Au gré des changements professionnels de Marc Larivé, des éditions Saint-Augustin à Parole et Silence aujourd’hui et aux maisons d’édition qui y sont liées, l’édition des Œuvres complètes du cardinal Charles Journet a connu quelques changements de marque et d’organisation. Dans le nouveau volume qui vient de paraître – tome XII, couvrant les années 1948-1951 –, l’éditeur (Lethielleux/Groupe DDB) s’emploie à expliquer les modifications apportées. Avouons-le : il n’est pas toujours aisé de s’y retrouver.
Mais, peu importe, au fond, le principal étant que cette œuvre théologique puisse être mise à la portée du grand public catholique cultivé qui peut ainsi mieux découvrir l’importance de Charles Journet et lire ses œuvres, articles et préfaces y compris.
Réalisé à la demande de la Fondation Charles Journet, ce volume a été confié à René et Dominique Mougel. Il propose les textes du théologien publiés après la guerre et de manière parallèle à la publication du tome II de sa vaste étude qu’est L’Église du Verbe incarnée. Toujours dans une perspective thomiste, Charles Journet publie pendant ces années-là son célèbre Vérité de Pascal qui tente d’éclairer l’apologétique pascalienne en la confrontant à la doctrine de saint Thomas. C’est véritablement le seul livre reproduit dans ce volume. Est-ce à dire que celui-ci n’est pas intéressant ?
Loin de là ! En effet, nous trouvons dans ce tome XII la reproduction de plusieurs petites brochures doctrinales que Charles Journet écrivait afin d’éclairer et de former les catholiques sur des points précis. Le volume publie ainsi les brochures sur les thèmes suivants :
– La définition solennelle de l’Assomption de la Vierge Marie
– Le Quiétisme
– La naissance de la foi
– Les images
– Communisme ou christianisme
– Petit catéchisme sur les origines du monde
Le reste du volume est constitué par des études et préfaces ainsi que par des articles parus dans Nova et Vetera, publication fondée par le cardinal Journet. On y trouvera notamment un important article sur la collection des « Sources chrétiennes » mais aussi deux articles prenant nettement des distances avec Joseph de Maistre et Donoso Cortès. On remarquera que ces articles montrent une certaine tournure d’esprit qui me semble révélatrice de l’attitude de Charles Journet à l’égard de l’école contre-révolutionnaire (est-ce un effet de l’influence de Maritain ?). Consacrant un article au livre Du Pape de Joseph de Maistre, Charles Journet débute ainsi son article :
Autant que par ses vérités, le livre Du Pape est remarquables par ses erreurs. Nous n’en citerons que quelques-unes, prises au hasard.
Suit la liste explicative de onze erreurs relevées par le théologien. Mais il n’y a pas son pendant : la liste des vérités que le théologien salue pourtant au début de son article.
Accident ? On pourrait le croire. Seulement le texte sur Donoso Cortès répète la même méthode. Il souligne les erreurs, mais jamais les vérités. Alors que dans le même texte, il salue « la conscience profane contemporaine dans ce qu’elle a précisément de meilleur et de plus ouvert à l’Évangile ». Dans ses critiques de Maistre et Cortès, Journet n’a pas tort. Il relève bien les travers et les erreurs. Mais fidèle à la tournure d’esprit maritanienne, il ne montre que cela. C’est la limite de ce grand personnage, de ce grand sage qu’on aimerait voir également sage quand il aborde les modernes et les traditionnels.
Pour finir, à défaut de lire immédiatement le théologien, on peut le voir et l’entendre sur une vidéo disponible ICI.