Un ami prêtre, canoniste et appartenant à une officialité diocésaine, nous a fait parvenir quelques réflexions que lui ont inspirées le post « Présentation de deux Motu proprio visant à simplifier les procédures de nullité des mariages » d’un collaborateur de Riposte Catholique. Nous l’en remercions vivement et nous nous empressons d’en faire part à nos lecteurs…
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Le “post” que vous avez publié sur le récent motu proprio Mitis Iudex Dominus Iesus m’a rappelé la blague sur le comptable : son analyse est parfaitement exacte, mais totalement inutilisable !
Permettez au canoniste que je suis de présenter quelques brèves réflexions dont je souhaite qu’elles permettent à vos lecteurs de mieux comprendre les enjeux d’un texte important mais très technique. J’ajoute, avant de commencer, qu’il faudra du temps pour l’analyser avec la compétence nécessaire, ce que je laisse à mes collègues plus qualifiés.
✠ Le premier élément est un rappel aux évêques qu’ils sont les premiers juges dans l’Église. Beaucoup parmi eux l’ignorent, croyez-le bien et au plus haut sommet de la hiérarchie, pour des raisons qu’il n’est pas possible d’étudier ici. Le pape François, à juste titre, leur rappelle ce devoir, élément essentiel de leur « ministère de gouvernement ». Ils ne peuvent totalement le déléguer à des « spécialistes » (le mot est généralement pris dans son sens péjoratif) ou s’en désintéresser (situation majoritaire dans l’épiscopat aujourd’hui). Engager plus fortement les évêques dans le processus judiciaire de l’Église n’est pas une mauvaise chose. Espérons que cela ne soit pas seulement un vœu pieux.
✠ Ensuite, le document s’appuie sur le socle indépassable que constitue la « doctrine de l’indissolubilité du lien sacré du mariage », propos qui devrait rassurer aussi, dans la perspective du prochain synode. L’ignorance quasi absolue, dans le peuple chrétien du sens de l’expression « procédure de déclaration de nullité » – qui est le contraire de l’« annulation » qui, au sens propre, n’existe pas dans l’Église catholique –, nécessitait un rappel. Il est fait et de la façon la plus claire. Il lasse les canonistes, mais ils savent aussi que la pédagogie est faite de répétition.
✠ La simplification des procédures est un désir de tous ceux qui participent aux instances canoniques, depuis des années. Nous y sommes. Ceux qui ont participé au processus de réforme ne sont pas connus dans le milieu pour être des libéraux liquidateurs et des canonistes médiocres. Auront-ils atteint les objectifs fixés par le pape, seul l’avenir le dira.
✠ Pour être franc, une inquiétude se fait jour. La suppression de l’appel obligatoire et la naissance d’un « procès bref » pourraient-elle constituer une possibilité de d’abus dans lequel s’engouffreraient des adversaires du mariage catholique ? Avant de répondre, remarquons que toutes les institutions humaines, et le corpus juridique de l’Église en fait partie (sauf ce qui relève du droit naturel et du droit divin, bien entendu), sont sujets aux abus. Les précédentes dispositions n’en étaient pas plus immunes que celles d’aujourd’hui, même le Corpus Iuris Canonici hérité des temps antiques… Le « juge unique » existait déjà dans la pratique, et il n’était pas forcément « inique ». Alors ne faisons pas trop la fine bouche. La possibilité du laxisme existe, mais les garde-fous juridiques en sont fournis dans la réforme elle-même.
✠ Terminons, ces remarques trop longues et trop brèves à la fois. Salus animarum lex suprema : le « salut des âmes » demeure la loi suprême dans l’Église catholique (canon 1752). Souhaitons que ce principe guide non seulement les évêques et les canoniques dans leur rude tâche, mais aussi les journalistes et les commentateurs catholiques dans le débat ainsi ouvert.
Salvo meliore iudicio, comme on dit dans la tribu.
Demander aux évêques qui ne savent rien ou pas grand chose de devenir juges c’est évidemment une gageure. Ils s’en remettront à des spécialistes comme pour le reste de leur ministère. Et on verra fleurir tous les casuistes, les psycho machins choses. Les Etats Unis ont connu le divorce catholique, on aura le divorce latino américain revu et corrigé européen et celui à la sauce asiatique et tous les autres qui viendront s’ajouter à la queue leu-leu.
Au déferlement de réduction à l’état laïc après le concile on va assister à un déferlement de déclarations de nullité. Monsieur le canoniste , je prends le pari !
C’est exactement le programme de décentralisation prévu par tous les pontes de la TdL, façon argentine comprise !
C’est aussi une annonce avant le Synode !
D’accord avec vous ! Un écran de fumée, un flash aveuglant.
Les divorcés nullement mariés à l’église (car immatures, n’ayant pas la foi à l’époque etc. soit la majorité des mariages catholiques dit-on) pourront se marier à l’église puisqu’avant cela ne comptera plus; et ils pourront communier ! N’est-ce pas le but de la manœuvre?
Ah, non, je n’ai rien compris! Bon, tant pis.
Merci pour ces lumineuses réflexions ! Comme je l’ai indiqué dans mon article, Riposte catholique apporterait plus de précisions. Les Motu proprio contiennent des aspects qui méritent une analyse fine et sérieuse. Beaucoup de commentateurs tranchent rapidement et se révèlent surtout comme de faibles connaisseurs du droit canon et des procédures.
Après avoir pris connaissance de vos différents commentaires, je reste persuadé qu’ il n’ y aura pas énormément de nullité de mariage prononcé du fait que la procédure est généralement longue et présente toutes les garanties de sérieux, puisque accompagnée par un ou une avocat ecclésiastique, d’ un official et ensuite renvoi vers une deuxième instance qui reprend le dossier à zéro avant de donner son avis favorable ou défavorable. Il faut savoir qu’ il y a quelques années, peu de dossiers présentés étaient retenus et sur ces derniers, tous ne se terminaient pas par la nullité du mariage. Par ailleurs, il faut également rappeler que, lorsque la nullité d’ un mariage est prononcée, l’ un des époux retrouve l’ accès à la communion et le droit de se remarier à l’ église et l’ autre époux n’ a plus le droit de se remarier à l’ église. Je suppose d’ ailleurs qu’il existe très peu de cas permettant d’ accéder à la nullité du mariage et c’est très bien pour éviter les dérives.
Comme vous, je suis persuadée qu’il n’y aura pas énormément de nullités prononcées, parce que pour que la nullité soit prononcée, il faut que l’un des deux présumés époux le demande, donc reconnaisse qu’il y a eu un engagement à la légère (ce qui peut fragiliser la perspective d’une seconde “préparation au mariage” où là, il faudra bien prendre le taureau par les cornes et s’assurer que cette demande est moins “légère” que la première).
Certes, la déclaration de nullité sera prononcée par un être humain, qui est faillible.
Je ne comprends pas votre phrase “lorsque la nullité d’ un mariage est prononcée, l’ un des époux retrouve l’ accès à la communion et le droit de se remarier à l’ église et l’ autre époux n’ a plus le droit de se remarier à l’ église.”: si le mariage est déclaré nul, les deux pseudo-époux sont déliés des liens du mariage, et peuvent tout autant l’un que l’autre se marier après cette déclaration de nullité.
Prenez-vous le pari vous le savant canoniste ?
Je suis moins convaicu que le rédacteur canoniste de cet au demeurant excellent article.
Aux mains de l’Eglise d’Allemagne, fervent soutien du divorce catholique, la nouvelle procédure simplifiée servira à déclarer la nullité d’innombrables mariages.
En Afrique, par contre, la rigueur continuera de régner, au moins quelque temps, grâce à des cardinaux et évêques prudents.
Ailleurs, par exemple en France, la pression se fera de plus en plus forte sur les évêques, surtout dans la procédure “courte”, et ils accèderont à la plupart des demandes qui leur seront faites.