Margot Bentley |
LifeSite rapporte qu’un tribunal de la Colombie britannique, province anglophone du Canada, vient de rejeter la demande d’une famille visant à faire cesser l’alimentation et l’hydratation d’une patiente de 82 ans atteinte d’un stade avancé d’Alzheimer. Le juge J. Greyell, de la Cour suprême du British Columbia, a estimé qu’en dépit de directives anticipées rédigées à plusieurs reprises par Margaret Bentley depuis 1991, le fait de cesser de la nourrir alors qu’elle n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté et qu’elle n’est en aucun cas mourante constituerait une « négligence » et relèverait, fût-ce sa volonté, du suicide assisté qui constitue un crime pénalement puni.
La décision, très longue, envisage de multiples aspects de la question (on peut la trouver intégralement ici en langue anglaise, sur un site pro-euthanasie. Le juge s’interroge longuement sur l’état de santé de la vieille dame, sur sa capacité à exprimer sa volonté par rapport à des gestes simples, sur la personne ou les personnes habilitées à refuser ou non en son nom certains traitements, sur la nature de l’alimentation et de l’hydratation – traitement ou soin ordinaire – etc.
S’agissant d’abord d’une application des lois et règlements de cette province canadienne, le jugement contient nombre de considérations particulières que je ne vais pas retenir ici.
Il faut noter aussi que Mme Bentley est alimentée à la cuillère et non par sonde : on l’occurrence, le juge estime que la l’alimentation et l’hydratation administrées de cette manière constituent un soin et non un traitement, à l’inverse de l’alimentation et de l’hydratation administrées de manière « artificielle » qu’il qualifie de « traitement » en invoquant les dispositions actuelles des lois et règlements de la province.
On ne peut dont faire un parallèle point par point avec l’affaire Vincent Lambert.
En revanche, des éléments de l’argumentation du juge méritent d’être relevés à l’heure où la promotion de l’euthanasie est globale et que les jurisprudence étrangères sont volontiers citées dans les affaires par les partisans de sa légalisation.
• Les directives anticipées écrites de Margot Bentley comportaient un refus de l’hydratation et de l’alimentation au cas où elle se retrouverait dans la situation où elle est aujourd’hui : grabataire, incontinente, incapable de communiquer avec les siens voire de les reconnaître. Infirmière, elle était souvent confrontée à cette situation et faisait savoir de manière régulière à ses proches qu’elle ne voudrait pas vivre ainsi. Elle demandait même à être « euthanasiée » si elle perdait toute capacité relationnelle. Faisant une lecture très précise des directives, le juge a noté que celles-ci ne rejetaient pas les soins ordinaires et il a considéré qu’une alimentation par la bouche ne constituant pas une thérapie, elle devait être maintenue.
• Même si cette forme d’alimentation constituait un soin, il a souligné que la décision de la faire mourir par son retrait ne correspondait pas nécessairement la volonté actuelle de la patiente, les êtres humains ayant la faculté d’évoluer et de changer d’avis, et que même les personnes de confiance désignées par Mme Bentley ne peuvent l’exprimer valablement.
• Le juge a noté que d’après le témoignage du personnel soignant, Mme Bentley se voit proposer la nourriture, sans insistance excessive, qu’elle mange des quantités différentes selon les jours et les heures, qu’elle peut refuser de continuer de manger d’un plat salé puis accepter de manger son dessert. Elle exprime donc d’une certaine manière sa volonté de manger.
• Le juge a noté que l’avis d’un expert médical spécialiste de son état doit être pris en considération plutôt que celui d’un généraliste : en l’occurrence, cet expert a estimé que le fait de pouvoir montrer ses préférences alimentaires et d’avoir accepté de manger de cette manière depuis plusieurs années indique quelle est la volonté de Mme Bentley, en même temps que cette durée montre qu’il n’y a aucune urgence ni raison pour lui enlever l’alimentation et l’hydratation.
• Le juge Greyell souligne que même si l’alimentation et l’hydratation orales constituaient un traitement, ce qu’il n’estime pas exact, pour autant le fait de les qualifier ainsi ne changerait rien à sa décision. Car il ne s’agirait pas d’un traitement d’urgence mais d’un traitement ordinaire dont on ne peut soudain affirmer qu’il ne serait pas accepté par le patient (paragraphe 87 de la décision). Il ajoute que la désignation d’une personne de confiance par la patiente, mais dans le cadre de directives anticipées qui ne sont pas absolument claires, ne suffit pas à donner à un proche la possibilité de prendre une telle décision.
• Le juge maintient que, même si une personne est en mesure de demander une aide au suicide, cela n’en fait pas moins un crime puni de 14 ans de prison, et qu’aucune décision de sa part ne pourrait exonérer les responsables de la clinique où réside Mme Bentley de leur responsabilité criminelle s’ils décidaient de la priver de nourriture et d’hydratation, étant entendu que c’est cette privation qui serait cause de la mort, et non la maladie dont elle souffre.
Affaire fort intéressante en vérité, même si elle ne règle pas la question, encore différente, de l’alimentation et de l’hydratation artificielles. Qui, elle, sur le plan moral, doit s’apprécier à divers moments : faut-il toujours installer une alimentation artificielle quand elle est possible ? Il semble que non. Peut-on interrompre une alimentation artificielle une fois installée en vue de faire mourir ? Non, puisque la mort est alors le but recherché et que c’est ce geste qui provoque la mort, et non la maladie. Ne peut-on jamais interrompre une alimentation artificielle une fois installée ? Si, lorsque cette alimentation ne remplit plus sa fonction de préserver la vie ou provoque des souffrances inutiles, ou lorsque la mort est tellement imminente qu’elle n’a pas de raison d’être.
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“Le British Columbia”? Pardon, en français “la Colombie britannique”. L’anglais ne me dérange pas du tout mais, alors, dans un article en anglais.
Heureusement, il existe des garde-fous au Canada.
La maladie d’Alzheimer est toujours mortelle à plus ou moins brève échéance, alors laissons-la venir naturellement. Et tant pis pour ceux qui seraient pressés de voir disparaître la malade. Dieu et le respect de la vie jusqu’à son terme naturel passent avant.