Mardi 16 avril 2013,
Fête de Saint Benoît-Joseph Labre
et 230ème anniversaire de sa mort.
Contrairement à ce que certains voudraient laisser penser, la Sainte Eglise Catholique Romaine n’a pas attendu l’année 2013 pour magnifier l’esprit de pauvreté – objet de la première des béatitudes – , pour recommander à tous ses enfants de vivre l’authentique pauvreté évangélique (qui n’a rien à voir avec certains prétendus dépouillements, très ostentatoires), et pour être attentive à soulager, selon ses possibilités, les pauvretés spirituelles et matérielles.
Chaque 16 avril, c’est toujours avec une très grande joie spirituelle et ferveur que nous fêtons Saint benoît-Joseph Labre, le saint pèlerin, le saint mendiant, dont la vie et les exemples sont le très exact antidote de l’esprit et des moeurs de ces pseudo Lumières qui ont enténébré tant d’hommes et de sociétés depuis trois siècles.
Cette année 2013 marquant le deux-cent-trentième anniversaire de la mort de Saint Benoît-Joseph, il m’a paru opportun de vous résumer ci-dessous le récit de cette mort, telle qu’elle nous a été rapportée par les contemporains.
Lully.
Portrait authentique de Saint Benoît-Joseph Labre, par Antonio Cavallucci
Le dimanche des Rameaux 13 avril 1783, comme il en avait l’habitude, Benoît-Joseph, après s’être confessé, fit ses Pâques à la basilique patriarcale Sainte-Marie-Majeure.
Après une longue action de grâces, il se rendit à Sainte-Praxède pour entendre une autre Messe.
Ce même jour, dans l’après-midi, une femme qui le connaissait le rencontra à Sainte-Croix-en-Jérusalem ; effrayée et attristée de son état de santé, elle lui dit d’un ton compatissant : «Vous êtes bien mal, Benoît, vous vous en allez?» Le serviteur de Dieu, levant un peu la tête et croisant les mains, lui répondit par deux fois : «A la volonté de Dieu!» Il paraissait réjoui de cette question, lui dont la prière favorite était : «Appelez-moi, Jésus! Appelez-moi, afin que je vous voie!»
Le lundi saint 14 avril, le Bienheureux se traîna de grand matin à Sainte-Marie-des-Monts, car il eût souhaité expirer sous les yeux de la Madone miraculeuse que l’on vénère dans cette basilique à laquelle il était particulièrement attaché. Il passa la matinée en prière mais, vaincu par la faiblesse, il se vit obligé de sortir, laissant son bréviaire et son chapelet. S’en apercevant, un prêtre, l’abbé Mélis, lui rapporta ces objets et l’exhorta à se laisser conduire à l’hôpital, où il serait bien accueilli. Ce n’était pas la première fois que ce conseil lui était donné, mais Benoît avait toujours décliné cette offre charitable car il n’eût plus eu alors la liberté d’exercer ses pénitences, ni de faire ses visites accoutumées aux sanctuaires qu’il chérissait.
Rassemblant ses maigres forces, Benoît se rendit à Saint-Ignace où il avait résolu de faire la sainte communion. Le prêtre, Don Luigi Balducci, qui s’apprêtait à célébrer, fut frappé à la vue de ce pauvre mendiant qui priait à la balustrade avec une ferveur extraordinaire ; il ne pouvait en détourner son regard. On vint alors lui demander de consacrer une petite hostie en plus de celle du célébrant : « Ah! se dit-il, si elle était réservée à ce saint pauvre…»
Il le communia, en effet, et avoua que jamais il n’avait célébré la Messe avec plus de ferveur et de joie. La piété du saint était communicative.
Mardi saint 15 avril, malgré une faiblesse excessive, Benoît Joseph se mit en route, selon son habitude. Pris de syncope, il tomba à l’entrée de l’église du Pascolo ; on eût dit qu’il allait rendre l’âme. Il se releva pourtant et se dirigea vers Sainte-Praxède et, avant d’y entrer, il acheta une mesure de vinaigre qu’il but avidement, faisant aux gens de la maison stupéfaits cette réponse : «Il y a quelqu’un qui en a bu avant moi, et qui, dans cette semaine, a souffert bien plus que moi pour l’amour et le salut des hommes».
Le soir, sur les quatre heures, Benoît revint à Sainte-Marie-des-Monts. Ne tenant plus debout, il dut s’allonger sur les marches pour attendre que l’on ouvrit les portes (en effet à Rome beaucoup d’églises sont fermées depuis midi ou 13h jusque vers 16h).
Le boucher Zaccarelli, qui avait beaucoup d’amitié pour Benoît et qui passait par là, lui offrit un cordial. Benoît, pouvant à peine parler, remercia d’un signe de tête mais n’accepta pas.
Le mercredi saint 15 avril, Benoît revint, mais à grand peine, vers cette église Sainte-Marie des-Monts qu’il affectionnait tant. Il y entendit la Messe, suivant avec émotion le récit de la Passion selon Saint Luc. Les assistants dirent qu’il donnait l’impression de ressentir si vivement les poignantes douleurs du Christ qu’ils avaient craint de le voir expirer avant la fin du Saint Sacrifice.
A la fin de la Messe en effet, il fut comme suffoqué. La respiration lui manquant, il se traîna dans la rue pour éviter un complet évanouissement. Un groupe de fidèles se forma autour de lui. Chacun s’offrait à le soulager, à le recevoir dans sa maison ; quelqu’un proposa de le conduire à l’hôpital.
Benoît demeurait en silence, se recommandant à Dieu. Le boucher Zaccarelli, qui venait de faire ses Pâques à l’église paroissiale de Saint-Sauveur, s’arrêta, reconnut son pauvre ami, et hasarda : «Benoît, vous êtes bien mal, il faut vous soigner ; voulez-vous venir chez moi?» Le moribond, entendant cette voix amie, leva les yeux et dit : «Chez vous? — Oui, chez moi. — Dans votre maison? je veux bien!»
Le charitable boucher appela le plus jeune de ses fils et un compagnon de celui-ci ; ils soutinrent Benoît et l’emmenèrent dans sa demeure qui était toute proche. Mais en y arrivant, un autre obstacle se présenta, l’escalier était trop étroit pour laisser passage à trois hommes de front. Le fils du boucher chargea donc le moribond sur ses épaules. Il le déposa sur un siège, à l’étage, dans la première chambre, dans laquelle se trouvait la femme Zaccarelli, alitée depuis un mois : «Mon pauvre Benoît, s’écria-t-elle, comme vous êtes malade!»
Puis on le fit passer dans la seconde pièce et on voulut le faire mettre au lit. Après une certaine résistance, Benoît-Joseph y consentit, mais à condition qu’il n’y serait pas déshabillé. Il fallut respecter ce désir.
Le bon Zaccarelli s’occupa alors de procurer à son hôte agonisant les soins spirituels et corporels dont il avait besoin. En l’absence de son confesseur habituel, on fit appeler le Père Piccilli. Ce religieux, admirateur du saint pauvre n’avait pas craint de faire, en chaire, l’éloge du «nouvel Alexis» qui bientôt, avait-il dit, «irait faire ses Pâques en paradis».
Le Père Piccilli, en arrivant auprès du malade, lui demanda : «Mon cher Benoît, voulez-vous quelque chose? — Rien, rien, répondit le malade, sans ouvrir les yeux. — Y a-t-il longtemps que vous n’avez communié? — Peu, peu». Ce furent les dernières paroles du moribond.
Son pouls était irrégulier, à peine sensible, sa bouche fermée et les dents serrées, les yeux clos et immobiles, la sueur lui inondait le visage, tandis que les parties inférieures se refroidissaient peu à peu. Tout espoir de lui donner le saint Viatique étant perdu, on ne put que lui administrer l’Extrême-Onction. Plusieurs fois, on lui présenta le Crucifix à baiser, et chaque fois l’on vit s’entr’ouvrir ses paupières et regarder avec ferveur Jésus crucifié.
A partir de deux heures de l’après-midi, Benoit ne donna plus signe d’intelligence des choses sensibles.
La maison des Zaccarelli s’emplissait de monde ; un religieux silence régnait dans l’assemblée, interrompu seulement par la récitation des Litanies des Saints et des autres prières des agonisants. Enfin à huit heures du soir, au moment où l’assistance prononçait l’invocation : «Sainte Marie, priez pour lui», le visage du pauvre pèlerin devint livide et il rendit paisiblement son âme à Dieu sans le moindre râle.
Le prêtre qui se tenait auprès de lui lui ferma la bouche et les yeux. Or à peine Benoît-Joseph venait-il d’expirer, que toutes les cloches de la ville se mirent à sonner : c’était l’heure qui avait été décrétée par le Pape Pie VI pour appeler les fidèles à réciter trois fois le Salve Regina afin d’obtenir la puissante protection de Marie en faveur du Saint-Siège. Cette coïncidence apparut comme providentielle à tous ceux qui se trouvaient là : comme si Dieu avait voulu anticiper la proclamation de la sainteté de Benoît par Son Eglise.
On raconte. à ce sujet qu’un certain Rinaldi, plein d’admiration pour Benoît Labre, avait dit plusieurs fois : «Celui-ci, quand il mourra, fera sonner toutes les cloches!» Or ce soir-là, lorsqu’il les entendit et bien qu’il fût point du nombre de ceux qui étaient présents auprès du mourant, il s’écria : «Il n’y a pas autre chose, Benoît est mort!»
D’autre part, au même instant encore, à la voix retentissante des cloches vinrent s’unir celles d’une troupe d’enfant qui, mus par une inspirations surnaturelle, sortirent des maisons et parcoururent les rues de Rome en criant : «E morto, il santo : le saint est mort! Le saint est mort!»
Gisant de Saint Benoît-Joseph Labre, recouvrant son tombeau
(basilique de Sainte-Marie des Monts – Rome)
Saint Benoît-Joseph Labre
(jour de la canonisation)
Comme l’Église est bonne en ce siècle de haine,
D’orgueil et d’avarice et de tous les péchés,
D’exalter aujourd’hui le caché des cachés,
Le doux entre les doux à l’ignorance humaine
Et le mortifié sans pair que la Foi mène,
Saignant de pénitence et blanc d’extase, chez
Les peuples et les saints, qui, tous sens détachés,
Fit de la Pauvreté son épouse et sa reine,
Comme un autre Alexis, comme un autre François,
Et fut le Pauvre affreux, angélique, à la fois
Pratiquant la douceur, l’horreur de l’Évangile !
Et pour ainsi montrer au monde qu’il a tort
Et que les pieds crus d’or et d’argent sont d’argile,
Comme l’Église est tendre et que Jésus est fort !
Paul Verlaine ( in « Souvenirs » – 1881)
Médaillon renfermant une parcelle des ossements de Saint Benoît-Joseph Labre
(oratoire du Mesnil-Marie)
On trouvera ici un résumé de la vie de Saint Benoît-Joseph Labre,
ainsi que les litanies composées en son honneur et quelques autres prières > www