même le contre-témoignage du djihadiste, de l’homme-bombe, en montrant où se situe l’erreur de tout fondamentalisme : dans la prétention de pouvoir briser le binôme inséparable de vérité-liberté. Mais il ne le démasque pas seulement : il guérit aussi, et répare. Si de fait l’homme-bombe pense pouvoir imposer sa vérité sans tenir compte de la souffrance de ses victimes, par contre le martyr, lui, en souffrant ce que devait souffrir le coupable, ôte au mal son irréparabilité. Il y a donc dans cette histoire de martyre une importance culturelle et politique de la Croix Glorieuse qui attend encore d’être pleinement mise en valeur. Et ceci entre autres pourrait suggérer une manière nouvelle de présenter ce point capital de la foi chrétienne, depuis toujours motif de scandale. Car aujourd’hui aussi, la logique de la Croix glorieuse reste la seule capable d’illuminer à fond les choix politiques. Et les martyrs le témoignent, non par des mots, mais dans les faits.
Changer de pas
Mais l’épreuve si dure que traversent les communautés chrétiennes orientales met aussi impitoyablement en lumière l’abdication de l’Occident. Tandis que les États-Unis contribuaient activement à la déstabilisation de l’Irak, l’Europe, elle, a donné la preuve de toute son impuissance en Syrie. Trahissant sa mission historique de défendre la liberté et ce que l’on appelle les « valeurs européennes » qu’elle voudrait à présent opposer au terrorisme, l’Union a préférer regarder ailleurs. Prise par son propre narcissisme, elle a ignoré le conflit, à l’exception de quelques actions humanitaires sur les frontières, elle a fait semblant de ne pas voir la montée rapide de la haine sectaire, les centaines de milliers de morts et les millions de déplacés, et elle s’est réveillée uniquement lorsque les colonnes de réfugiés ont commencé à se presser sur ses frontières.
Maintenant, c’est l’urgence, et l’urgence n’est jamais bonne conseillère, parce qu’elle confond des phénomènes différents : les réfugiés, qui proviennent en grande partie du Moyen-Orient, et les migrants partis pour des raisons économiques, originaires d’autres pays, et pour qui doivent valoir des logiques différentes, encore que dans le respect absolu de la dignité de chaque personne. En dépit de tous les retards, de toutes les fermetures, il semble que quelque chose commence finalement à bouger au niveau politique, pour passer d’une gestion au jour le jour à une vision structurelle, avec la claire conscience que le processus est trop vaste pour pouvoir être dominé. Mais en ce qui concerne les réfugiés, leur accueil, qui est un devoir, reste de toute façon une solution de repli : le véritable objectif à long terme – les évêques orientaux ne se lassent pas de le répéter – est de faire de nouveau du Moyen-Orient une région vivable pour tous, une région où il soit possible de projeter un avenir.
Comme on l’a rappelé de plusieurs côtés, ceci requiert probablement dans l’immédiat une action plus courageuse pour arrêter l’agresseur injuste. En effet, « arrêter l’agresseur injuste est un droit de l’humanité, mais aussi un droit de l’agresseur, d’être arrêté pour ne pas faire du mal »6. Il faudra aussi prendre acte que dans beaucoup de cas, les années de guerre ont porté des blessures si profondes entre les différentes communautés qu’il sera difficile d’imaginer dans l’immédiat de reprendre un chemin ensemble. Et il faudra commencer à parler du droit au retour pour les réfugiés.
Toutefois, pour que toute initiative puisse avoir quelque chance de succès, il est absolument prioritaire d’élaborer une sorte de « Plan Marshall », qui garantisse la possibilité de choisir de rester sur place ou d’y revenir ; exactement comme il en fut en Europe à la fin de la deuxième guerre mondiale, alors qu’un continent en ruines trouva en quelques années la voie pour renaître de ses cendres. Le pouvoir énorme que la technologie nous accorde porte avec lui une capacité préoccupante de destruction, dont le Moyen-Orient fait aujourd’hui l’amère expérience. Mais il offre aussi la possibilité d’inverser des situations qui semblent irrémédiablement compromises. Parce que, comme l’écrit le pape François dans son encyclique Loué sois-tu(n. 13) « le Créateur ne nous abandonne pas, jamais il ne fait marche arrière dans son projet d’amour, il ne se repent pas de nous avoir créés. L’humanité possède encore la capacité de collaborer pour construire notre maison commune ».
Source Belgicatho
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1 Le Pape François, Homélie, Messe du 21 avril 2015
2 « Moi aussi, en effet, je dis que j’ai la pensée du Christ, qui pense selon Lui et Le pense à travers toutes choses » (Maxime le Confesseur, Il Dio-uomo, Jaca Book, Milano 1980, p. 103)
3 Le Pape François, Homélie, Messe du 21 avril 2015
4 Du reste, déjà la propositio 29 présentée au pape Benoît XVI au terme du Synode pour le Moyen-Orient le 26 octobre 2010 suggérait d’« instituer une fête commune annuelle des martyrs pour les Églises d’Orient, et demander à chaque Église orientale d’établir une liste de ses propres martyrs, témoins de la foi »
5 Cela a été l’un des aspects soulignés avec le plus de force lors de la matinée de confrontation sur l’avenir des chrétiens orientaux à laquelle j‘ai eu la possibilité de participer à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth le 18 juin dernier
6 Conférence de presse du pape François lors du vol de retour de la République de Corée, lundi 18 août 2014
L’EUROPE ET DES AUTRES GOUVERNEMMENTS ENTRE L’INDIFFÉRENCE ET LA CUMPLICITÉ – et leurs électeurs la derrière!
Le nombre de Chrétiens persécutés dans le monde oscille entre 100 et 150 millions d’âmes et ce chiffre, en hausse constante, fait du christianisme la religion la plus persécutée du monde.
Selon Portes Ouvertes, “un chrétien meurt toutes les 5 minutes” et “sur 131 pays de culture chrétienne, il n’y en a pas un seul où la législation sur la liberté religieuse laisse à désirer.
Sur 49 pays de culture musulmane, 17 ne tolèrent aucune autre religion et contrôlent étroitement les croyants non musulmans, 19 reconnaissent théoriquement la liberté religieuse mais ne l’appliquent pas en pratique. Les chrétiens restent le groupe religieux le plus discriminé dans le monde: 75 % des cas d’atteintes à la liberté religieuse les concernent”.
Et le pire dans cette christianophobie mondiale est l’indifférence qui l’entoure, à commencer des pays ex-chrétiens que ont devenus des matériel-athéistes, en éligeant des gouvernements communistes, comme de la France, le Brésil et des autres et avec de l’aide de plusieurs des fausses réligieux catholiques infiltrés dans l’Église et beaucoup de pasteurs des sèctes protestants!
Tous ceux ci-dessus sont des persécuteurs des chrétiens aussi!
Certes, les attentats contre des Chrétiens en Irak ou en Egypte en 2010-2011 revendiqués par Al-Qaïda furent fort médiatisés, mais les nombreux cas de “christianophobie ordinaire”, commis au nom des législations en vigueur ou avec la complicité des autorités, sont ignorés.
Ceci s’explique par le fait que les mythes fondateurs du politiquement correct et la “politique d’apaisement” empêchent de désigner les bourreaux, et ceux qui votent ou appuient les communistes sont la derrière des persécutions contr les chrétiens, comme le PS de l’Hollande, parce que les communistes sont des alliés des islamites, et ils s’appuient les uns les autres!
Votez les communistes et les socialistes et aidez la pérsecutions aux chrétiens par les mussulmans aussi!
L’Europe à la fin de la 2eme guerre mondiale était un continent en ruines, ruines matérielles mais pas ruine morale, en 30 ans, la France s’était relevée. Les Syriens, les Irakiens qui ont collaboré à la ruine de leur pays auront besoin de se relever moralement pour reconstruire leur pays
” L’Europe, distraite, trop longtemps repliée sur son propre narcissisme, se découvre, aujourd’hui, impuissante”
” l’Europe, elle, a donné la preuve de toute son impuissance en Syrie”
Ils plaisantent à Belgicatho? Ils veulent rester “gentils”?
L’Europe est partie prenante dans l’armement et le soutien à l’état islamique, obéissant aux ordres des siono-américains. Ils ont détruit l’Irak, ils ont détruit la Libye, ils veulent détruire la Syrie. Et on appelle cela de l’impuissance? Le pouvoir de nuisance et de malfaisance de nos gouvernements occidentaux est infini. Non seulement en armant les terroristes et en déclenchant le massacre et l’exode des populations, ce qui est déjà très grave, mais en faisant la promotion de la culture de mort tous azimuts.