Mercredi Saint au soir.
A la veille d’entrer dans le Triduum Sacré, je livre à votre méditation quelques lignes de l’abbé Bryan Houghton (voir sa biographie ici > www).
Ce texte a été écrit (en anglais) en 1969 : à cette époque, l’abbé Houghton était encore pour quelques mois curé de Bury St Edmunds (sa démission sera à la fin du mois de novembre de cette année-là, lors de l’entrée en vigueur du nouvel Ordo Missae), et un journal de Norwich – l’Eastern Daily Press – lui demandait un article mensuel intitulé « Point de vue catholique romain ».
Ces réflexions sur la souffrance et la Croix semblent toutes simples, mais contiennent une grande profondeur et une très juste hauteur de vue, dans le style qui était propre à l’abbé Houghton.
Vivez un saint et fervent Triduum !
Le Dieu Crucifié
Le seul vrai problème que pose la création telle qu’elle est, c’est celui de la souffrance.
Je me souviens d’un jour où j’ai baptisé une petite fille qui respira deux heures et mourut : elle était le premier-né d’une mère qui avait déjà eu quatre fausses couches. Que d’espoirs disparaissaient avec elle!
Quelques heures plus tard, j’administrais l’extrême-onction à un homme de moins de cinquante ans, qui laissait une famille nombreuse avec deux jeunes enfants. Il avait passé en agonie les trois derniers mois de sa vie.
Le seul cas où l’euthanasie soulagerait vraiment la souffrance serait celui où l’on anéantirait l’espèce humaine, car la souffrance est le lot commun de l’humanité. Toute religion, toute philosophie qui ne prend pas la souffrance en compte est évidemment inadéquate.
Si les hommes doivent tous souffrir à des degrés divers, il ne fait aucun doute que leur noblesse de caractère dépend presque exclusivement de la noblesse avec laquelle ils portent leurs souffrances. On a raison de mépriser ceux qui se plaignent des plus petites insatisfactions. On a raison de vénérer les martyrs.
Les causes de la souffrance sont claires. Il y a l’insatisfaction, mais qui est parfaitement satisfait? Et il y a l’imperfection, mais qui ou quoi peut être dit parfait? Dieu seul ne souffre pas, car Lui seul est toute perfection et toute puissance.
De là, ce caractère vraiment absurde de toutes les religions autres que le christianisme : les créatures y sont plus nobles que leur Créateur. Dans toutes ces religions, Dieu se tourne éternellement les pouces dans une béatitude inaccessible, tandis que les pauvres humains doivent souffrir noblement. Leur Dieu sarcastique s’y moque de larves héroïques. Une telle absurdité est impossible. De telles religions ne peuvent être que fausses.
La chose que tout le monde sait du christianisme, c’est qu’on y adore un Dieu crucifié. Rien de moins! Et c’est son vrai titre à être la vraie religion. Non seulement Dieu n’attend pas de nous que nous subissions ce qu’Il n’a pas l’intention de subir, mais Il n’a permis la souffrance que dans la perspective, prévue de toute éternité, de Sa propre souffrance. Il ne pouvait pas souffrir comme Dieu. C’est pourquoi Il s’est fait homme.
Lorsque nous tournerons nos regards vers la Croix pendant la Semaine Sainte, souvenons-nous qu’elle est la justification de notre religion. La souffrance, pierre d’achoppement de ce monde, ne peut être évacuée de nos vies. Elle peut être éclairée – seulement éclairée – par un Dieu souffrant. Nous pouvons prier aussi pour demander la grâce de porter noblement nos propres souffrances. Nous pouvons même prier, mais cela, c’est la sainteté, pour demander de souffrir. Alors que le monde fuit la souffrance, nous pouvons l’étreindre. Embrassez-vous quelquefois un Crucifix? Non? Eh bien, faites-le!
Les chrétiens de toutes confessions ont en commun la foi au Dieu crucifié. Hélas, bien des choses les divisent! Mais au centre de la Croix, nous nous rencontrons tous.
Bryan Houghton, in « Prêtre rejeté »
(édition revue et augmentée 2005 – pp. 275-276)
Editions Dominique Martin Morin – 53290 Bouère (France)
N’oubliez pas la Neuvaine préparatoire à fête de la Miséricorde Divine,
du Vendredi Saint au Samedi in Albis > www.