Sermon (21) de saint Augustin sur la fête de Pâques
La mort de Jésus-Christ déchirait le voile du temple, brisait les coeurs les plus durs, couvrait la nature d’épaisses ténèbres et inondait nos visages de clartés spirituelles, afin « de nous faire contempler la gloire du Seigneur à visage découvert (3) ». Un voile mystique enveloppait la loi ancienne ; ce voile a été déchiré ; « la nuit a précédé, le jour s’est approché (4) ». Car voici « Le jour que le Seigneur a fait, qu’il soit pour nous un sujet de joie et d’allégresse (5) ». Tous les jours sont l’oeuvre de Dieu, mais celui-ci a été marqué de son sang. Les morts ressuscités se sont réjouis, combien plus la joie de ce jour doit-elle nous faire tressaillir. Ces morts parcouraient la cité sainte ; pour nous, nous irons à la sainte Église ; ils se réunissaient au banquet des saints, pour nous, nous participerons à la table des mystères de Dieu. Que l’armée des anges s’associe à notre joie et à notre banquet, offrons nos présents, élevons nos cœurs et modulons sur nos cithares ce chant d’allégresse : « Je monterai à l’autel de Dieu, au Dieu qui réjouit ma jeunesse (6) ». Nos iniquités sont pardonnées, nos chaînes sont rompues ; car c’est Dieu lui-même qui réjouit notre âme ; disons donc de nouveau :
« Voici le jour que le Seigneur a fait, réjouissons-nous et tressaillons d’allégresse ».
4. Que personne ne s’attriste s’il se sent pressé par de vives exhortations de prendre la vie plutôt que sa dignité. Quelle que soit, d’ailleurs, la simplicité de son vêtement, qu’il lui suffise de briller par les qualités de l’esprit et du coeur ; car il possédera de cette manière la plus belle gloire, celle de trouver sa joie, non pas dans un vêtement, mais dans la sainteté de ce grand jour. En effet, on ne nous dit pas : Tressaillons dans notre vêtement ; mais : « Réjouissons-nous en ce jour ». Ce jour ne connaît pas les ténèbres, parce que lui-même le premier a dissipé les ténèbres ; il ne connaît pas l’obscurité, puisqu’il a chassé toute obscurité; il ne connaît pas la calomnie et la suggestion du mal, parce que sur la croix il a détruit nos titres au châtiment. Par son innocence le Rédempteur nous a mérité l’élection divine, le calomniateur s’est enfui, le père du mensonge a perdu sa cause. Jour d’indulgence, jour de rémission, jour de délivrance !
La joie fait tressaillir les vivants, et les morts éprouvent un soulagement ineffable. Ce jour joyeux, large, libre et éclatant, a est comme mille années en présence de « Dieu (7) » ; car « c’est vraiment le jour que Dieu a fait ». Celui qui, toute sa vie, persévérera dans l’amour de Dieu, méritera de se réjouir éternellement dans ce jour, dans lequel les saints feront entendre des chants d’allégresse , seront inondés de toutes les splendeurs, partageront les joies du Sauveur et diront et répéteront en choeur : « Voici le jour que le Seigneur a fait, réjouissons-nous et tressaillons d’allégresse » .
1. Jean, XVI, 20. — 2. Ps. XXIX, 12. — 3. II Cor. III, 18. — 4. Rom. XIII, 12. — 5. Ps. CXVII, 24. 6. Ps. XLII, 4. — 7. Ps. LXXXIX, 4.