Mgr Nicolas Brouwet, évêque de Tarbes et Lourdes depuis 2012, est interrogé dans le numéro de septembre de La Nef :
“Dans son encyclique Laudato si’ (LS), le pape François appelle à revoir nos modes de vie consuméristes : un tel appel ne conduit-il pas à une remise en cause fondamentale du fonctionnement de nos sociétés développées ?
Il y a une conception du progrès scientifique et technique qui tente de diviniser l’homme en lui proposant de dominer la nature, de s’en servir à son gré, de l’utiliser pour son profit personnel comme si l’humanité ne se définissait que par la maîtrise, la possession, la manipulation. On se rend compte que ce progrès-là génère de profondes injustices car il ne profite qu’à quelques-uns : ceux qui ont le savoir, ceux qui ont le pouvoir financier et politique ; il profite également à la génération qui exploite les ressources actuelles sans penser au monde qu’elle laissera derrière elle. En oubliant Dieu, on finit par oublier l’homme. Celui qui se prend pour dieu impose sa volonté de puissance à ceux qui l’entourent. Le pape explique comment le progrès technique, dont nous profitons tous parce qu’il nous permet de vivre mieux, parce qu’il est un facteur d’humanisation, a aussi causé des inégalités, de l’exclusion, de la fragmentation sociale, de la violence. Cela remet en cause les évolutions et les modèles sociaux que nous tenions pour acquis.
À l’inverse il y a une forme d’écologie qui, par réaction, ne voit plus dans l’homme qu’un prédateur, un danger pour la nature. Comme si la seule solution était de le disqualifier. C’est une écologie extrêmement pessimiste et angoissante.
Le pape François rappelle que si nous professons la toute-puissance de Dieu c’est précisément pour renoncer à la nôtre, à notre prétention de tout soumettre à nos désirs et à nos rêves. Cela ne conduit pas pour autant à diviniser la nature. Elle est fragile, limitée dans ses ressources, extrêmement vulnérable. L’homme a une responsabilité sur elle. Non pour l’épuiser et la soumettre, mais pour la cultiver et en prendre soin, la protéger de lui-même.
Une écologie intégrale doit remettre l’homme et la société au cœur de ses préoccupations parce que c’est l’homme qui est le véritable gardien de la Création. Non comme un maître mais plutôt comme un frère. Voilà le message de saint François d’Assise rappelé par le pape ; il est urgent de retrouver le langage de la fraternité et de la beauté dans notre relation avec le monde. « Un monde fragile, avec un être humain à qui Dieu en confie le soin, interpelle notre intelligence pour reconnaître comment nous devrions orienter, cultiver et limiter notre pouvoir » (LS, 78).
D’une façon plus générale, comment avez-vous reçu cette encyclique ?
Cette encyclique est d’abord un appel urgent à opérer des changements dans nos styles de vie, de production, de consommation afin de préserver notre « maison commune ». Le pape ajoute : « Il faut écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » (LS, 49).
Elle est aussi un formidable moyen pour dialoguer avec ceux qui se préoccupent de ces questions, qu’ils soient croyants ou non. Tout le monde est favorable, je crois, à la préservation de la nature, à la qualité de notre environnement, à la nécessité de transmettre aux générations futures un monde dans lequel elles pourront vivre ; mais, parallèlement, on ne voit pas comment renoncer à son confort, aux dernières innovations technologiques, à des façons de consommer, parce qu’on conçoit le progrès comme un accroissement incessant de facilités, de simplification, de loisirs, de commodités personnelles. Et si le progrès était autre chose ? L’encyclique nous permet de poser cette question sans être taxé de réactionnaire, de défaitiste, de peureux ou de moralisateur.
Par ailleurs, en recentrant le débat, ce texte donne à l’écologie ses lettres de noblesse dans le monde catholique. Il ne s’agit plus d’une option, d’une préoccupation sympathique mais d’un véritable engagement de toute l’Église.
Le synode sur la famille donne lieu à des débats passionnés, notamment sur la question des divorcés remariés ; le pape François, semble-t-il, a voulu « libérer » la parole, quitte à laisser s’exprimer au sein même de l’Église des positions contradictoires : comment analysez-vous cela ?
Il est normal qu’il y ait des débats dans l’Église. Et théologiques, et pastoraux. Il est normal que nous nous mettions à l’écoute des couples qui traversent des épreuves, ou des chrétiens qui se sont remariés civilement. Il est normal que, sur des questions nouvelles, nous puissions échanger et tenter de nous entendre sur une ligne pastorale. Mais il faudrait peut-être aussi définir les conditions du débat : s’appuyer sur l’Écriture, la Tradition et le Magistère ; se garder de l’esprit du monde, et, en particulier, des groupes de pression ; être attentif aux raccourcis médiatiques… Il serait nécessaire aussi de bien cerner l’objectif du synode.
Précisément, face à ce flou, est-il opportun de mettre sur la place publique les divergences qui se manifestent jusque parmi les cardinaux, au risque de décevoir forcément une partie des chrétiens ?
Il ne m’appartient pas de faire le synode à la place des évêques. Laissons le Saint-Esprit conduire l’Église comme il l’entend. Le mariage sacramentel est en passe de devenir, en Occident, un choix de vie conséquent, peut-être aussi fort que celui de la vie consacrée. Parce qu’il doit être l’objet d’un soin de chaque jour et qu’il exige de prendre les moyens de s’aimer en vérité, de se parler, de se pardonner, de construire et de reconstruire, de chercher le bien de son conjoint et de ses enfants, en s’appuyant sur la grâce. Le mariage n’est plus cette institution naturelle dans laquelle on entrait comme par automatisme mais une décision, une vocation, un appel auquel on répond face à Dieu, en disciple de Jésus.
Il me semble que, paradoxalement, face à ces remises en cause, le temps du mariage et de la famille est venu. Comme un témoignage, au milieu du monde, de l’Alliance irrévocable que Dieu a scellée avec l’humanité, comme un témoignage de l’amour inconditionnel de Dieu pour tous les hommes.
Désormais la famille chrétienne est en mission, petite église vivante dans nos quartiers et dans nos villages. Et le Christ appelle les époux à cette mission, pour témoigner d’un amour qui se nourrit de la grâce de l’Esprit Saint, qui bâtit la communion jour après jour dans les joies comme dans les épreuves, dans la force et dans les faiblesses.
Pour aller au-delà de cette question très médiatisée qui polarise toute l’attention, qu’attendez-vous de ce synode ?
J’attends du synode qu’il soutienne le mariage et la famille dans sa vocation missionnaire. Et qu’il ouvre des pistes pour soutenir les familles, les encourager, les nourrir, les aider à réaliser la grandeur de leur appel. Nous écoutons la voix de ceux qui, remariés, voudraient pouvoir communier sacramentellement. Mais il y a aussi le silence de ceux qui, face aux difficultés conjugales, ont perdu la foi dans la grâce du mariage et se sont éloignés de Dieu parce que, dans le combat spirituel qu’ils ont mené pour sauver leur engagement, ils ont eu le sentiment d’être en échec, de n’avoir pas été à la hauteur, d’avoir été abandonnés. Ce devrait être, pour nous, une interrogation majeure. Comment soutenir dans leur foi les époux en difficulté ? Comment encourager dans la vie chrétienne ceux qui sont tentés de perdre toute confiance dans la grâce de l’Esprit Saint ? […]”
Lucide, cet Evêque tient le cap ainsi que quelques autres malgré les vents contraires et sulfureux!
Voilà donc expliqué comment, d’un Mal, peut sortir un Bien. C’est dans cette sorte de réflexion qu’on croit entendre la voix de l’Esprit Saint.
Quelle langue de buis à la mode 2015, quel baratin!
Si on n’avait que des prélats comme celui-là pour opposer une résistance à des folies comme celle qui se tramait à propos de la communion aux divorcés-remariés, on serait mal. Heureusement qu’on a Sarah, Burke, Müller, et d’autres encore. Grâce à eux, mais grâce à eux seulement, car ce sont des rocs à l’esprit aussi juste que droit, on évitera sans doute de telles folies..
Je souligne en particulier quelque chose de biaisé dans le discours tenu ici sur la question des divorcés-remariés. Non, ça n’est pas une question nouvelle. Au contraire, justement, l’Evangile (de Saint Matthieu, en 19,10) nous a mis en garde dès le départ sur le fait que le commandement de ne jamais se remarier après un divorce était exigeant et difficile à accepter. En témoigne la réaction des disciples apprenant que Jésus le leur commande : “Si c’est ça, mieux vaut ne pas se marier”. C’est insidieux d’occulter cette annonce prophétique que les hommes auraient du mal à accepter ce commandement là ( c’est le seul commandement à avoir donné lieu à cette annonce),et d’avoir l’air de dire que l’on est affronté à quelque chose de nouveau, car on insinue ainsi qu’à problème nouveau peut et même doit répondre une solution nouvelle. Or justement, il n’y a rien de nouveau.
Dans une interview récente ( dernier numéro de l’homme nouveau), le Cardinal Burke, lui, ne manque pas de souligner ce point de l’Evangile de Matthieu, en évoquant le “poids” très clair, et dont témoigne la réponse des Apôtres, qui pèse sur” ceux qui sont appelés à la vie conjugale.”
Paul a bien raison.
Plus généralement, l’attitude de nos évêques en France ne va pas du tout sur cette question de la communion aux personnes divorcées remariées. IL N’Y EN A PAS UN SEUL pour avoir pris clairement position contre cette pure folie.
Sainte Hidegarde de Bingen dit dans le livre “Les mérites de la vie” : On pardonne non au coupable mais au pénitent. Donc, si on donne la communion aux remariés etc, cela les enfoncent si j’ai bien compris !
Pour ce qui est de refuser la communion à celle-ci ou a celui-là…
Est-ce que Jésus a refusé la communion à Judas lors de la dernière Cène? S’il y a quelqu’un qui connaissait bien l’état de l’âme de Judas, c’est bien Jésus, et pourtant il l’a laissé communier.
Il faut quand même que l’Église dispense son enseignement. On a pas à tasser des personnes, fussent-elles pécheurs (pécheresses) publics – ques, comme si on leur disait : Toi, tu peux comminier. Toi, tu peux pas. Jésus s’arrangera avec ça.
Jésus a laissé Judas communier. Quand j’ai découvert cela, j’ai changé d’idée sur ce refus de donner la communion.
A Benoit Roy
Oui, mais Judas n’avait pas encore péché à ce moment. Et la référence à ce cas là est de toute façon quand même un peu hasardeuse. Là, il fallait que la Parole, et donc le péché, s’accomplissent. Peut-être d’ailleurs Jésus savait-il que Judas regretterait sa faute dès la Parole accomplie. On est vraiment sur un sujet théologiquement compliqué, et il est plus qu’hasardeux de vouloir en tirer des conclusions sur le thème de la miséricorde.
Considérons plutôt tous les autres cas présents dans l’Evangile. Or, il est impossible de trouver un seul cas dans l’Evangile où la miséricorde Divine n’a pas été de pair avec la conversion concomitante du pécheur. Alors que dans le cas de divorcés remariés qui ne prévoient ni de se séparer ni de pratiquer la continence, le pécheur prévoit la continuation de son péché. Il est objectivement à l’opposé du repentir. Au mieux, il se repend peut-être d’avoir divorcé s’il en a eu l’initiative, ou de s’être remarié, mais il demeure pour l’avenir dans son péché alors que rien ne l’y oblige, notamment pour ce qui concerne son choix de ne pas pratiquer la continence.
On ne peut se marier deux fois
Je suis d’accord avec cette règle fondamentale de l’Église
Ne pas manger la chair du Seigneur revient à mourir nous enseigne le Christ comme le rappelle Saint Jean au chapitre 6
Alors que faire pour les divorcés remariés ?
Et si l’on méditait le dialogue de Jésus avec la Samaritaine ?
Voilà un bon plan pour le synode !
Jean-Christophe