Le gouvernement français souhaite à nouveau faire évoluer la loi relative à l’accompagnement des personnes en fin de vie. L’Église s’organise en créant un groupe de travail sur la fin de vie. Le Premier ministre a demandé à deux députés, Jean Leonetti (UMP) et Alain Claeys (PS), de préparer un nouveau texte de loi sur le sujet. Ils ont déjà auditionné Mgr Pierre d’Ornellas, le 1er octobre : le texte de son intervention peut-être consulté ici. En voici un extrait :
L’euthanasie n’est pas un geste de soin, mais un échec de l’accompagnement médical. Il en est de même pour l’assistance médicale au suicide : il transforme la fraternité, grâce à laquelle on accompagne dans la vie, en une solidarité pour la mort. Réclamer le suicide assisté, c’est engager l’autre dans une décision mortelle pour soi-même. C’est l’entraîner dans une complicité vers le choix de mort. C’est finalement rendre trouble le regard que ce « frère » porte sur l’homme et sur sa valeur, pour progressivement le rendre aveugle sur la vie humaine. C’est en définitive engendrer de la violence.
La légalisation de l’assistance médicale au suicide serait un échec du législateur qui enverrait un message extrêmement troublant sur la valeur éthique de la vie humaine. Quelle valeur éducative et quel guide serait une loi civile qui, en fournissant une aide médicale à la personne qui veut se suicider et en demandant aux citoyens de financer cette aide, exprimerait publiquement que le suicide assisté est un bien pour la personne ?
Et comment cette loi ne serait-elle pas discriminatoire ? En effet, elle préciserait les conditions pour lesquelles une personne pourrait être assistée dans son suicide. Mais alors toutes les personnes qui ne rempliraient pas ces conditions se verraient interdire cette assistance, alors même qu’elles souhaitent le suicide sans avoir la capacité de poser l’acte ? Une fois la porte ouverte, la loi élargirait nécessairement les conditions.
La demande de suicide ne provient-elle pas le plus souvent d’un défaut d’accompagnement ? Celui-ci doit restituer une atmosphère familiale de telle sorte que la personne sente son appartenance à l’humanité et se sache aimée. Sans doute faut-il du temps pour que certaines psychologies finissent par trouver la paix et ne plus être taraudées par la tentation du suicide. Le témoignage des Petites Sœurs des Pauvres fondées près de Rennes est éloquent : dans leur nombreuses Maisons pour personnes âgées, souvent pauvres, parfois sans familles, où travaillent des professionnels de santé, elles n’entendent pas de demandes de suicide.
Face aux demandes, la loi pourrait être un guide qui promeuve un accompagnement renforcé, voire spécialisé. En effet, la loi civile, pour être éducatrice de paix et de douceur dans notre société, se doit d’être cohérente. Comment se conjuguerait l’offre d’une assistance au suicide avec l’inquiétude exprimée dans le Rapport remis en octobre 2013 à la Ministre en charge des personnes âgées ? Ce rapport du Comité National pour la Bientraitance et les Droits des Personnes Âgées et des Personnes Handicapées (CNBD), intitulé Prévention du suicide chez les personnes âgées, proposait des mesures judicieuses pour lutter contre ce fléau. Comment dire dans le même temps que le suicide est un malheur qu’il convient de combattre, et que dans certaines circonstances il serait un bien et un droit ?
Sur le suicide lui-même, le droit français s’abstient. Cette abstention n’est pas acquiescement. Car une société pleinement humaine ne saurait approuver le suicide, encore moins l’offrir à l’admiration publique, sans provoquer des dommages collatéraux pour les plus fragiles des siens. La société dans sa fausse bienveillance proposerait une étrange issue aux situations difficiles : la mise à disposition d’un poison mortel. Le suicide ne serait plus alors ce que les juristes appellent une « liberté personnelle », c’est-à-dire un acte non punissable, mais un droit opposable. Un abîme sépare une telle liberté et un tel droit ! Si tant est qu’il s’agit encore d’une liberté, car on ne se suicide point par choix mais parce que l’on n’aperçoit pas d’autre choix possible. La culture palliative, qui a besoin de moyens, fait émerger d’autres choix plus heureux tant pour la personne que pour la société, car ils sont générateurs de paix et de douceur pour tous.
De son côté, l’Église de France compte s’investir dans le débat et a constitué pour cela un groupe de travail constitué d’évêques et d’experts. Il sera présidé par Mgr Pierre d’Ornellas. Il partagera sa recherche au députés, aux diocèses et au grand public à travers un blog. En annonçant ce groupe de travail le 1er octobre, Mgr Georges Pontier, président de la Conférence des évêques de France, a déjà souligné que
« renforcer le droit individuel à choisir sa mort constitue une dérive dangereuse ».
maximilienbernard@perepiscopus.org
Une seule remarque sur ce texte qui est bon dans son ensemble mais trop long (non possumus!) :pourquoi un Eveque emploie cette expression sans signification: “poser un acte” ?On ne “pose” pas un acte,on agit!Que de lacheté dans cette expression apparremment anodine:c’est toute l’Eglise de France qui se définit dans cette expression:on pose et on ne fait rien!
On sait bien que proposer le suicide à quelqu’un de fragile voir dépendant, c’est le faire se sentir coupable d’être encore en vie.