A l’approche de la 27ème édition du Téléthon, qui aura lieu le week-end des 6 et 7 décembre 2013, Mgr Marc Aillet donne la position de l’Eglise et met en garde les diocésains :
“Je tiens avant toute chose à saluer le dévouement des bénévoles engagés dans la préparation du téléthon et bien entendu, la grande générosité des Français qui par solidarité vis-à-vis des personnes atteintes de myopathie et leurs familles, participent chaque année à cette formidable campagne médiatique de collecte de fonds au profit de la recherche médicale et de la lutte contre les maladies génétiques.
Au cours des dernières années, l’Eglise catholique n’a cependant pas manqué d’exprimer, par la voix de plusieurs évêques ou de ses responsables, ses réserves et ses inquiétudes à propos du téléthon. C’est ainsi que le cardinal Ricard, alors président de la conférence des évêques de France, considérait dès le mois de décembre 2006, qu’il était « légitime qu’à l’occasion du téléthon, beaucoup de catholiques s’interrogent sur l’affectation de leurs dons », ou que le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, estimait il y a quelques années, qu’on ne saurait « signer des chèques en blanc » en faveur du téléthon. De même, un communiqué de presse du 2 décembre 2011 disponible sur le site du diocèse de Paris souligne qu’il est nécessaire de « s’engager résolument pour des recherches qui respectent pleinement la vie humaine ».
Nul ne peut en effet ignorer que les orientations et les choix de l’Association Française contre les Myopathies (AFM), qui est à l’origine du téléthon et qui l’organise chaque année, ne font pas l’unanimité et soulèvent de graves problèmes d’ordre éthique.
Première difficulté : certaines recherches financées par le Téléthon concernent l’utilisation de cellules souches embryonnaires qui se traduit nécessairement par la destruction d’embryons humains (1).
D’un point de vue strictement médical, l’utilisation de cellules souches embryonnaires est d’autant plus discutable que leur efficacité thérapeutique n’a jamais été démontrée, contrairement aux espoirs que font naître l’utilisation de cellules souches issues du sang de cordon ombilical, ou depuis deux ans, le recours aux cellules pluripotentes induites (dites cellules iPS) issues de la reprogrammation de cellules souches adultes (2).
Mais quoi qu’il en soit, la destruction d’embryons humains est éthiquement inacceptable. Certes, la loi française autorise aujourd’hui l’expérimentation sur les embryons humains, mais faut-il rappeler que le « légal » n’est pas nécessairement « moral » ? Pour sa part, l’Eglise catholique défend, comme elle l’a toujours fait, le respect de la vie humaine de la conception jusqu’à la mort naturelle, en insistant particulièrement sur le fait que l’embryon humain doit être considéré comme une personne humaine.
Seconde difficulté : le Téléthon revendique la mise en œuvre de pratiques d’inspiration eugéniste :
Le diagnostic prénatal est utilisé pour repérer les fœtus atteints de myopathie qu’une « interruption médicale de grossesse » permet ensuite d’éliminer. Dans le même esprit, la technique du « diagnostic pré-implantatoire » consiste à sélectionner puis à supprimer tous les embryons conçus in vitro porteurs de la myopathie. Ainsi, et comme le soulignait dès 2006 le spécialiste en éthique médicale qu’est Mgr Michel Aupetit, aujourd’hui évêque auxiliaire de Paris, dans une note publiée sur le site internet du diocèse de Paris, « les “bébéthons” qui sont présentés comme un grand succès thérapeutique ne sont pas le fruit d’une guérison due à la recherche sur le génome, comme on aurait pu l’espérer, mais le fruit d’une sélection embryonnaire. On pratique une fécondation in vitro de plusieurs embryons et on sélectionne l’embryon sain en éliminant les autres. Ce n’est donc pas un bébé “guéri” mais un bébé “survivant” ».
Troisième et dernière difficulté : les responsables du téléthon refusent obstinément la mise en place d’un système de fléchage des dons qui permettrait à de nombreux donateurs d’affecter leurs dons aux recherches de leur choix, en évitant de contribuer au financement de programmes impliquant l’utilisation et la destruction d’embryons.
Ce fléchage des dons et la transparence financière qui en découlerait sont pourtant réclamés depuis plusieurs années par un certain nombre de personnalités et d’associations ainsi que par plusieurs diocèses. Telles sont les considérations qu’après avoir consulté l’Académie diocésaine pour la Vie et les experts qui travaillent en lien avec elle, je souhaite porter à la connaissance des fidèles du diocèse.
Si l’Eglise est pleinement dans son rôle lorsqu’elle s’efforce d’éclairer ou d’alerter les consciences vis-à-vis de certaines dérives contraires au respect de la vie et de la dignité de la personne humaine, je ne peux pour ma part qu’inviter les personnes qui s’interrogent sur l’opportunité de soutenir ou non le téléthon, à faire preuve, en la matière, d’une grande prudence et d’un authentique discernement moral et spirituel.
+ Marc Aillet le 23 octobre 2013
1) L’AFM souligne que le financement de recherches entrainant la destruction d’embryons ne dépasse pas un ou deux millions d’euros par an (soit moins de 2% du total des fonds collectés par le téléthon) ; ces programmes n’en sont pas pour autant plus légitimes…
2) C’est pour cette découverte d’un intérêt scientifique considérable que le japonais Yamanaka a reçu, en 2012, le prix Nobel de médecine.
Encore une fois un immense merci à Mgr Aillet pour son enseignement. Nous avons un immense besoin d’hommes qui nous montre le chemin à suivre et nous signale les écueils éventuels. Ne nous égarons pas dans les bons sentiments ( réels) et gardons l’œil fixé sur le bien supérieur .
Merci Monseigneur.
Courageux. Merci Monseigneur.
Je crains que nous n’ayons plus qu’un seul évêque en France…Mgr Aillet.
Allez, je vais être généreuse…nous en avons peut-être cinq ou six .
Voici enfin une position non équivoque.
Je me permettrai néanmoins d’ajouter, dans les “risques du téléthon”, l’attitude de Pierre Bergé qui réclame une part du gâteau pour assouvir ses désirs démoniaques. N’aura-t-il pas un jour gain de cause?
La question plus générale à poser n’est-elle pas la suivante ? La générosité est-elle bonne “en soi” ? serait-elle garante de vérité et de justice ? de la part du donateur et de la part du bénéficiaire ?
Je me permets de penser que non !, ni pour l’un, ni pour l’autre.
A mon avis, c’est une illustration de la vérité exprimée que l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Une excellente question qui taraude de nombreux donateurs, et pas uniquement au Téléthon : Que fait-on réellement avec nos dons ? Dans le commerce, on utilise des labels du type “Fair Trade”, “Thon pêché sans danger pour les dauphins”, viande “Halal”, etc… A quand un label éthique pour les dons ? Dans l’incertitude, je préfère m’abstenir de faire des dons!
Saluons le courage de Mgr Aillet de parler vrai. Cet avertissement devrait être largement diffusé dans toutes les paroisses de France.
Indépendemment de ce qui est dit je reste persuadé que la majeure partie des fonds recueills ne va pas à la recherche quelle qu’elle soit mais dans des poches largement ouverts.
Nous sommes évidemment d’accord avec Mgr Aillet, qui n’est tout de même pas le seul dans cette mise en garde, soyons justes.
Mais, je change de sujet, qu’en est-il du CCFD qui revient à chaque carême ? Est-il soutenu par les évêques ? N’y a-t-il pas des réserves à présenter à son sujet ?
Roger le Masne