Évêque de Séez et responsable du groupe de travail « Les églises, un nouvel enjeu pastoral », Mgr Jacques Habert, répond aux questions de La Croix suite à la proposition de Stéphane Bern de « faire payer l’entrée des cathédrales ».
Comment réagissez-vous la proposition de Stéphane Bern – chargé par le président de la République d’une mission sur le patrimoine – de faire payer l’entrée des cathédrales pour en financer l’entretien et la restauration ?
D’emblée, une telle proposition entre en contradiction avec la loi de 1905 sur la séparation entre l’Église et l’État. La loi spécifie, en effet, que l’État, propriétaire des lieux de cultes construits avant 1905 en donne l’affectation « gratuite, exclusive et permanente » à l’Église. En faire payer l’entrée contreviendrait donc à la première de ces conditions. Or, nous devons garder à l’esprit que cette loi, fruit d’un long processus engagé dès la Révolution, garantit depuis plus de 110 ans un équilibre entre les pouvoirs publics et l’Église qui vivent ainsi en bonne intelligence. Toute décision qui la remet en cause pourrait être lourde de conséquences…
Pour autant, Stéphane Bern soulève une vraie et bonne question, celle de l’entretien très coûteux des édifices religieux, petits et grands, célèbres ou moins connus. Cette question financière se pose en permanence comme nous l’avons constaté en travaillant sur ce dossier, en 2012-2013, avec le ministère de la culture pour identifier les problèmes et imaginer des solutions.
Stéphane Bern dit s’inspirer de modèles étrangers comme le Royaume-Uni ou l’Italie…
Certes. Mais dans ces pays, l’Église est propriétaire des édifices et définit donc elle-même ses choix quant à leur accès, payant ou gratuit. On ne peut donc calquer ces exemples sur notre réalité singulière régie par la loi de 1905.
Certains lieux de culte font pourtant déjà payer la visite de leur trésor ou de leurs tours, organisent des concerts payants… Qu’en pensez-vous ?
Une fois bien spécifié qu’une église ou une cathédrale n’est pas un musée, mais un lieu de recueillement ouvert à tous, il est vrai que, sous certaines conditions qui n’entravent pas cette ouverture, tel ou tel espace bien défini peut se visiter en payant un droit d’entrée dans la mesure où cela ne gêne pas l’accès général. Il s’agit alors d’une pratique culturelle et non plus cultuelle.
Ressentez-vous un intérêt du public, chrétien ou non, pour le patrimoine religieux ?
Indéniablement ! Ce dimanche, dans mon diocèse, nous avons célébré la rénovation du clocher de l’église de Seton en présence du maire du village, d’un représentant du sénateur… de catholiques et de beaucoup d’autres personnes. Tous étaient réunis par leur attachement à ce patrimoine qui concerne chacun, pratiquant ou non. Voyez l’engagement et le courage des innombrables associations qui font vivre ce patrimoine. Elles déplorent souvent le manque de moyens mais ne baissent pas les bras pour autant.