Un Américain de Géorgie, Gary Phebus, cherche à mettre fin à sa propre vie en donnant tout de suite ses organes vitaux, une fin qu’il juge préférable à la dégradation annoncée de son état de santé. Agé de 62 ans, on lui a diagnostiqué en 2008 une maladie neurologique incurable, dite maladie de Lou Gehrig ou maladie de Charcot, qui va peu à peu entraîner une paralysie complète sans perte sensorielle, et qui provoque la mort en moins de trois ans dans 50 % des cas. (Parmi ses victimes célèbres, et d’un grand courage : David Niven.)
Donc, Gary Phebus est malade et ne voit pas que faire d’autre. « Je veux vivre, mais je ne vois pas d’autre issue », a-t-il expliqué. Il s’estime sous le coup d’une condamnation à mort, même si la maladie ne l’a pas encore définitivement handicapé, et pense qu’en donnant ses organes – au cours d’une procédure qui le tuerait – il ne fera qu’accélérer un peu les choses tout en sauvant les vies de 5 à 10 personnes pendant que ses organes sont encore récupérables.
Et sa femme, Patti, et ses quatre enfants ont approuvé sa démarche que l’on peut juger incroyablement généreuse, même si elle part d’une conception disproportionnée du don de soi. « Je n’ai pas l’impression qu’il s’agisse d’un suicide », insiste Gary Phebus : « J’essaie de donner une chance à d’autres gens. »
Choix impossible – en l’état actuel de la législation fédérale – puisque le prélèvement d’organes vitaux est interdit tant qu’un individu n’est pas « mort », par mort cardiaque ou mort cérébrale. La seule façon d’obtenir les organes de Gary Phebus en attendant cela serait, pour les médecins, de lui procurer un suicide assisté – ce qui est interdit – et encore en maîtrisant suffisamment l’affaire pour que les organes vitaux n’aient pas le temps de se dégrader par défaut d’oxygénation.
C’est bien pour cela que la « mort » a été redéfinie, selon des critères très disparates, dans la plupart des pays du monde, pour déclarer « morts » et donc apte à donner des organes vitaux comme le cœur des gens qui continuent de respirer et dont le cœur bat toujours mais dont le cerveau ou une partie du cerveau a cessé de fonctionner. Cela pose déjà des questions morales et humaines qui demandent d’être réfléchies.
Le « cas limite » qui se dessine ici autour de Gary Phebus, par sa propre volonté, pourrait avoir pour effet même si celui-ci n’est pas consciemment recherché, de faire glisser encore les frontières de la définition de la vie et de la mort.
Comme toujours il y a un objectif bon, qui tend à faire oublier le caractère discutable de la solution proposée selon le schéma : « La fin justifie les moyens. »
Ici la réalité tient en quelques mots : accepter qu’un homme décide de se laisser mettre en situation de se laisser prélever des organes au cours d’une opération par elle-même homicide, c’est poser qu’en certains cas la vie ne mérite pas ou plus d’être vécue et qu’elle peut devenir dès lors matériau au service d’autres vies.
Sources : BioEdge, Cherokee Tribune.