Samedi 24 septembre en début de soirée, Christian des Pallières, co-fondateur avec son épouse Marie-France de l’ONG Pour un sourire d’enfant (PSE), est décédé à Phnom Penh à l’âge de 82 ans. Touché au cœur par la condition de vie des jeunes chiffonniers de la capitale cambodgienne, le couple avait tout quitté pour créer, en 1995, Pour un sourire d’enfant. Enracinant dans la foi chrétienne son engagement mais n’imprimant aucun caractère confessionnel à son œuvre humanitaire, dans un pays de tradition bouddhiste, le couple a aidé et encouragé des milliers de jeunes Cambodgiens à s’extirper de la décharge de Stung Meanchey, dans la banlieue de Phnom Penh, en leur fournissant nourriture, hébergement, éducation et formation professionnelle.
« PSE a débuté ce jour d’octobre 1995 où nous avons vu des enfants manger dans les ordures de la décharge de Stung Meanchey, à Phnom-Penh. C’était à hurler ! Il n’était pas possible, après avoir vu cela, de continuer à vivre normalement. Il fallait faire quelque chose ! », avait coutume de raconter Christian des Pallières aux visiteurs de passage.
Une figure aimée et respectée
Jeune retraité, Christian des Pallières et son épouse sont venus aider une association humanitaire à remettre sur pied l’enseignement scolaire dans un pays exsangue, mais après avoir suivi les enfants chiffonniers de Phnom Penh pour voir où ils vivent, sur la décharge de Stung Meanchey, le couple décide de leur venir en aide. Sur la décharge, les enfants vont pieds nus dans les immondices et dans une odeur intenable pour ramasser et trier les déchets. De ce travail, les gamins tirent quelques riels pour aider leur famille à survivre.
Christian et Marie-France des Pallières commenceront à nourrir les enfants, avant rapidement de chercher à leur trouver une école et de les soigner. Le couple prend en charge une vingtaine d’enfants au printemps 1996 et comprend qu’il lui faut compenser la baisse de revenu engendrée par la scolarisation des enfants s’il ne veut pas que les parents retirent leurs enfants de l’école pour les renvoyer sur la décharge ; désormais, les enfants seront scolarisés contre un don en riz à la famille.
Les obstacles à surmonter ne manqueront pas pour les des Pallières, mais, tout au long de ces vingt années, le couple va déployer une énergie et une patience qui en fera une figure reconnue et respectée dans le monde, vaste et divers, de l’action humanitaire au Cambodge. Ils recevront la citoyenneté cambodgienne des mains de la reine mère Monineath et obtiendront le prix des Droits de l’homme en 2000.
Assurer la pérennité de PSE
Infatigable, le couple arpentait trois mois par an les routes de France pour témoigner de la vie qui était celle des plus pauvres au Cambodge et chercher des parrainages afin de financer les actions de PSE. Au fil des années, il a réussi à accomplir l’un des objectifs devenus prioritaires de l’association, à savoir assurer sa pérennité sur le terrain en en « khmérisant » les équipes. Aujourd’hui, l’équipe dirigeante de PSE au Cambodge est entièrement cambodgienne et l’œuvre salarie plus de 450 personnes : professeurs, médecins, assistants sociaux, formateurs dans les écoles de formation professionnelle qui permettent à de nombreux jeunes sortis de la décharge d’acquérir un métier.
Depuis 2011, la décharge de Stung Meanchey est fermée et n’est plus qu’un vaste terrain vague insalubre au milieu d’une ville en pleine expansion. Une nouvelle décharge a été ouverte à une dizaine de kilomètres du centre-ville ; ironie du sort, elle se situe à deux pas du charnier khmer rouge de Choeung Ek, transformé en mémorial. Christian des Pallières expliquait volontiers que, si l’épisode des Khmers rouges (au pouvoir de 1975 à 1979) pouvait paraître déjà lointain dans le temps, ses stigmates étaient encore très visibles dans la société actuelle, notamment par la déstructuration de la cellule familiale.
PSE prend en charge aujourd’hui près de 7 000 enfants quotidiennement et 28 métiers sont enseignés dans ses écoles et centres d’enseignement. En vingt d’existence, elle a aidé des dizaines de milliers d’enfants à sortir de la misère.
Dans les heures qui ont suivi l’annonce du décès de Christian des Pallières, de très nombreux Cambodgiens ont exprimé leur hommage au fondateur de PSE, à « Papy » comme il était familièrement appelé, évoquant sa figure comme celle d’un héros. Ce lundi 26 septembre, la reine mère est venue sur place se recueillir et prier devant le corps du défunt ; dans l’après-midi, conformément à l’usage local, la crémation du corps de Christan des Pallières a eu lieu dans une pagode bouddhique. Demain, mardi, ses obsèques seront célébrées par le P. Bruno Cosme, des Missions Etrangères de Paris, à l’église de l’Enfant-Jésus à Phnom Penh, la paroisse catholique qui était celle du couple des Pallières.
Le décès de Christian des Pallières intervient quelques jours avant la sortie, en France, le 5 octobre, du film Les Pépites, qui raconte l’épopée de ce couple hors norme. Réalisé par Xavier de Lausanne, le film transmet sans aucun doute le testament du fondateur de PSE : même si la décharge a déménagé aujourd’hui, la lutte contre la pauvreté, elle, n’est pas terminée et la mission de solidarité que portait le couple se poursuit chaque jour, l’œuvre qu’il a fondée étant désormais entre les mains de Cambodgiens.
Source : Eglises d’Asie
NB Le Figaro du 23 septembre a consacré un long article au couple Des Pallières et à PSE ; l’article est intitulé « Les anges de Phnom Penh ». A lire ici.