L’actualité contrastée des chrétiens d’Orient (persécutions en Syrie notamment, mobilisation d’une partie de l’opinion publique occidentale, etc.) ne saurait faire oublier un sujet méconnu, mais significatif de leur situation : la vacance de certains sièges. Il se peut que pendant des mois, voire des années, le titulaire d’un siège ne soit pas nommé. Cette attente reste normale, le temps de trouver un nouveau titulaire. Cependant, certains sièges ne sont pas pourvus depuis 8, 10, voire 20 ans ! C’est en effet ce que l’on peut constater avec le site bien renseigné www.catholic-hierarchy.org. Pour les commodités de l’enquête, et au risque d’un certain arbitraire, nous n’avons pris en compte que les vacances constatées depuis plus de trois ans, même s’il n’existe pas, en soi, de temps d’attente normal. On peut cependant estimer qu’au bout trois ans le phénomène de vacance tend à s’installer dans la durée.
Un phénomène qui touche surtout les arméniens et les chaldéens catholiques
Le phénomène de vacance prolongée touche surtout les arméniens catholiques et les chaldéens catholiques (NOTA : la date indiquée entre parenthèses est celle de la vacance du siège). Ainsi, pour les seuls chaldéens catholiques, sont donc vacants : le diocèse d’Aqra en Irak (25 juillet 1998), l’archiéparchie de Diarbekir (16 janvier 2005) et l’éparchie du Caire (31 décembre 2009). (N’a pas été inclue l’archiéparchie d’Awaz, en Iran (14 juin 2011). Concernant les sièges arméniens catholiques, on constatera la vacance de l’éparchie de Kamichilié en Syrie (15 avril 1992), de l’ordinariat d’Athènes (27 septembre 2000) et de l’éparchie d’Ispahan (2 avril 2005). (NOTA : nous n’avons pas englobé l’exarchat patriarcal de Jérusalem et d’Amman, vacant depuis le 24 juin 2011).
Quelques explications
Il faut d’abord compter avec la raréfaction générale du nombre de Chrétiens d’Orient, phénomène patent depuis quelques décennies, mais qui subit une accélération depuis 15 ans. Cela signifie donc moins de fidèles, et, corrélativement, un clergé moins nombreux.
Moins de fidèles. Ainsi, en Syrie, lors d’un voyage effectué en 2008, nous avons constaté que certains sièges ne comptaient plus que quelques centaines de foyers (c’est ainsi que l’on raisonne, en Orient, pour évaluer le nombre des fidèles d’une confession ou d’un rite).
Un clergé moins nombreux. Il faut donc compter avec un clergé, certes fervent (il ne s’agit pas de minorer le phénomène de carriérisme), mais peu nombreux ; ainsi, il arrive que les diocèses ne comptent qu’une dizaine de prêtres.
Certaines communautés rituelles sont peu nombreuses
Ce phénomène de raréfaction apparaît chez les arméniens (ils sont disséminés dans plusieurs pays comme le Liban, l’Irak, etc., et sont peu présents en Arménie), les chaldéens (ils ne sont nombreux qu’en Irak, mais encore faut-il redouter l’émigration) ou les syriaques catholiques (on les retrouve surtout en Irak, en Syrie et au Liban ; leur survie devient fragile dans la mesure où les deux pays où existaient les plus importantes communautés sont en guerre civile). Il existe donc peu de fidèles et peu de clercs. On comprendra donc que l’on s’interroge sur l’opportunité de nommer un nouveau titulaire. À cela peut s’ajouter la difficulté de mouvoir un clerc d’un pays à un autre, quand on sait les relations compliquées entre certains pays. Ainsi, il sera difficile pour un clerc irakien de s’établir en Jordanie, au Liban ou en Syrie ! Quand un diocèse est vacant et que la présence chrétienne ne se limite qu’à quelques familles, il devient tout aussi difficile qu’inopportun de nommer un nouveau pasteur.
Chez les catholiques de rite byzantin, un phénomène qui touchent les communautés « hors sol »
En revanche, ce phénomène touche moins les catholiques de rite byzantin, qui, numériquement, constituent les communautés les plus nombreuses parmi les catholiques de rite oriental. On vise ainsi les melkites, les ukrainiens, etc. On notera que pour ces premiers, les vacances concernent surtout des diocèses situés dans des pays d’émigration des chrétiens d’Orient (éparchie Nuestra Señora del Paraíso des melkites de Mexico, vacante depuis le 7 juin 1994 ; éparchie Saint-Josaphat de Parma [États-Unis d’Amérique] des ukrainiens, vacante depuis le 29 juillet 2009. RECTIFICATION due aux évènements récents: cette dernière a été pourvue en août 2014). Cela démontre la difficulté à trouver des cadres, mais aussi aussi une tendance probable des chrétiens d’Orient, une fois émigrés, à se séculariser.
Un cas de vacance original : l’archevêché arménien catholique de Lviv (Ukraine)
Enfin, on pourrait ajouter la vacance du siège arménien catholique de Lviv, en Ukraine, qui remonte au 4 décembre 1938. À cause de la Deuxième Guerre mondiale, puis des persécutions opérées par l’URSS à la fin des années 1940, il n’a pas été possible de trouver un titulaire pour ce diocèse. Entre 1939 et 1940, l’Ukraine connaîtra un destin complexe (et connaît toujours, comme le démontre la question de la Crimée !) ; cette région sera discutée notamment entre les allemands et les soviétiques. Pour information, la ville de Lviv était surnommé la ville aux trois archevêchés en raison de la présence d’ordinaires pour les rites byzantin, romain et arménien. Si l’archevêché de rite arménien n’a pas été rétabli, c’est certainement à cause du nombre insignifiant de catholiques de rite arménien : la communauté était déjà déclinante avant la guerre. En 1991, la communauté ne comptait que quelques dizaines de fidèles et était dépourvue de pasteurs. Désormais, la ville de l’Ouest de l’Ukraine ne comprend, pour les rites catholiques, que deux archevêchés: l’archevêché latin et l’archevêché uniate.
Quelles solutions ?
Il est difficile d’imaginer ce qu’il adviendra de ces sièges non pourvus. Seront-ils supprimés ? Ce serait reconnaître officiellement la disparition d’une partie de la hiérarchie dans ces pays et entériner l’exil des chrétiens. Seront-ils regroupés ? Cette option a été envisagée par certains participants aux débats qui ont eu lieu lors du synode des évêques consacré au Moyen-Orient qui s’est tenu, à Rome, du 10 au 24 octobre 2010. En effet, il arrive que dans une seule ville on soit en présence de plusieurs diocèses catholiques de rite oriental. Ainsi, à Alep (Syrie), il existe un évêque syriaque, un évêque arménien, un évêque chaldéen, etc. Pour les occidentaux habitués à la rationalisation des structures, cette situation paraît aberrante. Cependant, ce serait faire fi de la complexité des disciplines, des rites et des spiritualités de chaque communauté. La conscience rituelle des chrétiens d’Orient est bien plus forte qu’en Occident (elle se manifeste par l’attachement à la forme extraordinaire du rite romain, même si elle reste, pour le moment, minoritaire) : on ne saurait donc « mixer » les diocèses, qui restent les héritiers d’une longue histoire. Il serait donc délicat de simplifier les structures et de prévoir des diocèses multi rituels, même si cela a été avancé. Bref, dans l’Orient compliqué, combien de subdivisions…
Jean-Marie VAAS
On pourrait proposer d’y envoyer nos évêques voyageurs et si savants qu’ils en oublient d’être de vrais pasteurs, ça les changerait de leur petite vie de “préfets”, organisateurs de “cirques” dit liturgiques . Et à la place on mettrait de vrais pasteurs tels que Mgr Aillet ou Rey ou Cattenoz!!!!!!